Les auteurs
Daniel Cohen, Directeur du département d’économie de l’ENS, Philippe Martin, Professeur à Sciences Po, Président délégué du Conseil d’analyse économique, Thierry Pech, Directeur général de Terra Nova, Baptiste Perrissin-Fabert, économiste du climat et Madeleine Péron, économiste au Conseil d’analyse économique

 

 

La pandémie porte une atteinte sans précédent au tissu économique et creuse les inégalités au détriment des plus modestes. Dans le même temps, tout doit être fait pour que cette crise ne se traduise pas par un nouveau retard sur nos objectifs environnementaux. C’est dans cet esprit que Terra Nova propose un dispositif permettant à la fois de répondre au défi climatique, de servir l’impératif de relance économique et de soutenir les plus modestes.

Ce dispositif, c’est le Chèque vert : un chèque donné sans contrepartie, utilisable pendant une durée limitée pour financer l’achat de biens et de services bénéfiques à l’environnement. Concentré sur les ménages modestes, il permettrait de stimuler l’activité, de soutenir le pouvoir d’achat de ceux qui ont la plus forte propension à consommer et de favoriser le développement de l’offre la plus vertueuse au plan environnemental.

Un tel chèque serait également un moyen de soutenir une économie locale, potentiellement perdante de la crise du COVID : en sécurisant la demande, il donnerait de la visibilité à l’offre de produits durables sur leurs débouchés, stimulerait les investissements locaux et contribuerait à transformer les circuits de distribution en s’appuyant sur les commerces de proximité.

Comment lancer ce dispositif, comment sera-t-il financé, qui y participera, et pourquoi est-il un instrument clé de sortie de crises ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles cette note se propose de répondre.

 

SYNTHÈSE

“La pandémie porte une atteinte sans précédent au tissu économique et creuse les inégalités au détriment des plus modestes. Dans le même temps, tout doit être fait pour que cette crise ne se traduise pas par un nouveau retard sur nos objectifs environnementaux.

C’est dans cet esprit que nous proposons un dispositif permettant à la fois de répondre au défi climatique, de servir l’impératif de relance économique et de soutenir les plus modestes. Ce dispositif, c’est le Chèque vert : un chèque donné sans contrepartie, utilisable pendant une durée limitée pour financer l’achat de biens et de services bénéfiques à l’environnement. Concentré sur les ménages modestes, il permettrait de soutenir leur pouvoir d’achat, de stimuler l’activité et de favoriser le développement de l’offre la plus vertueuse au plan environnemental. Un tel chèque serait également un moyen de soutenir une économie locale, potentiellement perdante de la crise COVID : en sécurisant la demande, il donnerait de la visibilité à l’offre de produits durables sur leurs débouchés, stimulerait les investissements locaux et contribuerait à transformer les circuits de distribution en s’appuyant sur les commerces de proximité.
Le Chèque vert n’est pas un dispositif de lutte contre la pauvreté. Il s’adresse à des publics plus larges et sollicite le concours de l’État et des entreprises.

Pour les individus dont les revenus sont inférieurs à 1,3 SMIC, l’État financerait entièrement le Chèque vert, que la personne soit salariée ou non, bénéficiaire des minima sociaux ou non. Au-delà de 1,3 SMIC et jusqu’à 1,6 SMIC, le dispositif se fondrait dans la « Prime Macron pour le pouvoir d’achat » de 2019.
Nous proposons que le montant du Chèque vert soit de 300€ par an et par bénéficiaire. En prévoyant environ 15 millions de bénéficiaires, cela permettrait de soutenir la transition écologique de nos modes de consommation à hauteur de 4,5 milliards d’euros. Le plan de relance est un support essentiel pour financer cette initiative. Les conditions d’endettement de la France lui permettent par ailleurs de le faire par l’émission d’obligations assimilables du Trésor (OAT) vertes.

 
La liste des produits et services éligibles au Chèque vert devra répondre à deux conditions

 

 

1) les biens et services sélectionnés devront respecter des chartes certifiant leur qualité écologique ;

2) ces biens et services devront être assez nombreux et variés pour prévenir le risque de tensions inflationnistes sur des marchés spécifiques et le risque d’enfermer les personnes dans une prescription trop sélective qui prendrait des allures paternalistes. Nous proposons pour cela de nous appuyer sur une liste étendue mais néanmoins précise des biens et services.

Deux approches complémentaires sont envisagées :

1) sélectionner les agents économiques dont l’activité est catégorisée comme « verte » (épicerie bio, produits locaux, ressourceries …) ;

2) sélectionner des produits qui répondent à des chartes établies (labels recommandés par l’ADEME), quel que soit le canal de distribution.
La somme sera versée sur un support digital de préférence. Du côté des acteurs économiques, commerçants, associations ou autres, il leur suffira d’être équipés d’un terminal de paiement et/ou d’un téléphone disposant de l’application miroir. Un tel dispositif est à même d’encourager la généralisation des terminaux de paiement et la présence numérique de ces acteurs essentiels au tissu économique local. La gouvernance du programme pourra être imaginée sous la forme d’une société publique d’État qui s’occupe de l’infrastructure numérique globale à l’image de la structure du Pass culture.
Les collectivités locales et les instances régionales et départementales pourront jouer un rôle actif dans la mise en place de ces chèques. Les Régions en association étroite avec les Départements et les communes pourront animer les réseaux des producteurs et distributeurs locaux de biens et services éligibles. Ils pourront aussi abonder le dispositif dans le cadre de politiques plus ciblées vers les publics qu’elles souhaiteraient soutenir et nouer des partenariats avec les entreprises et commerces locaux engagés dans des démarches écologiques”.