Modernisation de la vie publique, contrôle de l’utilisation des fonds publics perçus par les élus, limitation du nombre et de la durée des mandats pour chaque élu, interdiction de missions ou conseils rémunérées lorsqu’on est élu, etc. Il semblerait qu’une approche nouvelle soit portée par la volonté politique au plus haut niveau de l’Etat.
Quoi qu’il en soit tant mieux et bon courage au gouvernement qui va oser.
Toutefois ce projet de réforme “pour la confiance dans notre vie démocratique” concerne en l’espèce surtout les ministres, parlementaires et les partis politiques. Nous verrons ce qu’il en adviendra. Et surtout si les députés élus aux prochaines élections législatives seront en majorité capables de dépasser des habitudes bien ancrées et si les sénateurs bien assis voudront accepter de renverser la table autour de laquelle ils sont déjà installés.
Avant tout, nous devons affirmer que beaucoup d’élus, y compris locaux, réalisent leur mandat avec probité, dignité et dans le seul intérêt général des citoyens du territoire qui les ont élus. Ils sont la majorité parmi ceux qui choisissent de se soumettre aux choix démocratiques des élections puis de consacrer de leur temps à leur collectivité.
Mais des dérives constatées depuis trop d’années ont largement participé à nourrir au mieux la méfiance, parfois le dégoût de ce qu’il est convenu d’appeler “la classe politique”.
Les symptômes les plus communs sont la nouvelle aisance financière quasi miraculeuse de quelques élus qui avaient des revenus moindres dans leurs vies précédentes. Ou encore des opérations immobilières pour eux-mêmes là où ça ne paraissait pas possible pour le citoyen de base. Ou souvent recruter un ou des membres de familles d’élus sur des emplois publics d’une collectivité, ou d’une communauté territoriale, par des maires ou présidents ou d’autres curiosités.
Ce qui leur permet d’obtenir sans contestation des majorités aux ordres. C’est ainsi que se perpétuent en France au vingt et unième siècle des féodalités locales sclérosantes, parfois familiales. Elles peuvent durer plusieurs décennies.
Il est vrai qu’aujourd’hui, en plus de courageux journalistes qui depuis longtemps enquêtent, les réseaux sociaux, les lanceurs d’alerte, des associations de type Anticor participent à une meilleure connaissance des dérives diverses. Les contreparties sont qu’il nous faut juste être attentifs aux désinformations et de ne pas tout attendre d’eux comme citoyens libres.
Pourtant depuis plusieurs années différents textes de lois existent. Ils sont censés permettre moins de cumuls de mandats électoraux et le contrôle ou si besoin la condamnation par l’institution judiciaire d’élus dévoyés.
Par exemple l’adoption en février 2014 de la loi sur le non cumul des mandats à partir d’avril 2017.
Ce qui n’empêche pas des maires, conseillers départementaux ou régionaux de se présenter aux élections législatives actuelles. Quitte à bafouer la confiance que leur avait faite leurs précédents électeurs en laissant tomber leurs précédents mandats s’ils sont élus députés. Et s’ils ne sont pas élus députés ils garderont leurs mandats initiaux sans tenir compte du fait qu’ils viennent d’être battus, comme si rien ne s’était passé. Les places doivent être trop bonnes et servent leurs intérêts privés.
L’adoption de lois relatives à la transparence de la vie publique le 17/09/2013 a créée la Haute autorité correspondante, puis celle de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), puis une Chambre correctionnelle autonome près du Tribunal de grande instance de Paris et un Parquet financier spécialisé contre la grande délinquance économique et financière.
Ceci a permis le lancement rapide d’enquêtes concernant des dérives financières de ministres, de députés ou autres candidats aux élections présidentielle ou législatives. C’était beaucoup plus difficile avant 2014.
Ailleurs, l’Union européenne s’est dotée de moyens très efficaces d’enquêtes et de contrôles des députés européens. Certains parlementaires français au parlement européen commencent à devoir rendre des comptes.
D’autres textes de lois antérieurs sont censés empêcher ou mettre fin avec de lourdes sanctions à des irrégularités faites par certains élus. 13 lois concernant ce thème ont été votées depuis 25 ans.
Deux mériteraient d’être mieux connus du public et surtout d’être systématiquement appliqués. Ce sont les articles 432-12 et 432-14 du Code pénal. Ils ont été créés par la loi du 8/02/1995 puis améliorés par l’ordonnance du 19/09/2000. En résumé : l’un définit le délit de prise illégale d’intérêts, l’autre le délit de favoritisme. Autrement dit les conflits d’intérêts.
Que dit l’article 432-12 ?
“Le fait , par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende”.
De plus des peines complémentaires telles que la privation de droits civiques peuvent être prononcées.
Il est donc par exemple strictement interdit à tout élu ou à un agent cadre A de faire recruter un parent proche. Ou d’acheter pour lui ou un parent proche un terrain à sa collectivité, dans un lotissement communal par exemple. Ou de faire un quelconque commerce avec sa collectivité ou une association subventionnée par sa collectivité. Ou de bénéficier pour lui ou sa famille, en lien avec son mandat d’élu ou son emploi de cadre, d’un quelconque avantage ou cadeau qu’il soit soit petit ou gros.
Peu importe que l’élu soit présent ou pas à la délibération du conseil régional, départemental ou communal ou intercommunal qui valide la démarche génératrice du délit, le simple fait d’avoir la qualité d’élu ou de cadre implique pour la Loi une probité exemplaire et constante.
D’ailleurs la Chambre criminelle de la Cour de cassation n’opère aucune distinction quant à la nature de l’intérêt même s’il est quelconque ou simplement moral.
Cette infraction est un délit dit instantané qui est considéré comme consommé dès le moment où le prévenu a reçu ou pris un intérêt dans l’affaire dont il a ou avait la surveillance ou l’administration.
Le fait que l’infraction constatée ait pris naissance avant que l’incriminé soit élu ne change rien à la qualification du délit. Ceci implique qu’on ne devrait pas être candidat à une élection si un parent proche travaille déjà dans la collectivité où on souhaite être élu . Car si on est élu on va voter (que ce soit pour ou contre ou en s’abstenant) le budget public qui va permettre de rémunérer ce parent avec de l’argent public.
Enfin le vote y compris par procuration d’un élu intéressé peut entacher de nullité la délibération concernée.
Une précision : dans les communes de moins de 3 500 habitants et uniquement celles-ci, leurs élus peuvent traiter du transfert (achat ou vente) de biens mobiliers ou immobiliers après estimation officielle par le service des Domaines.
Que dit l’article 432-14 ?
“Est puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d’économie mixte d’intérêt national chargées d’une mission de service public et des sociétés d’économie mixte locales ou par toute personne agissant pour le compte de l’une de celles susmentionnées de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public.”
Là on comprend facilement qu’il s’agit d’éviter des petits ou gros arrangements “entre amis”.
Heureusement sur la base de ces lois existantes les tribunaux compétents jugent et souvent sanctionnent les faits de conflits d’intérêts qui sont portés à leur connaissance.
Malheureusement chacun peut constater qu’ici ou là des dérives continuent de prospérer comme si pour certains élus le “pas pris pas condamné” pesait plus que le respect de la Constitution et des lois de la République française. Le comble du cynisme étant de dire “je suis élu ou réélu donc je suis absous et donc… je peux donc continuer “.
Pourquoi donc ces élus tricheurs se moquent-ils des lois ? Pourquoi ces délits perdurent-ils ? Pourquoi trop peu de plaintes sont déposées auprès des tribunaux pénaux ? Pourquoi cette impunité alors que comme simples citoyens nous pourrions citer beaucoup d’exemples qui nous choquent ? Combien d’élus, à ce-jour, en dépit “d’avoir été pris la main dans le pot de confiture”, ont-ils été condamnés à de la prison ferme ? Et quand la sanction est tombée combien d’entre eux sont-ils allés en prison ?…
Chacun aura son point de vue et ses réponses.
La classe politique, on pense aux nombreux élus honnêtes, aurait pourtant bien besoin qu’il soit mis fin à ces pratiques qui l’abaisse.
Espérons que le projet de réforme pour  “la confiance dans notre vie démocratique” permette plus facilement de faire le ménage dès maintenant et de choisir dans l’avenir des élus au dessus de tout soupçon qui ne serviront que l’intérêt général.