Le professeur Didier Raoult, qui n’en est plus à une polémique près, devrait se méfier des chiffres.

Avant-hier, il a affirmé que la mortalité liée au COVID-19 (coronavirus) à Paris est “plus de cinq fois supérieure à celle de Marseille”. Il pointait ainsi des problèmes de gestion de la pandémie dans la capitale, où la mortalité a été bien plus importante (1 663 à ce jour) qu’à Marseille (517), ville où il est important de le rappeler le professeur Didier Raoult exerce.

Ce populisme, qui consiste à opposer régulièrement Paris à la province est insupportable. D’autant plus insupportable lorsqu’il s’appuie sur des statistiques qui n’ont pas lieu d’être car ne reposant sur aucune donnée démographique sérieuse et précise (au-delà du seul domaine médical s’entend, pour ce qui est de la pandémie qui nous concerne ici).

Que l’on soit résident en Provence, dans la région du Grand-Est, dans la capitale Paris ou dans les Hauts-de-France, il faut d’abord se féliciter de la solidarité nationale ainsi que de l’efficacité remarquable et précieuse des personnels soignants qui depuis plus de deux mois, à Marseille comme à Paris, sont en première ligne, sur le terrain.

S’il suffisait de dérouler des chiffres comme on affiche les horaires des trains dans un hall de gare pour confirmer ses dires, et les rendre plus vraie que la vérité, cela se saurait.

Si l’on s’aligne sur les seuls chiffres comparatifs jetés en pâture médiatique par Didier Raoult, on s’aperçoit que les propos du professeur ne tiennent pas la route : avec seulement 34 décès à l’hôpital enregistrés dans les P-O (Perpignan), on peut alors affirmer que c’est quinze fois moins que ceux recensés dans les hôpitaux des Bouches-du-Rhône (Marseille)… fief dudit professeur et sa soi-disant potion magique à base d’hydroxychloroquine

Loin de nous l’idée de jeter l’opprobre sur l’infectiologue à la renommée et réputation internationales incontestables – et que nous sommes les premiers à respecter – qu’est le professeur Didier Raoult, par ailleurs très courtisé et héraut des “antisystème” au point d’être devenu une sorte d’icône au sein du PAF* et dans la fierté marseillaise, mais il est bon de rappeler que la manipulation des chiffres peut vite se retourner contre soi et avoir de fâcheuses conséquences. Il faut savoir les manier consciencieusement, avec sincérité, les disposer en corrélation avec des situations particulières et générales.

Par exemple, s’agissant du nombre de décès** liés à la pandémie du COVID-19 (coronavirus), faut-il les ramener au nombre d’habitants dans les villes, les agglomérations, les départements, les régions, dont on souhaite établir des comparaisons ? Il faut tenir compte de nombreux paramètres, des échelles à assimiler, pour bâtir une analyse, une évaluation qui pourra éventuellement déboucher sur un jugement qui ne souffrira d’aucune contestation.

Restons sur la façade méditerranéenne française pour aligner le nombre de décès “du” coronavirus à l’hôpital :

  • 34 dans les P-O,
  • 55 dans l’Aude,
  • 117 dans l’Hérault,
  • 88 dans le Gard,
  • 126 dans le Var,
  • 174 dans les Alpes-Maritimes…
  • et 517 dans les Bouches-du-Rhône ! A partir de ce tableau, de quoi parle-t-on ? Du nombre de morts par rapport à la population globale des départements ici cités… ou par rapport au nombre d’habitants ? Dans tous les cas de figure, Marseille est loin d’être “le bon élève médical” souvent vanté par le Professeur Didier Raoult dans la gestion de la pandémie.

 

L.M.

 

*PAF = Paysage Audiovisuel Français

**Quel est le critère à retenir pour mesurer l’efficacité de telle ou telle autre ville dans la lutte contre le COVID-19 (coronavirus) : les décès à l’hôpital ? les personnes en réanimation ? les personnes hospitalisées ? les retours à domicile ?…