Créé il y a presque 30 ans par la famille CABRéJAS, au cÅ“ur du quartier piéton de la station balnéaire Argelès-plage – c’est un don inné chez eux : les CABRéJAS, visionnaires dans les affaires, ont toujours su repérer avant les autres les endroits stratégiques pour les transformer en “success stories” –  le restaurant-crêperie “Alexandre” n’ouvrira pas ses portes cette saison.
En tout cas sous la forme d’un établissement de bouche. En lieu et place, c’est une boutique de fringues et d’accessoires de mode qui s’installera dans ces célèbres murs qui, pendant des étés, surtout dans les années 80 à 90, sous l’impulsion originale de Pierre-Alexandre CABRéJAS, ont vu passer des tonnes de starlettes, le Tout-Perpignan en goguette et des générations de fashion victims aux silhouettes étranges et thématiques portées par un vent de liberté.
Il faut bien reconnaître et admettre que Pierre-Alexandre avait le flair pour dénicher les tendances, afin de transformer son établissement en multi-scènes : les soirs d’été, par exemple, la belle clientèle s’y attablait pour dîner, certes, ou pour y avaler un cocktail des îles avant l’heure, mais surtout elle y débarquait pour le spectacle. Au sens propre comme au sens figuré. Seul, lui, Pierre-Alexandre CABRéJAS, pouvait faire déambuler entre les tables de son restaurant une Coccinelle corsetée de liftings, endimanchée dans un body en maille résille et haut-perchée telle une Drag Queen sortie du vestibule improbable de Louis XIV…
Tout ça pour vous dire que le restaurant-crêperie Alexandre était un endroit entièrement à part, à Argelès-plage, créé de toutes pièces dans un environnement où, pourtant, la mayonnaise ne prenait qu’au rythme des bouis-bouis… et autres estaminets-gargotes où il était de bon thon de s’empiffrer pour trois francs six sous (rapatriement sanitaire compris).
Le 1er décembre 2015, l’heureux – disons-le vite – propriétaire des lieux constate que le loyer n’est plus payé. Il entre en contact avec le gérant de la société qui exploite le fonds de commerce, et il le met en garde sur une éventuelle application de la réglementation en cas de défaut de paiement avéré et continue. Ce qui est d’ailleurs fait dix jours plus tard, sans réponse du gérant.
Le 10 janvier de cette année, comme l’indique la loi, le bail tombe de plein droit en l’absence de règlement et, bien sûr, en vertu de la clause résolutoire du bail.
Le 29 janvier 2016, le propriétaire assigne le gérant des lieux devant le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Perpignan et informe régulièrement les créanciers inscrits de la procédure.
Le 16 mars en suivant, en l’absence du comparant !, le TGI valide la rupture du bail au 10 janvier 2016 et ordonne l’expulsion du gérant.
La reprise se fait dans les délais légaux par huissier de justice et un constat des lieux est naturellement dressé en bonne et due forme.
En accédant “dans ses murs”, le propriétaire est sidéré par le spectacle de désolation offert à sa vue : un véritable champs de ruines ! C’est Palmyre après le passage de l’EI.
Le restaurant est détruit, entièrement vidé de tout son matériel, les lieux sont carrément insalubres et inexploitables. Tout est à refaire, du sol au plafond… et la saison estivale qui pointe le bout de son nez, avec l’ouverture de la station, comme le veut la tradition, pendant le week-end de Pâques.
Les délais de recours en appel s’éteignent le 2 mai dernier… Toujours pas de nouvelles du gérant (on espère tout de même, pour lui et ses proches, qu’il n’a pas totalement disparu…).
Affaire classée.
Pierre-Alexandre CABRéJAS décide tout de même de relever le défi en catastrophe : “Je n’avais aucune alternative que de mettre la clé sous la porte et attendre la fin de la saison pour entreprendre des travaux à la hauteur d’un chantier monumental, confie-t-il. Il était absolument impossible de rouvrir un restaurant dans les temps, en considérant le coût d’une telle entreprise, les délais de prescription des procédures à respecter et, évidemment, les nouvelles obligations en matière sanitaire… Mais en même temps, je ne pouvais pas laisser un trou noir sur l’accès au centre-piétonnier de la station, cela me semblait inimaginable de fermer totalement une façade sur 35 mètres pendant quatre mois ! Que ceux qui veulent des restaurants dans le secteur me contactent. Je fais les travaux cet hiver et trois beaux locaux seront disponibles pour y créer, je n’en doute pas, de belles affaires”. Qui lève le doigt ?
A suivre.
En attendant, pour une mise en bouche, nous vous laissons savourer l’intérieur de l’établissement qui fut le célèbre restaurant-crêperie Alexandre…