Mercredi dernier, le Tribunal administratif de Montpellier (TA – Hérault)) a annulé le contrat liant la Commune d’Argelès-sur-Mer à la Société Keolis et ayant pour objet le réseau de transports « d’Aquà »…
Les commentateurs de cette décision ne se sont pas fait attendre et beaucoup ont cité cette décision comme un « coup de théâtre »… or, ici, les choses étaient tellement grosses, qu’il n’y a aucune surprise dans l’annulation elle-même sauf peut-être pour le maire* et son équipe.
En revanche, ce qui surprendra les avertis, est bien le délai qu’il aura fallu pour arriver à ce résultat, lequel n’est pas sans conséquence puisqu’entre les études et procédures de passation, les investissements, les coûts de fonctionnement du réseau et les indemnités qui seront dues à l’exploitant Keolis par la commune (qui est juridiquement fautive et engage dès lors sa responsabilité), les Argelésiens vont y laisser quelques millions d’€uros.
À l’heure de sortir douloureusement le chéquier, une question se pose : comment en est-on arrivé là ? Les institutions de la République n’auraient-elles pas pu mettre un terme à la fuite en avant du maire ?
Car oui, si le maire est, à titre personnel, trop sûr de lui pour ouvrir un Code des transports, il y a un acteur qui est censé l’ouvrir à sa place pour « protéger les intérêts nationaux » et, notamment, le bon usage des deniers publics…
En effet, si l’article 72 de la Constitution est réputé en tant qu’il pose le principe de libre administration des collectivités territoriales (Région, Département, Intercommunalité, Commune.), cet article donne aussi au préfet « la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ».
En d’autres termes, le préfet contrôle la légalité des actes communaux, c’est-à -dire les arrêtés du maire, les délibérations du Conseil municipal mais aussi les contrats (articles L. 2131-1 et suivants du code général des collectivités territoriales & Conseil d’État, Assemblée, 4 avril 2014, Département du Tarn-et-Garonne).
Et il aurait été heureux que le préfet** joue son rôle ici, puisque dans cette affaire des transports argelésiens, on savait au moins dès le 18 mai 2021 ce qui allait advenir de cette délégation de service public et de la compétence communale (Cf. Document joint qui est une note que j’avais adressée à la Commune et à des conseillers municipaux) et ce, car l’incompétence de la Commune résultait déjà de la Loi LOM de 2019 (Cf. Schéma joint).
Or, au moment où la Commune délibère le 18 mai 2021 pour « la prise de compétence mobilités sur son ressort territorial » aux fins d’organiser une régie (qui là encore aura fait perdre quelques millions aux contribuables), d’aucuns savent que la délibération est illégale !
Que fait le préfet ? Rien, N.A.D.A.
Magnanime, la Commune offre au préfet une session de rattrapage quand, par délibération du 17 février 2022, elle « approuve le principe du recours à un contrat de délégation de service public pour l’exploitation du service public de transport de voyageur sur son ressort territorial. ».
Qu’à cela ne tienne, le préfet, là encore, ferme les yeux.
Ce n’est que lorsque la Commune d’Argelès-sur-Mer signera avec Keolis le contrat pour l’exécution de cette délégation de service public, soit deux ans après la première opportunité, que le Préfet, EN-FIN, se réveillera et défèrera le tout devant la juridiction administrative.
Mais hélas, il est trop tard ! Jamais le juge administratif ne suspendra en référé (procédure d’urgence) ce contrat au mois de juin 2023, c’est-à -dire au moment du coup d’envoi de la haute saison estivale. L’intérêt du service public prime devant le juge de l’urgence !
On ajoutera qu’en plus le préfet, pour sa crédibilité dans le cadre d’un « déféré » tendant à la suspension en urgence par le juge, ne pouvait plaider l’incompétence de la Commune dès lors qu’il avait déjà manqué deux occasions de le faire dans un cadre qui aurait pourtant été bien moins préjudiciable à la continuité du Service ! D’où l’absence de ce moyen dans la décision rendue par la juridiction montpelliéraine à l’époque… (Cf. Ordonnance jointe).
Il aura donc fallu attendre le mois d’avril 2024 pour que le contrat soit annulé, et encore, qu’à compter du 1er septembre 2024***.
Et dans tout cela, qui paye ? Vous… plaisir d’offrir, joie de recevoir !
Somme toute, en pays catalan, le grand Dalà n’a plus le monopole du surréalisme.
Charles Gilquin, étudiant en Master de Droit Public près l’Université de Rennes
*NDLR. Anroine Parra (Divers Gauche/ DvG).
**NDLR. Le préfet des Pyrénées-Orientales de l’époque était Etienne Stoskopf, jusqu’en juillet 2022. Rodrigue Furcy lui a succédé jusqu’en juillet 2023. L’actuel préfet des P-O, Thierry Bonnier, n’est en place que depuis septembre 2023.
***NDLR. Visiblement, les magistrats montpelliérains dans leur verdict ont souhaité ne pas “plomber” la saison touristique d’Argelès-sur-Mer, notamment les dessertes estivales de la cinquantaine de campings, ce en ne faisant appliquer leur décision qu’à partir du 1er septembre 2024. (Jurisprudence Conseil d’Etat, Assemblée, 11 mai 2004, Association AC !)
de_cision 16-06-2023 – re_fe_re_ suspension