C’est l’histoire symbolique du serpent qui se mord la queue… et qui fait passer les médias français pour un nid de serpents, grâce à l’amicale complicité d’un mensonge d’Etat ukrainien !

 

(Vu sur la Toile)

 

Ukraine – Russie : l’île des Serpents, exemple d’une guerre de symboles
(par Le HuffPost)

 

Le HuffPost.- Quand démêler le vrai du faux devient un vrai nid de serpent. Dans la guerre qui oppose l’Ukraine et la Russie, l’île de Zmiinyi, un petit territoire ukrainien en mer Noire, proche de la frontière roumaine, est récemment devenu le théâtre d’une bataille des discours et des symboles, symptomatique du conflit en cours dans l’est de l’Europe.

Jeudi 24 février, dans le cadre de l’offensive militaire russe en Ukraine, ce petit bout de terre a été pris d’assaut par la marine russe. Par la suite, le gouvernement ukrainien a annoncé que “les 13 gardes-frontières [qui se trouvaient sur place] ont été tués, ils ont refusé de se rendre. Ils recevront le titre de ‘héros de l’Ukraine’ à titre posthume, annonce le président Zelensky.

Erigés en héros par les autorités, ces soldats, dont le sort a ému – ce que Le HuffPost avait relayé – sont rapidement devenus des symboles puissants de la résistance des Ukrainiens face à l’envahisseur. Et l’enregistrement audio diffusé par les autorités, censé présenter les derniers mots prononcés par les militaires, a fortement contribué à forger ce récit.

“Je vous suggère de déposer les armes et de capituler. Sinon, je vais tirer”, peut-on entendre dans cet enregistrement partagé sur Facebook par Anton Gerashchenko, conseiller du ministre de l’Intérieur ukrainien. Ce à quoi un soldat ukrainien répond : “Navire russe, allez vous faire foutre”. Une réplique qui est devenue emblématique pour les Ukrainiens et qui conclut l’enregistrement.

Selon l’Ukraine, “les tirs d’artillerie ont [ensuite] commencé. Les 13 gardes-côtes ont été tués”. L’authenticité de l’enregistrement audio, publié à l’origine par le média ukrainien Ukrayinska Pravda, a été confirmée par les autorités ukrainiennes à des médias internationaux comme le Washington Post.

 

Une prise de guerre (presque) sans violence pour la Russie

 

Mais côté russe, l’histoire de la prise de l’île des Serpents ne ressemble pas (du tout) à ça. Le récit officiel de la Russie fait état de 82 soldats ukrainiens basés sur l’île. Des soldats qui n’auraient pas été tués mais auraient déposé les armes et se seraient rendus aux troupes russes.

Il n’est d’ailleurs jamais fait mention de bombardements ou de victimes lors de la prise de l’île dans l’annonce du porte-parole du ministère russe de la Défense, vendredi 25 février. Dans cette déclaration officielle russe, il est en revanche précisé que les captifs étaient “invités à signer un engagement de ne pas participer aux hostilités” et qu’ils “seraient rendus à leurs familles dans un avenir proche”.

Le lendemain, la version de la Russie évolue encore. Toujours selon le porte-parole du ministère de la Défense, “dans la soirée du 25 février, lors de l’évacuation de 82 soldats ukrainiens qui avaient volontairement déposé les armes sur l’île aux Serpents, 16 bateaux appartenant à la marine ukrainienne ont tenté d’attaquer les navires de la flotte de la mer Noire en utilisant des tactiques d’essaimage”, relate-t-il en ajoutant que certains des bateaux utilisaient des navires civils comme boucliers.

″À la suite des batailles navales, 16 bateaux de la marine ukrainienne ont été détruits. Aucun des 82 soldats ukrainiens de l’île des Serpents n’a été blessé”, précise-t-il encore. Pour lui, les bateaux ukrainiens ont attaqué pour se venger des soldats qui s’étaient rendus et pour rejeter la responsabilité de la mort des prisonniers sur la Russie.

Le porte-parole du ministère russe de la Défense émet également l’hypothèse que ces navires ukrainiens auraient pu être dirigés par des drones américains.

 

Des soldats revenus d’entre les morts

 

L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais dimanche 27 février, le Service national des gardes-frontières d’Ukraine annonce que les 13 soldats semblent finalement vivants, sans réelle preuve à apporter à cette affirmation. Dans un message publié sur Facebook, l’organisme écrit que les soldats présents sur l’île ont bien été pris pour cible par l’armée russe mais qu’ils ont tous survécu avant d’être capturés par le camp adverse.

Le lendemain, c’est la marine ukrainienne qui apporte un nouveau message d’espoir pour le peuple ukrainien en annonçant que les 13 héros de l’île des Serpents sont “vivants et en bonne santé”, mais retenus captifs aux mains de l’armée russe. Les gardes-frontières et les marins de l’île “ont courageusement repoussé par deux fois les attaques des occupants russes”, mais n’ont pas pu continuer le combat, car ils étaient à court de munitions, est-il écrit.

Dans ce message posté sur Facebook, la marine explique que la Russie a détruit l’ensemble des infrastructures de l’île et le matériel de communication. De quoi expliquer la première version officielle de l’Ukraine selon laquelle les 13 soldats n’avaient pas survécu. Une version qui serait basée sur l’absence totale de contact radio avec la garnison de l’île.

Toujours selon la version de la marine ukrainienne, les Russes s’en seraient également pris à un navire d’une mission humanitaire civile, détenant illégalement l’équipage de recherche et de sauvetage ainsi que deux prêtres que l’Ukraine a envoyés sur l’île après l’attaque. La marine de l’Ukraine condamne “la saisie illégale d’un navire civil non-combattant qui n’a effectué aucune mission militaire”. Un acte considéré comme “une violation des règles et coutumes de la guerre et du droit international humanitaire”.

Au vu de ces versions discordantes et de l’instrumentalisation du récit -d’un côté comme de l’autre- à des fins de communication, il parait donc bien difficile à ce stade de savoir ce qu’il est réellement advenu des soldats ukrainiens, et de connaître en détail les circonstances de l’attaque russe.

Ces récits opposés permettent aussi de mieux comprendre les enjeux actuels des deux camps : qu’il s’agisse d’une prise stratégique pour ce bout de terre qui sert de couloir de navigation sur la mer Noire ou qu’il s’agisse de construire un récit national d’héroïsme sans faille pour motiver soldats et citoyens à prendre les armes contre l’ennemi envahisseur.