(Vu sur la Toile)
Claude Allègre est mort
(Article de Par Hadrien Brachet et Sébastien Schneegans • Rédaction hebdomadaire Le Point)
Journal Le Point.- Il était la preuve qu’en politique, une seule phrase peut, à jamais, vous marquer au fer rouge. Claude Allègre, l’homme qui voulait « dégraisser le mammouth », s’est éteint ce quatre janvier à l’âge de 87 ans. Il laisse la trace d’une personnalité inclassable, figure incontournable des années Jospin, dont le passage à l’Éducation nationale comme les positions décriées sur le plan scientifique n’ont cessé de susciter des controverses électriques.
Médaille d’or du CNRS en 1994, prix Crafoord de géologie en 1986, ce géochimiste s’est fait connaître du grand public à son arrivée rue de Grenelle en 1997. Succédant à un François Bayrou ultra-prudent depuis sa tentative malheureuse de réforme de la loi Falloux, Allègre veut bousculer les habitudes. À peine nommé, le voilà qui annonce vouloir « mettre fin à la cogestion du ministère par les syndicats » et, surtout, « dégraisser le mammouth ». Explosif.
Une déclaration, suivie par d’autres, qui fera en quelques instants du ministre la bête noire de syndicats enseignants inquiets, quand d’autres célébreront en lui un briseur de tabou sur la structure bureaucratique de l’Éducation nationale. Bref, un personnage ne laissant jamais indifférent. « Évidemment il était maladroit, un peu mégalo mais sur le fond je trouve qu’il mettait le doigt sur les vrais sujets », défend l’un des anciens membres de son cabinet, se souvenant d’un « homme bouillonnant » et des soirées endiablées passées à chanter du Brassens rue de Grenelle.
Jospin son « ami de jeunesse »
Claude Allègre, qui, avant d’entrer lui-même au gouvernement fut conseiller spécial de Lionel Jospin à ce même ministère, initia notamment en France la réforme du LMD dans l’enseignement supérieur. Après d’importantes manifestations enseignantes, il fut remplacé en 2000 par Jack Lang, sans renoncer pour autant à s’exprimer sur les questions éducatives. « Sans tomber dans le catastrophisme, je dirai simplement que, malgré l’effort budgétaire colossal fait en sa faveur depuis trente ans, notre système éducatif ne joue plus son rôle de moteur de développement et de rayonnement de notre pays », déclarait-il quelques années plus tard, en 2011 dans Le Point.
Celui qui était surnommé « Vulcano » au sein du PS y a milité des dizaines d’années. « C’était un compagnon de route, un intime de Jospin. Ils ont tout partagé », raconte un cacique socialiste qui l’a bien connu. Jospin et Allègre ont même partagé la même chambre à la cité universitaire Jean-Zay, à Anthony (Hauts-de-Seine). En 2000, il digère mal que son « ami de jeunesse » décide de le remplacer par Jack Lang et en 2007, il refuse de soutenir publiquement la candidature de Ségolène Royal, dont il raille le « talent immense d’autopromotion » et la « démagogie ».
Puis, en octobre, après s’être dit « bluffé » par les débuts de Nicolas Sarkozy, il annonce au micro de Jean-Pierre Elkabbach, sur Europe 1, qu’il quitte le Parti socialiste. Il dit alors refuser les « guerres picrocholines » entre les différents clans du parti pour succéder à François Hollande. Lorsqu’il est victime, en 2013, d’un très grave accident cardiaque lors d’un colloque scientifique à Santiago, au Chili, l’ancien ministre reçoit le soutien de Lionel Jospin, qui lui témoigne son amitié. « Ils sont restés proches, jusqu’à la fin », rapporte le cadre du PS précité.
Un homme iconoclaste
Cet homme iconoclaste, chroniqueur au Point et à L’Express, anima également le débat public par des positions jugées climatosceptiques régulièrement décriées par la communauté scientifique. Son livre L’imposture climatique, paru chez Plon, a provoqué un tollé. « Est-il plus urgent de se préoccuper de la faim dans le monde [?] ou du chômage [?] ou faut-il se réunir à Copenhague avec 120 chefs d’État pour se préoccuper du climat dans un siècle et dépenser pour cela un demi-milliard d’euros ? », y écrivait-il.
Ses thèses furent réfutées par l’Académie des sciences. Il fut aussi l’auteur d’Introduction à une histoire naturelle et d’Histoires de terre.
(Source : journal Le Point)