(Communiqué)
Déclaration du 1er septembre 2023
-“Photovoltaïque sur les terres naturelles, agricoles ou forestières. Ne tombons pas dans le panneau !”
La FRENE 66 est attachée à la défense des terres agricoles, naturelles, forestières et aux milieux aquatiques, et refuse les dérives des énergies renouvelables prises dans des logiques de marché.
Dans une déclaration commune avec les associations de terrain, elle récuse le terme « agrivoltaïsme », qui relève du marketing et vise à légitimer un opportunisme foncier et financier dans un contexte difficile pour le monde paysan. « L’agrivoltaïsme » éloigne de l’autonomie : il ajoute à la dépendance au complexe agro-industriel (industries de la grande distribution, des engrais, pesticides et semences, machines agricoles, banques, organisations syndicales défendant leurs intérêts…) une autre dépendance plus moderne, car porteuse de l’image de l’énergie renouvelable.
La FRENE 66 dénonce la diversion introduite dans la loi dite d’Accélération des Énergies renouvelables (AER) qui permet de distinguer un « agrivoltaïsme » soi-disant en synergie avec l’agriculture, d’un autre photovoltaïque qui irait sur des terres dîtes « incultes ». Or d’une part ces deux catégories relèvent de la même pratique marketing permettant aux industriels de s’accaparer du foncier, et d’autre part « c’est bien sur des terres considérées comme pauvres que s’est en grande partie développé l’élevage ».
Et alors même que les lobbies Å“uvrent afin que les textes légaux considèrent de moins en moins ce phénomène comme de l’artificialisation : « on va vous louer le volume d’air au-dessus de votre parcelle pendant trente ans » déclare ainsi cyniquement un prospecteur, des tonnes de métal vont dénaturer les espaces agricoles, naturels et forestiers. La production d’électricité est cyniquement présentée comme étant « secondaire », et que le but serait d’aider l’agriculture face au changement climatique en créant de l’ombre, La rente issue de la production d’électricité est pourtant bien l’unique raison de ces projets. Surtout, il est passé sous silence qu’ « en terme de résilience, les pratiques agro-écologiques de couverture du sol, d’amortissement climatique avec des arbres, de diversification en réduisant la monoculture et la densité de plantation des fruitiers apportent plus de sursis que des panneaux ».
Alors que la Loi AER permettra de cumuler les coupes-rases de forêt de vingt-cinq hectares pour y mettre des panneaux, FRENE 66 et les associations signataires contestent l’idéologie productiviste de parlementaires qui considèrent que « certaines terres classées forestières sont d’une telle pauvreté et d’une telle médiocrité qu’un arbitrage pourrait justifier qu’on y installe un parc photovoltaïque ». Pourtant, de part l’incroyable biodiversité qu’elles recèlent, leurs beautés et leurs rôles essentiels, ces zones sont un patrimoine irremplaçable. Et quand bien même les panneaux seraient un jour retirés et que l’évolution du climat le permette, il faudrait des centaines d’années pour recréer un écosystème aussi riche.
Les conflits d’intérêts des chambres d’agriculture sont aussi intolérables. Ces dernières peuvent demander 20 000 euros par projet pour réaliser l’audit, puis cinquante euros par hectare et par an pour suivre le projet, ainsi que 1 500 euros par mégawatt produit en compensation de l’artificialisation des terres agricoles. D’ailleurs, pourquoi compenser financièrement, alors même que les thuriféraires de cette pratique marketing n’ont de cesse de parler de la « synergie » de leurs tonnes de métal avec l’agriculture ? En réalité il s’agit uniquement d’une synergie financière qui tend à bénéficier principalement à l’agro-industrie et aux grands propriétaires fonciers.
FRENE 66 appelle à la sobriété énergétique, et rappelle que les surfaces déjà artificialisées sont suffisantes. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie évalue ainsi les gisements à 123 GW sur grandes toitures, 49 GW sur les friches industrielles et 4 GW pour les parkings. Le gisement global sur toitures est de 364,3 GW (dont 241 GW de toitures résidentielles). Ajoutons que la France compte entre 24 000 et 32 000 zones d’activités, soit 450 000 hectares déjà artificialisés, ainsi que 90 000 à 170 000 hectares de friches industrielles. Si installer des panneaux solaires sur des toitures coûte plus cher que de les poser au sol, l’Agence explique que ce surcoût est faible : il avoisine les 550 millions d’euros, soit 2% du coût des énergies renouvelables. Et alors même que les projets peuvent atteindre 800 000 euros par hectare, nous affirmons que ces investissements peuvent aller sur ces zones artificialisées.
Lorsque le Président Macron et la FNSEA prônent la robotique, la génétique et le numérique pour l’agriculture, et que le syndicat agro-industriel co-préside le lobby France Agrivoltaïsme, le fondateur de ce dernier met en place la gestion des champs via l’intelligence artificielle. Ce sont ainsi deux visions de l’agriculture et de la société qui s’affrontent : l’agriculture industrielle, ultra-mécanisée et numérique sur des surfaces toujours plus grandes, face à l’autonomie paysanne. Les serveurs face aux cerveaux . L’intelligence artificielle face à l’observation, la sensibilité et savoir-faire des paysans. Il est nécessaire d’amorcer la désescalade de l’emprise technologique afin que les paysans puissent travailler la terre eux-mêmes sans être dépendants de l’agro-industrie.
L’industrialisation des campagnes doit être combattue, car quelle que soit sa surface, ou sa « participation citoyenne », une centrale photovoltaïque sur des terres agricoles, naturelles ou forestières, est une installation de nature industrielle.
Les tonnes de métaux (silice, aluminium, zinc, plomb, étain, indium, antimoine) recouvrant les terres; les milliers d’ancrages bétons et kilomètres de voies d’accès et de clôtures grillagées, de lignes électriques enterrées ou aériennes, les postes de transformations et de livraisons, le bruit engendré par les onduleurs, les caméras de surveillance, les divers capteurs connectés, les obligations de déboisement en périphérie, détruisent nos campagnes. Les mégas-centrales électrifient nos champs avec des effets documentés sur les animaux d’élevages.
La fabrication industrielle de ces panneaux nécessite exploitation d’êtres humains et un extractivisme ravageur. Afin de produire 40 000 tonnes de silicium métal, l’une des six unités de production en France brûle 120 000 tonnes de quartz et 80 000 tonnes de bois, et engloutit en moyenne 11 mégawatts/heure par tonne de produit fini, soit chaque année l’équivalent électrique d’une ville de 150 000 habitants.
Il faut aussi 280 kg de produits chimiques par kilo de silicium produit. Sans oublier les risques de pollution des eaux et que les centrales entraînent « l’altération, la dégradation voire la destruction des milieux naturels (défrichements puis gestion de la végétation au plus près du sol ; terrassement et compactage des sols ; instauration de microclimats différenciés au dessus et en dessous des panneaux ; création d’exclos par les clôtures, etc.). La modification des fonctions hydriques, climatiques ou biologiques qui peut en résulter conduit à l’artificialisation d’une partie parfois importante des sols [ainsi qu’une] modification des cortèges d’espèces végétales et animales ».
Les associations hostiles à l’agrivoltaïsme défendent un rapport sensible au monde qui est plus que jamais primordial. Alors même que l’agriculture est l’une des professions qui rémunère le moins, qu’un malaise est reconnu et qu’il faudra recruter massivement pour faire face aux nombreux départs en retraite, une motivation essentielle est la qualité de vie au travail, en plein air, dans un cadre beau ; regarder le ciel et écouter les sons de la vie. Travailler sous des panneaux, c’est dégrader cette qualité de vie au travail, mais aussi l’environnement et les paysages pour le bénéfice de quelques propriétaires et promoteurs. Au contraire, l’agriculture paysanne doit participer avec tous les citoyens à rendre le milieu rural vivant dans un cadre de vie apprécié par toutes et tous.
Le métier d’agriculteur n’est pas de cultiver des kilowatts, mais de produire une alimentation saine et de qualité pour le plus grand nombre, et d’être rémunéré en conséquence. Car si la contrepartie financière de plusieurs milliers d’euros par année et par hectare peut sembler alléchante, et générer un véritable dilemme pour des paysans en difficulté, en mettant cet outil de production à disposition de ces sociétés, il y a un détournement de la vocation nourricière de la terre agricole.
L’unique raison de la pression industrielle actuelle sur les terres agricoles, naturelles et forestières est financière. Rejetant le mythe d’un capitalisme vert, ainsi que la vision d’une transition écologique allant vers une société de surconsommation ultra-connectée, FRENE 66 appelle à une opposition massive à tous ces projets photovoltaïques industriels et exige leur interdiction sur toutes les terres agricoles, naturelles, forestières et les milieux aquatiques des Pyrénées-Orientales.
FRENE 66 (Fédération pour les Espaces Naturels et l’Environnement – Pyrénées-Orientales
Membre de France Nature Environnement). Siège social : FRENE 66 – 16, rue Petite-la-Réal 66000-Perpignan
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