La conduite peu exemplaire de «Monsieur PV»

Selon le site Mediapart, le directeur de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions ferait payer ses propres contraventions par l’Administration.

«Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais». Serait-ce la ligne de conduite du «Monsieur PV» français ? C’est en tout cas ce qu’affirme Mediapart . Le site d’information s’intéresse au préfet Jean-Jacques Debacq (ancien préfet des Pyrénées-Orientales en 2002) directeur de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai), l’établissement qui gère les amendes provenant des radars automatisés et du PVE, le procès-verbal électronique.

Selon le site, il «fait payer par son administration – c’est-à-dire par le Trésor public – les contraventions routières du dimanche dont son véhicule de fonction, une Peugeot 508, fait l’objet». Stationnement irrégulier, vitesse excessive… Le pourfendeur de l’infraction routière s’éviterait ainsi la perte de points sur son permis de conduire.

Avec des avis de contravention ou des bordereaux comptables, Mediapart assure avoir la preuve d’une douzaine de contraventions entre la fin 2010 et l’été 2013 payées par l’administration, ce qui représenterait 700 euros d’amendes. Les fraudes concernées auraient notamment eu lieu le soir et le week-end, quand le préfet n’a pas de chauffeur à disposition et conduit donc lui-même son véhicule de fonction. «Près de la moitié des contraventions que Mediaparta pu retracer dans les documents récupérés, proviennent du contrôle de vitesse automatisé», assure par ailleurs le site internet, ajoutant qu’il est ainsi facile de nier que le préfet était bien au volant.

A l’Antai, on ne dénonce personne: «Plusieurs personnes de l’agence conduisent le véhicule dont il est question dans l’article», répondait-on ce lundi au Figaro. «Le ministère a diligenté une enquête qu’il a confiée à l’inspection générale de l’administration», a quant à lui déclaré lundi soir le porte-parole de l’Intérieur, Pierre-Henry Brandet. «Les faits tels qu’ils sont rapportés sont graves, l’enquête permettra de faire la lumière sur cette affaire», a-t-il affirmé, ajoutant que si Mediapart dit vrai, «le ministre prendra une décision».

«Cela fait un peu désordre»

«En matière pénale, c’est normalement à la personne qui a commis les infractions de payer», explique maître Eric de Caumont, président de l’Association des avocats de l’automobile. Après cela, ajoute-t-il, dans le cas de l’utilisation de voitures de fonction par les salariés, il y a souvent des arrangements avec l’entreprise. Celle-ci pour son bon fonctionnement, accepte de prendre en charge les amendes quand un employé qui fait beaucoup de déplacements n’a, par exemple, pas toujours le temps de se garer correctement. «Même si une entreprise peut dénoncer le salarié, elle n’y est pas obligée. Et une récente jurisprudence de la cour de cassation prévoit que la société ne peut pas obliger l’employé à la rembourser», affirme Me Eric de Caumont. Autrement dit, c’est à l’entreprise de payer.

Ainsi, techniquement, le préfet Jean-Jacques Debacq est dans son droit (du moment où il n’utilisait pas la voiture de fonction à des fins personnelles), cette règle s’appliquant aussi dans la fonction publique, «même si les comptables de l’administration regardent sans doute ce genre de comportements de plus près». Il ne s’agit pas non plus d’un cas isolé. Toutefois, si les informations de Mediapart sont confirmées, «cela fait un peu désordre», admet l’avocat. Il s’agirait selon lui «d’un avantage en nature qui, dans ce cas, ne se justifie pas vraiment». (Sources : Anne-Laure Frémont, lefigaro.fr)