Anne Bucher, visiting fellow au Bruegel Institute et ancienne DG santé à la Commission Européenne, Miquel Oliu-Barton, maître de conférences à l’Université Paris-Dauphine et senior fellow à Esade EcPol et Bary Pradelski, chercheur en économie au CNRS et membre associé de l’Oxford-Man Institute

 

-“Soutenues par le déploiement des vaccins, le pass sanitaire et les zones vertes sont deux opportunités à considérer pour accélérer la sortie de crise aussi bien sur le plan sanitaire que sur le plan économique. Elles prônent toutes deux une politique pragmatique et différenciée, fondée uniquement sur des critères épidémiologiques, la première proposition est de nature micro – il s’agit de retrouver des libertés individuelles –, la seconde est une approche macro – ou territoriale.

Aujourd’hui, dès lors qu’une réouverture ciblée des lieux de rassemblement est possible à moindre coût, la fermeture généralisée de tous les lieux de socialisation est difficilement justifiable. Voilà pourquoi il faut, dès que nous en aurons la possibilité, renouer avec cette liberté qui a tant été sacrifiée ces derniers temps. Le retour à la normale n’est pas un privilège, mais un droit que chacune et chacun d’entre nous a hâte de recouvrer. Nous avons besoin d’un pass sanitaire fiable, temporaire et accessible à tous. Parce qu’un tel pass soulève des questions importantes, sa mise en place exige une phase pilote et des consultations immédiates. C’est ce que propose Terra Nova dans cette note…”.

 

Lire “Le pass sanitaire : une opportunité pour recouvrer nos libertés tout en restant prudents”
Terra Nova est un think tank progressiste indépendant ayant pour but de produire et diffuser des solutions politiques innovantes en France et en Europe.

 

SYNTHÈSE

-“Le développement des campagnes de vaccination en France et en Europe nous font entrer dans une nouvelle phase de la gestion de l’épidémie de COVID-19.

Quelles que soient les discussions sur les stratégies vaccinales et notamment sur le rythme des campagnes, il apparaît que la vaccination ne peut pas constituer la seule stratégie de lutte contre la pandémie. Plusieurs incertitudes demeurent en effet : nous n’avons pas assez de recul pour savoir dans quelle mesure la vaccination protège de la contagion, nous ne savons pas quel est le risque que les nombreux variants du virus qui se diffusent actuellement échappent à la protection conférée par les vaccins, nous ne savons pas combien de temps les vaccins apportent une protection et enfin nous ne savons pas quelle proportion de la population doit être vaccinée pour bloquer la circulation du virus.

En complément de la vaccination, même si l’on va le plus vite possible, il nous faut donc poursuivre une stratégie sanitaire intégrant des mesures freinant la circulation du virus. Parmi la palette d’outils disponibles, la présente note en présente deux : le pass sanitaire et les zones vertes.
Ces deux outils sont complémentaires. Le pass sanitaire consiste dans un certificat indiquant qu’une personne est vaccinée, immunisée ou testée négative (dans un délai récent), ce qui peut lui permettre de se déplacer ou fréquenter des lieux où les interactions sont nombreuses (musées, théâtres, cinémas, restaurants, cafés etc.). Les zones vertes renvoient à une classification des territoires en fonction de la vitesse de circulation du virus. Dans les projets en cours de discussions, la circulation de zone verte à zone verte serait possible sans restriction dans toute l’Europe. En revanche, le passage d’une zone orange à verte, ou rouge à orange, donnerait lieu à des contrôles et des limitations (tests et quarantaines).

En complément, il faudrait caractériser les lieux de sociabilité en fonction de l’intensité des interactions qu’ils présentent de manière à ne rendre exigible la présentation d’un pass sanitaire que dans les lieux où c’est strictement nécessaire. Ces outils présentent en effet de nombreux risques pour nos libertés : risque de discriminations, de certification, de confidentialité, d’abus, de contestation… Si l’on ne répond pas à ces risques, l’acceptabilité des dispositifs restera faible, et leur adoption limitée. Un système efficace suppose en outre qu’il soit partagé dans l’ensemble des pays européens, avec un code commun d’affichage, des garanties de même niveau, une interopérabilité complète etc.
Avec un pass sanitaire et la définition de zones vertes, on pourrait rouvrir prudemment les lieux de sociabilité fermés pendant les phases de confinement. Au lieu d’un déconfinement brutal ou prématuré, qui risquerait de prolonger les contraintes du « stop and go », on pourrait gérer de manière souple et progressive la définition des zones en fonction de la maîtrise du virus et passer de rouge à orange, puis d’orange à vert à mesure que le nombre de cas diminue. L’adaptabilité des critères de définition des zones, en fonction du niveau de précision des tests ou des caractéristiques des nouveaux variants, doit rester ouverte. Certes, tout le monde n’aura pas d’emblée accès aux zones vertes.

Pour éviter une inégalité trop importante entre les personnes vaccinées, et celles qui, notamment en raison de leur âge, n’ont pas encore accès à la vaccination, il faut élargir le pass sanitaire aux tests et rendre ceux-ci disponibles et facilement accessibles. Ainsi, une personne présentant un test PCR négatif de moins de 72h ne serait pas désavantagée par rapport à une personne ayant déjà reçu une première dose de vaccin. Dans l’ensemble, l’avantage collectif à rendre possible la réouverture de lieux publics, notamment les universités, l’emporte largement sur des dispositions temporairement inégales en fonction du statut sérologique”.