(Vu sur la Toile)

 

« On ne va plus en discothèque » : ce week-end, c’est la fête au village
(Article de Par Thomas Valognes • Rédaction magazine Le Point)

 

Le Point.- Gabriel, jeune Gardois d’à peine 20 ans, est catégorique : « On ne va plus en discothèque, on préfère les fêtes de village. » Un propos qu’il n’est pas rare d’entendre quand la saison des fêtes de village bat son plein. Dans le sud de la France, sitôt les beaux jours arrivés, les fêtes votives, patronales ou autres férias sont légion. Il y a les plus connues (Bayonne, Dax, Nîmes, etc.) qui rassemblent des milliers de personnes, mais aussi les plus anonymes, qui unissent la population locale autour des traditions dans une atmosphère conviviale et familiale.

« Ce sont des fêtes marquantes, avec une ambiance que l’on ne retrouve nulle part ailleurs », constate Quentin Belloir, alias @GuideGaulois sur Instagram, un influenceur spécialisé dans les fêtes de village, suivi par près de 80 000 personnes. C’est le cas d’Estézargues, petite commune gardoise d’à peine plus de 600 âmes située entre Nîmes et Avignon. Sa fête votive a été classée, selon un site Internet local, parmi les meilleures fêtes du département. Voilà qui nous a convaincus d’aller y faire un tour.

 

 

Une organisation reprise par la jeunesse du village

 

À première vue, cette bourgade a tout d’un village-dortoir. Aucun commerce, à part la coopérative regroupant des vignerons de la région, mais une école, une bibliothèque et un terrain multiports City. Une commune parfaite pour les familles. Arrivé au c?ur de la commune, le tour est rapide : quatre rues étroites, bordées de jolies bâtisses en pierre et convergeant vers la place de la mairie.

Dans le prolongement de l’édifice se trouve la rue du Barri. C’est ici que la fête va se dérouler tout le week-end. Nous contournons l’estrade où s’installera le DJ et avançons vers le bar installé à l’entrée de la salle des fêtes municipale. Il n’est pas encore 19H ce vendredi de la mi-juillet et la fête doit débuter d’ici 30 minutes.

« Oh, il y a Le Point qui est arrivé », entend-on avec un accent typiquement du Sud. Rémi Roulet est « une gueule du village ». Pompier volontaire de 37 ans, ce grand gaillard aux yeux perçants est à la tête du comité des fêtes depuis treize ans. Il est entouré de quatorze bénévoles. « Nous sommes tous des enfants d’Estézargues. On est très attachés à notre village, c’est pour ça que l’on organise des événements ici, pour que les habitants se retrouvent, détaille-t-il en indiquant que, le reste de l’année, plusieurs repas sont organisés. Mais le plus grand rendez-vous, c’est la fête votive de ce week-end. »

Le topo est bref, nous retenons que le principal défi sera de tenir : le programme est chargé. Il peut se résumer en quelques mots : convivialité, tradition taurine, pétanque, fête et surtout « apéro » (un mot que l’on entendra régulièrement tout au long du week-end).

 

 

Une fête pour créer du lien entre les habitants

 

D’ailleurs, c’est l’heure. Il est 19H 30 et les fêtards arrivent. C’est toujours la même bande qui se présente en premier. Nous les appellerons « les historiques ». Il y a Mireille, Nicole, Claude ou bien encore Hubert. Une belle équipe d’une dizaine d’anciens du village qui ne ratent jamais une occasion pour se retrouver. « Heureusement qu’ils sont là, ils sont toujours présents lors de nos manifestations, cela nous aide financièrement », explique Rémi. « On a que ça à faire », répond l’une d’entre eux en riant.

Nous n’avons qu’un seul but : faire la fête ensemble.

La petite rue du Barri se remplit rapidement. Une soixantaine de personnes ont fait le déplacement pour ce premier soir. Pendant que les historiques prennent place sur les tables disposées en haut de la rue, près du lavoir, la foule s’agglutine autour du bar. Ici, tout le monde se connaît, se claque la bise trois fois et s’offre un verre. On demande des nouvelles des petits, de l’exploitation viticole, on rigole et on met son bras autour de l’épaule de l’autre.

« Lorsqu’on se retrouve, même si nous n’avons pas tous les mêmes idées ou que nous ne sommes pas de la même génération, on oublie tout et nous n’avons qu’un seul but : faire la fête ensemble », détaille Erwan, 25 ans, dont les parents habitent la commune. Et Théo, habitant d’un village voisin, d’acquiescer : « C’est comme un repas de famille, les fêtes de village, c’est impensable de les rater. Elles permettent de retrouver tout le monde. »

Selon une étude Infopro réalisée pour Les plus belles fêtes de France en juin 2025, 94 % des collectivités organisatrices de fêtes estiment que les fêtes de village traditionnelles sont un atout pour l’attractivité et la visibilité de leur commune. Nous comprenons rapidement que celle d’Estézargues est en premier lieu faite pour (re)créer du lien au sein même du village. « Les habitants de ce genre de commune ont, finalement, un lien social plus important que celui d’un habitant des grandes villes, car à Paris, Marseille ou ailleurs, on ne s’intéresse pas à son voisin », assure l’influenceur @GuideGaulois.

À Estézargues, il y a bien un noyau dur, composé des jeunes du comité des fêtes, de leurs parents et les historiques. Puis il y a les nouveaux. Plus difficiles à faire venir. « Depuis quelques années, nous voyons des nouveaux habitants s’installer ici, mais ils ne se mélangent pas », regrette l’ensemble des personnes interrogées tout au long du week-end.

Qu’à cela ne tienne, la fête bat son plein avec (ou sans) eux. Et ce n’est que le début. Ce premier soir de fête se termine officiellement à 1 heure du matin au rythme du DJ qui a fait danser la petite foule toute la soirée.

 

 

Abrivado, bandido ? L’heure du folklore traditionnel

 

Pas le temps de se reposer, la journée la plus intense commence. Le rendez-vous est donné, ce samedi, à 11H 30 pour les habitants. Bien plus tôt pour les membres du comité. Dès 9H, Rémi, Pauline, Charlotte, Maël et le reste de l’équipe s’affairent à disposer les barrières de sécurité tout au long de la rue du Barri. « Ce matin a lieu le premier abrivado », nous explique Maël, 24 ans.

Une explication s’impose : « Il s’agit d’une tradition où, autrefois, les taureaux étaient amenés aux arènes pour les courses, entourés de gardians à cheval. Aujourd’hui, les bêtes arrivent en camion et traversent le village sur un chemin délimité par des barrières, pour plus de sécurité », nous explique-t-on. Un moment de folklore attendu par petits et grands, malgré un ciel menaçant.

Il est 11H 30 et une centaine de personnes ont fait le déplacement. Les têtes d’hier sont les mêmes que celles de ce matin. C’est à celui qui aura la meilleure vue. Il y a ceux positionnés près du lavoir, en hauteur, d’autres sur les terrasses des habitations, ou bien, plus simplement, derrière les barrières. Mais il y a surtout quelques casse-cou qui n’ont qu’un seul but : arrêter le taureau lors de son passage.

Seuls les plus vaillants viennent se frotter à l’animal. Ici, pas de maltraitance. Une fois l’animal stoppé, il est aussitôt relâché et termine sa course, tranquillement, pour rejoindre ses congénères au bout de la rue. « Il y a un vrai amour de la bête. On ne peut pas faire n’importe quoi. Les manadiers [les gardiens du troupeau, NDLR] sont là pour y veiller », détaille Kevin, 25 ans, grand blond avec un taureau tatoué sur l’épaule.

Durant plus de trente minutes, les allers-retours se font dans la rue, sous les applaudissements de la foule. Tels des héros, les gaillards venus se frotter aux taureaux saluent le public après leur exploit. Entre abrivado, bandido et longues, dont le principe reste sensiblement le même, le folklore va se répéter et rythmera l’ensemble du week-end.

Une fois la procession terminée, tout le monde se retrouve au comptoir pour trinquer à la réussite de l’événement et pour féliciter les stars de la matinée, toujours dans une ambiance conviviale. « Il y a une sorte de fil continu qui ne s’arrête pas lors de ces événements », analyse l’influenceur Quentin Belloir.

La journée du samedi se déroule ensuite avec le traditionnel tournoi de pétanque avant la grande soirée où, pour l’occasion, le comité a fait installer des structures géantes pour le plus grand bonheur des enfants mais aussi des parents. « On adore venir ici, détaille Julie, venue de Montfrin, un village voisin. Il y a plein de fêtes ce week-end mais, avec les enfants, on préfère venir là car nous nous sentons en sécurité et tout le monde trouve son bonheur », détaille la mère de deux enfants de 6 et 8 ans, qui a prévu de revenir le dimanche pour l’apéro mousse.

Même constat pour Marion, habitante du village et mère de trois enfants. « Ce qui est génial lors de cette fête, c’est qu’on peut se permettre de laisser les enfants jouer sans avoir besoin d’être derrière eux. Il y a toujours une personne qui jette un ?il. Ici, tout le monde se connaît, donc on a moins peur. » Les parents peuvent alors discuter tranquillement entre adultes ou aller danser pendant que les enfants, eux, jouent au City ou dans les structures gonflables.

Un véritable sentiment de quiétude s’est emparé de nous au moment de partir, mais nous sommes déjà convaincus que nous reviendrons tant les âmes du village ont réussi à nous transmettre ce à quoi ils tiennent le plus : l’attachement à leur commune, leur histoire et, surtout, leur simplicité qui nous a fait nous sentir, le temps d’un week-end, un Estézarguais à part entière.

(Source : hebdomadaire Le Point)