En parallèle de l’affaire des enregistrements de Patrick Buisson (conseiller de l’ex-président Nicolas Sarkozy) qui défraye actuellement la chronique médiatique nationale, on se souvient de l’enregistrement clandestin dont Bernard Bonnet, alors préfet de la Région Corse (Qui fut préfet des Pyrénées-Orientales de 1993 à 1998), avait été victime. Il a accepté de nous livrer sa réaction dans une interview exclusive…

“L’affaire de l’expert Buisson enregistrant clandestinement  le président de la République Sarkozy scandalise la meute politico-médiatique. Les politiques se disent blessés, agressés , violés… Diantre !”, s’insurge Bernard Bonnet.

L’ancien préfet de Perpignan Bernard Bonnet se souvient “avoir été victime d’un comportement semblable et sans doute plus grave, sans qu’aucun politique ou journaliste n’ait alors exprimé la moindre indignation… sur le procédé !”.

Après l’incendie en Corse de la paillote chez Francis en avril 1999 par des gendarmes, “j’avais convoqué le lundi 26 avril 1999 le lieutenant-colonel de gendarmerie Cavallier, chef d’état- major de la gendarmerie en Corse, pour m’entretenir avec lui des conséquences, dans l’état d’esprit de la gendarmerie, des perquisitions qui avaient été effectuées la veille à la caserne par les enquêteurs dans le cadre de l’information judiciaire ouverte sur la paillotes “Chez Francis”. Cavallier se rend à ma convocation, avec un dictaphone dissimulé dans sa poche afin d’enregistrer, à mon insu, les propos qui pourraient être tenus, dans l’unique dessein d’établir mon implication dans l’incendie de la paillote « Chez Francis ». Je l’ai appris par la suite. Cet enregistrement clandestin a été effectué par Cavallier en dehors du contrôle du juge d’instruction alors qu’une information judiciaire était ouverte. C’est un enregistrement pirate”.

Et Bernard Bonnet poursuit : “A peine sorti de mon bureau, Cavallier se precipite chez le juge Camberou, lui remet l’enregistrement pirate en lui disant qu’il avait recueilli ainsi la preuve de mon implication. Le juge Camberrou en se fondant sur l’enregistrement, qu’il ne prend pas la peine d’expertiser, décide quelques heures après de m’infliger une détention provisoire  et de créer le scandale d’Etat des paillotes”.

A l’époque, le Préfet Bonnet avait ainsi réagit :

– il avait déposé une plainte devant un juge d’instruction d’Ajaccio pour atteinte à la vie privée, à la confidentialité contre l’auteur de cet enregistrement qu’il avait qualifié de “d’enregistrement voyou”  :  “La justice de Corse a enterré ma plainte, ce qui signifie sans doute qu’on peut impunément enregistrer quelqu’un à son insu et exploiter l’enregistrement contre la victime.  Le signal donné par la justice était calamiteux :il n’est pas punissable d’enregistrer clandestinement une personne et d’exploiter cette salauderie d’enregistrement contre la victime en allant voir derechef le juge… Edifiant sur l’attachement judicaire à la protection des libertés individuelles (…)”.

“Lorsque j’ai appris que la conversation enregistrée par l’officier Cavallier était présentée à charge par le juge, j’ai demandé au juge l’expertise de l’enregistrement lors de sa confrontation avec le lieutenant colonel Cavallier (…)”.

Stupeur.

Le 2 août 1999, le Préfet Bernard Bonnet prend connaissance du rapport de l’experte, Mme Dallou Wehbi, experte judiciaire en fonction au laboratoire d’analyse et de traitement du signal d’Écully.  Le rapport d’expertise du 2 août 1999 conclut, que la cassette avait été volontairement truquée par Cavallier, « la fin de la conversation a été effacée par des opérations de sur enregistrement et de bruit ».

“Ainsi non seulement  mes propos tenus spontanément au lieutenant colonel Cavallier avaient été captés et enregistrés de manière déloyale, mais le rapport d’expertise judiciaire établit que mes propos avaient été tronqués sciemment par l’effacement volontaire (d’une durée indéterminée) de la fin de la conversationBien que l’enregistrement voyou était un faux ce qui est établi par un expert judiciaire, les tribunaux de Corse se servirent de ce faux comme preuve de mon implication dans l’affaire des paillotes ! Si la fin de l’enregistrement avait été volontairement effacée, c’est qu’elle établissait, de façon non équivoque, que je n’avais pas été informé du projet d’incendie de la paillote « Chez Francis » et que, par suite, je n’avais pas pu en donner l’ordre. Il a suffi à l’auteur de l’enregistrement voyou de supprimer ces éléments  , de ne rien dire aux juges  et aux magistrats de Corse de couvrir la félonerie du  gendarme pour s’assurer de ma condamnation”.

Et Bernard Bonnet de conclure : “Il est évident, que si la fin de l’enregistrement n’avait pas été favorable à mon innocence, le Lieutenant-colonel Cavallier n’aurait pas pris le risque inconsidéré de l’effacer volontairement. Mais le seul objectif de cet officier de gendarmerie n’était pas la recherche de la vérité, mais celle de mon implication personnelle. Le principe de loyauté, en même temps que les droits de la défense auraient dû interdire aux juges, pour fonder leur intime conviction, de prendre en compte un enregistrement capté à l’insu du prévenu par un officier de gendarmerie agissant en dehors de tout contrôle du juge, alors même qu’une information judiciaire est ouverte, et qui a été, par la suite, trafiqué dans le dessein d’effacer les propos qui pourraient être mis à la décharge du prévenu. Cette affaire d’enregistrement dans l’Etat est plus grave encore que celle de Buisson, même si elle ne situe pas au sommet de l’Etat. L’enregistrement voyou clandestin de Cavallier  s’est aggravé dans mon cas par un trucage immonde destiné a  égarer la justice”.

Aujourd’hui les enregistrements clandestins Buisson provoquent une panique dans un théâtre en feu.

Naguère la cléricature médiatique et les politiciens avaient trouvé normal qu’un préfet soit écouté clandestinement dans son bureau par un colonel de gendarmerie en dehors de toute autorisation judiciaire et que l’enregistrement clandestin soit ensuite truqué  par l’officier devenant un enregistrement voyou.

Conséquences de la forfaiture : tous ses acteurs ont été promus brillamment.

La morale de l’histoire, selon Bernard Bonnet : “La justice n’est vraiment grande que lorsqu’elle se ressemble. Mais là !…”.