*Par Claude Barate, universitaire, député honoraire

 

-« Suivant ses origines grecques, la démocratie, c’est le pouvoir du peuple »

J’entends aujourd’hui, un débat se développer sur l’avènement de la proportionnelle pour les prochaines élections législatives.

Le sujet parait d’un seul coup d’une urgence absolue, comme si la France n’avait pas de problèmes plus urgents à régler, ou comme si la proportionnelle pouvait régler les problèmes de gouvernance créés par l’absurde dissolution de 2024.

Examinons le sujet.

Pour certains, la proportionnelle est plus juste parce qu’elle est censée permettre une représentation plus conforme des divers courants de pensée. De ce point de vue-là, elle serait plus représentative de la population et donc plus démocratique.

Elle pourrait s’organiser à l’échelle régionale pour LFI, départementale pour d’autres, voire corriger partiellement sur une liste nationale les résultats d’une élection au scrutin majoritaire par une dose de proportionnelle.

L’imagination n’a pas de limite. Mais elle est marquée par le seul intérêt partisan des courants de pensée.
Ainsi la proportionnelle régionale permettrait de faire élire à l’échelle régionale les divers cadres du parti LFI, et tant pis si les députés sont coupés d’un électorat lointain.

La proportionnelle départementale aurait l’avantage de recréer une chambre où la plupart des formations importantes seraient représentées, et permettrait aux six ou sept courants de pensée d’être représentés. Ainsi, ils pourraient constituer chacun un groupe politique avec lequel il faudrait compter.

Bref les formations qui souhaitent la proportionnelle, souhaitent retrouver au sein de l’assemblée, cet éclatement des tendances qui plait autant aux divers courants parlementaires, et que l’on voit à l’œuvre aujourd’hui.

J’ai même entendu un gaulliste, le philosophe et ancien ministre Luc Ferry dire, désormais, son penchant pour le système allemand de la proportionnelle, au prétexte qu’il oblige les divers groupes à se mettre d’accord sur un programme de gouvernement pour la durée de la législature.

J’aime bien Luc Ferry et je partage beaucoup de ses analyses philosophiques. Mais quand il dit que le résultat est plus démocratique, le constitutionnaliste, que je suis, ne peut pas ne pas répondre.

La proportionnelle n’est pas démocratique, parce que les accords qui sont pris après l’élection ne correspondent pas nécessairement à la volonté du peuple, mais à celle résultant d’accords nationaux entre partis.

Tous les exemples de proportionnelle, sans exception, le démontrent.

Les accords entre partis postérieurs à une élection sont le résultat de marchandages entre les diverses formations : tu me donnes ceci, je te donne cela. Mais le peuple n’a plus rien à voir.
Dans le scrutin majoritaire au contraire, l’accord est nécessaire entre les partis avant l’élection. C’est lui qui justifie les reports de voix du 2e tour.

La grande différence, est que dans le scrutin majoritaire, c’est l’électeur qui choisit l’accord de gouvernement qui lui est proposé. C’est le peuple qui choisit et non pas les tambouilles politiciennes des partis.
Vous allez me dire, ok sur le principe, mais le scrutin majoritaire n’a pas empêché d’avoir, après dissolution, une chambre ingouvernable.

Certes, c’est la 1ère fois dans l’histoire de la 5ème république depuis 1962. Encore faut-il en reconnaître les raisons.

● La première est le résultat d’une politique erratique, celle du « en même temps », un coup à droite, un coup à gauche. Elle a eu comme conséquence une politique de l’immobilisme et de l’incompréhension.

● La deuxième est le résultat d’un accord électoral immoral, sans aucune perspective gouvernementale, entre le parti du président jusqu’à la gauche extrême : il n’avait d’autre motivation que le sauve qui peut.

C’est le peuple et lui seul qui doit choisir. Il doit avoir à choisir, non pas une alliance uniquement électorale, mais une alliance pour gouverner.

La Ve République a bien fonctionné, avec les alternances voulues par le peuple, lorsque le choix était clair, celui de la gauche ou celui de la droite.

Ce n’est pas la proportionnelle qui réglera le problème de la gouvernance, mais le choix clair et démocratique d’une politique à gauche ou à droite”.

 

Claude Barate