*Jacqueline Amiel-Donat, Professeur agrégée des Facultés de Droit

 

-“Sommes-nous des êtres constituant un tout ou peut-on, selon les temps, selon l’humeur ou
simplement selon son intérêt, être dissociés ? Doit-on appréhender l’intégralité de la vie et des actes d’un homme ou d’une femme, ou peut-on en occulter une partie ou quelques épisodes ?

Peut-on célébrer l’héroïsme ou les mérites d’une personne dont on garde sous silence les méfaits et exactions ?

C’est toujours le même débat finalement, qui suppose une seule et unique réponse publique sous peine de sectarisme.

En privé, chacun est libre de ne voir que les qualités ou de rejeter en bloc celui qu’on aime ou qu’on aime un peu moins, c’est selon. En public, ou plutôt s’agissant du regard public et de la mémoire publique, il faut trancher : divisible ou indivisible ? C’est à cette question que sont confrontés les habitants des Pyrénées-Orientales, pour l’esplanade que la Mairie de Perpignan a dénommée « Pierre Sergent » et pour la rue à laquelle la Mairie d’Argelès-sur-Mer a donné le nom d’ « Alfons Mias ».

Le capitaine Pierre Sergent, au comportement héroïque pendant la seconde guerre mondiale
et par ailleurs chef de l’Organisation armée secrète (OAS) pendant la guerre d’Algérie, en charge de la coordination des attentats en métropole, ceux-là même qui ont fait tant de victimes civiles à Paris.

L’auteur Alfons Mias, pionnier et fondateur dans les années 1930 de la « Joventut Catalanista Nostra Terra », publication engagée du mouvement catalaniste roussillonnais, et par ailleurs grand collaborateur pendant l’Occupation, dénonciateur zélé antisémite et anticommuniste.

Divisibles ou indivisibles ? En tous les cas, similaires, et appelant un traitement unique de la part du service des « Hommages Publics » et devant susciter la même réaction de la part des associations telles que la Ligue des Droits de l’Homme.

Alors, vous me direz qu’en réagissant comme ça, on ne va plus trouver beaucoup de grand homme ou de grande femme à honorer, les zones d’ombre de leurs vies entachant irrémédiablement tout mérite établi. A l’instar de Pétain, le « héros » de 14-18 et le « salaud » de 39-45, et de tant d’autres encore… Et de tous ceux dont on découvre aujourd’hui les exactions sexuelles infligées à ces victimes écrasées par l’aura de leurs bourreaux.

Alors que faire ? Ne pas les louer en jetant leurs noms et leur mémoire aux oubliettes, ainsi que le pan d’histoire qu’ils représentent, ou les célébrer en leur restituant l’intégralité de leur vie, du style « Pierre Sergent (ou Alfons Mias), héros et salaud , condamné … » ?

Moi je trouve que c’est pas mal, « héros et salaud ». Ça aurait pour mérite de nous rappeler que nous devons être en permanence vigilants, la vertu n’existant pas sans la constance.

 

*Jacqueline Amiel-Donat, Professeur agrégée des Facultés de Droit