Rencontre avec un élu d’exception : Christian Nauté, maire de Laroque-des-Albères. Loin des suspenses, des sortilèges et des coups de théâtre foireux auxquels la politique politicienne & politicarde nous a si souvent habitués, il est un personnage qui nous fait respirer le Pays catalan, via ses magnifiques Albères, à pleins poumons ! Ce matin-là, j’ai rencontré un homme heureux, fier de son village, de ses habitants, de ses origines, le tout en toute modestie, sans excès ni de langage ni de Moi Je. Un maire qui, dans sa fonction républicaine, serpente sur les bas-côtés broussailleux de la mémoire et nous entraîne vers un pays de Cocagne, le Roussillon, dont chacun d’entre nous pourrait être le prince. Coup de projecteur sur un élu assurément pas comme les autres. Cet octogénaire plein de vie et de saveurs est véritablement un cas d’école !

 

L.M.

 

Christian Nauté, maire de Laroque-des-Albères. Dans son bureau de l’Hôtel-de-Ville, il dessine les contours du PEAN – Protection Espace Agricole et Naturel -, plus de six cents hectares proyégés dans sa commune ! Avec celui de Canohès, c’est le PEAN le plus grand des P-O : “Un bouclier, un écrin de culture qui protège la commune de toute spéculation !”, aime-t-il à le légender.

Christian Nauté, maire de Laroque-des-Albères.

 

-Ouillade.eu : vous faites aujourd’hui 88 ans, puisque vous êtes né le 13 mars 1936, et pourtant vous êtes un “jeune maire”, pour les P-O en tout cas, puisque ce n’est que votre troisième mandat…

Christian Nauté : “On peut effectivement le voir sous cet angle-là. J’avais 72 ans, en octobre 2008, lorsque je suis devenu maire de Laroque. Auparavant, je n’avais jamais fait de politique. Je m’y intéressais comme un citoyen lambda, j’allais voter comme chacun. J’ai été contacté par un candidat qui se présentait, Jean-Pierre Bagate, pour être sur sa liste, pour être son second. Elu maire, il a démissionné au bout de six mois, j’étais son 1er adjoint et c’est ainsi que je me suis retrouvé maire de Laroque. Puis réélu en 2014 et en 2020”.

-Ouillade.eu : votre parcours est plutôt atypique. Vous êtes natif de Torreilles*, en Salanque, mais à part ça vous n’avez jamais habité dans le département…

Christian Nauté : “C’est exact. Mon père était gendarme, donc la famille a pas mal bougé, mais je suis Catalan, USAPiste à fond ! Le fait de ne pas habiter le 66 a fait que j’étais encore plus accroché à mes racines ; le Canigou, le Castillet, Collioure… mes 3 C !”.

-Ouillade.eu : politiquement, dans le cadre de votre mandat de maire, où vous classez-vous ?

Christian Nauté : “Gauche, droite, écolo, centre ?… Je ne le sais pas moi-même ! Je dis souvent que j’appartiens au parti BS, le parti du Bon-Sens. Je prends les idées partout où elles sont bonnes à prendre pour la commune. Telle est ma philosophie. Ce qui me guide au quotidien, c’est comment améliorer la vie des gens et l’avenir. Être maire, c’est un rôle bicéphale. Un maire doit avoir deux têtes. Il doit sans cesse penser le présent et l’avenir. Cela correspond littéralement au budget de la Commune, à savoir le fonctionnement, pour le présent et les investissements, pour le futur, c’est la vision de la commune sur un plus long terme. Par-dessus tout, le plus important chez un maire, c’est qu’il doit aimer certes sa commune, mais aussi les gens. Dans le mot “MAIRE”, il y a le verbe “AIMER”.

-Ouillade.eu : sur le terrain, vous le traduisez comment ?

Christian Nauté : “Je suis toujours dehors. Je vais au café tous les matins, pour boire un café. C’est l’occasion de faire passer des messages et de recevoir des infos. Cette habitude, je l’ai piquée chez Pierrot Aylagas, l’ex-député-maire d’Argelès-sur-Mer. Lors de réunions de la communauté de communes** qu’il présidait, il nous expliquait comme il a labouré le terrain pour rester en contact avec tout le monde. Dans la même journée, il était capable d’être à la fois à Argelès-sur-Mer, à Amélie-les-Bains… Le samedi matin, il faisait trois-quatre villages… Il faut que les gens voient, les écouter. L’écoute est très importante. Avant d’être à la retraite, j’étais commissaire à la PJ. J’ai travaillé  la “pénétration” du milieu. J’avais des informateurs partout. Je ne les ai jamais payés, mais j’étais très humain avec eux, j’avais une ligne de conduite, on se parlait, on s’écoutait. C’était ma méthode de travail. Les contacts, le lien social, le respect mutuel bien sûr, tout cela est essentiel”.

-Ouillade.eu : quel regard portez-vous sur la fonction de maire aujourd’hui ?

Christian Nauté : “On s’enrichit énormément, sans prendre 1 sou je précise ! Personnellement, je me suis enrichi sur le plan des relations humaines. Je vais vous donner un simple exemple. Tous les jeudis, c’est porte-ouverte dans mon bureau. Chacun vient sans rendez-vous, comme il est. C’est dans ces moments-là qu’on crée du lien. Car maire, c’est aussi quelque part un rôle de confident. Je le répète, il faut écouter les gens”.

-Ouillade.eu : si vous aviez 72 ans aujourd’hui, ce mercredi 13 mars 2024, l’âge lorsque vous vous êtes “lancé” en politique, le refriez-vous ?

Christian Nauté : “Oui, je recommencerai. Oui, oui, oui, trois fois oui ! Parce que c’est enrichissant, motivant, il y a aussi une part non négligeable d’enthousiasme et de vouloir relever des défis, parce qu’on a une certaine influence sur le quotidien et l’avenir. Et comme j’aime bien les défis… on ne dit pas “Ce n’est pas faisable” mais “On va le faire” !”.

-Ouillade.eu : justement, est-ce qu’il y a un “style Nauté” ?

Christian Nauté : “Je ne sais pas. C’est à vous de (me) le dire. Le fait d’être accessible ? D’être toujours à l’écoute ?… Quand quelqu’un a un projet solide, qu’il vient me voir pour le présenter, je n’hésite pas à embarquer la personne dans ma voiture pour lui faire le tour du village – le “tour du propriétaire” en quelque sorte – lui vanter nos atouts, lui monter éventuellement des faiblesses qui pourraient surgir par rapport à ses ambitions professionnelles. J’assiste à toutes les réunions des enseignants et des parents d’élèves, car pour moi l’Ecole c’est le socle de la République. Quand ailleurs, dans d’autres communes, le maire envoie un adjoint, moi j’y vais direct… Pour tout vous dire, lors de ces réunions chacun à tour de rôle apporte un gâteau, des boissons, un coup c’est eux un coup c’est la mairie. Nous avons institué ce type de convivialité et je peux vous confirmer que cela facilite les échanges. Comme dans le village l’USAP fait le lien avec les jeunes ! C’est tout cela qu’il faut entretenir. Le lien social, c’est le lien le plus important. La plupart des Rocatins m’appellent Christian. On m’appelle rarement Monsieur le Maire. Et cela ne les empêche pas de me respecter”.

 

Propos recueillis par L.M.

*La famille Nauté est très connue à Torreilles. Un aïeul, François, a joué avec Aimé Giral (rugby à XV, USAP), gagné la finale de 1914 puis est allé mourir sur la Marne quelques mois plus tard.

**Communauté de communes Albères – Côte Vermeille – Illibéris (CC-ACVI), 15 communes : Argelès-sur-Mer, Bages, Banyuls-sur-Mer, Cerbère, Collioure, Elne, Laroque-des-Albères, Montesquieu-des-Albères, Ortaffa, Palau-del-Vidre, Port-Vendres, Saint-André, Saint-Génis-des-Fontaines, Sorède et Villelongue-dels-Monts. 

 

Le maire de Laroque-des-Albères esquisse dans l’air du temps le projet de rénovation du “coeur de ville” de son village : “Cela se fera en deux-trois phases, donc ce n’est pas moi qui le terminerait, mais je veux lancer l’opération. C’est budgétisé ! La première phase représente un investissement de 1 million d’€uros. Il s’étend depuis la place des Albères jusqu’aux ateliers techniques municipaux, près du Fac (Foyer d’Action Communale). Cette première phase va consister à la création d’une voie piétonne partagée avec les personnes à mobilité réduite, accessibilité du site en “pente douce” jusqu’au théâtre de verdure”.