Â
A l’Hôtel des Vignes de Rivesaltes, samedi dernier, par un hasard qui s’est avéré miraculeux, la scène était plus grande que d’habitude, plus solide aussi. Menos mal* ! car le public du tablao flamenco a ressenti dans sa chair la véritable signification de l’expression « faire vibrer la salle » lorsque Moises Navarro a commencé son premier taconeo.
L’onde vibratoire s’est répandu jusqu’aux derniers rangs semblant surgir des entrailles comme un authentique tremblement de terre. Et cette secousse mécanique s’est doublée d’une secousse émotionnelle face au phénomène interprétatif qui se produisait sur les planches.
Moises Navarro n’a que vingt-sept ans, il est de Malaga et il a commencé à apprendre le flamenco il y a deux siècles. C’est l’âge du flamenco lui même me direz-vous…
C’est bien le temps qu’il faut pour arriver à danser comme lui. Les fées qui se sont penchées sur son berceau l’ont doté d’un physique d’athlète (à moins que ce ne soit à force de travail), d’une souplesse exceptionnelle (sans nul doute patiemment développée), d’une force musculaire exemplaire (fruit d’une volonté sans faille) et d’un goût artistique prononcé pour la pureté des lignes, la justesse du placement, le geste évocateur et l’incontournable « sentimiento » témoin d’une sensibilité rare.
Parce que Moises Navarro danse avec ses tripes, dans une approche personnelle de cet art ancestral, très empreinte de contemporanéité. Ses performances rythmiques, ses prises de risques acrobatiques sont l’expression d’un abandon total à ce flamenco qui l’anime, qui le parcours et l’électrise jusqu’à la transe.
Le timbre chaud et rauque de la chanteuse Miriam Vallejo, la guitare souple et mélodique de Manuel de la Luz sont les soutiens indéfectibles de son inspiration. Il danse le chant, il respire la guitare, pantin tragique ou torero flamboyant.
Il incarne même les belles poissonnières de la criée de Cadix qui n’ont rien à envier à celles de Marseille. Tarantos et Cantiñas, deux styles opposés, deux danses imposantes, une palette infinie d’émotions, une explosion tellurique. Il n’y a pas à dire, ce Moises Navarro c’est un Troll de flamenco !
Â