(Vu sur ma Toile)
La Grande Motte : “En Algérie, la presse va jusqu’à dire que l’attentat est un coup monté de la DGSE !”
(Article de Jeanne Auberger • Rédaction de l’hebdomadaire Marianne)
Marianne.- Ce samedi 24 août, un incendie criminel a visé la synagogue de la Grande Motte, dans l’Hérault. Le suspect est un Algérien de 33 ans, présent en France depuis plusieurs années, en situation régulière, qui portait un drapeau palestinien au moment de son passage à l’acte. Après qu’un policier a été blessé au moment de l’attaque, cet événement vient rappeler le danger entourant la communauté juive de France depuis le 7 octobre. Analyse de la situation avec Xavier Driencourt, ex-ambassadeur de France en Algérie.
Marianne : le suspect arrêté après l’incendie de la synagogue à la Grande Motte est un Algérien en situation régulière. Y a-t-il des précédents ?
-Xavier Driencourt : “Dans le passé, il y a eu des attentats perpétrés par des Algériens, ou des Franco-Algériens. Si l’on remonte loin, pendant la guerre d’indépendance, le Front de libération nationale (FLN) a organisé des attentats en France pour déstabiliser le pouvoir colonial et attirer l’attention sur la cause algérienne. Un peu plus tard, dans les années 1990, le Groupe islamique armé (GIA) a sévi. On se rappelle notamment l’attentat du RER B à la station Saint-Michel, à Paris, le 25 juillet 1995, qui avait fait huit morts et plus de cent blessés. Plus récemment, Mohammed Merah a commis un crime antisémite en assassinant six personnes de confession juive en 2012.
Ce qui est différent avec le suspect de la Grande Motte, c’est qu’il est en situation régulière et qu’il est présent en France depuis plusieurs années. Cela risque de relancer la question de l’immigration régulière de l’Algérie vers la France. L’autre chose importante est la cible choisie. Un attentat contre une synagogue, dans le contexte actuel, cela veut dire quelque chose”.
Marianne : est-ce que le conflit israélo-palestinien fait aussi monter l’antisémitisme en Algérie ?
–“Sans aucun doute. Il faut quand même rappeler qu’avant l’indépendance, il y avait une très forte communauté juive en Algérie. Elle avait été assimilée aux Français par le décret Crémieux en 1870 et est partie en 1962, au moment de l’indépendance. L’antisémitisme en Algérie, aujourd’hui, est lié à l’opposition à l’État d’Israël, qui est l’un des vecteurs de la politique étrangère algérienne. L’antisionisme et « l’anti-Israël » ont « démocratisé » l’antisémitisme alors même que la communauté juive était importante dans le pays, ce qui est paradoxal.
Aujourd’hui, la détestation d’Israël et la défense des Palestiniens [l’Algérie est l’un des pays qui porte le plus la cause palestinienne dans les pays arabes] brouillent la frontière entre antisionisme et antisémitisme, les deux notions étant souvent liées. L’enquête le dira, mais je ne serai pas surpris que le suspect de l’attentat de la Grande Motte ait été élevé, en Algérie, avec cette culture algérienne de l’antisionisme, voire d’antisémitisme”.
Marianne : est-ce que cet épisode va tendre encore plus les relations entre la France et l’Algérie alors même qu’elles ne sont pas optimales ces derniers temps ?
–“Ce qui est évident c’est que les deux pays traversent une phase compliquée depuis la reconnaissance par la France de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Mais je crois quand même que leurs relations vont perdurer. Elles sont pérennes et liées par des éléments très forts.
Je crois que cet événement peut remettre sur la table la question de l’immigration régulière algérienne. L’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 qui régit le statut des Algériens vivant en France et leur confère des droits spécifiques et plus favorables que ceux d’autres étrangers en France pourrait à nouveau être discuté. L’immigration régulière est facilitée par l’accord et certains, depuis plusieurs années déjà , souhaitent le remettre en cause”.
Avez-vous observé des réactions particulières en Algérie ?
–“La réaction qui m’a le plus marquée est un article complètement farfelu, publié hier par un journal algérien, Algérie patriotique. C’est un média considéré comme conspirationniste, fondé par le fils du général et ancien ministre de la Défense, Khaled Nezzar, un sous-marin de l’armée algérienne. C’est un journal qui a une forte audience dans les milieux militaires et extrêmes algériens. Déjà , tout est dans le titre : « Synagogue brûlée “par un Algérien” : un scénario ridicule des services français ». L’article commence ainsi : « Les services français nous ont habitués à leurs coups de Jarnac aussi puérils que ceux de leurs amis marocains dont ils décorent régulièrement les chefs. »
On peut y lire par la suite que l’attentat est un coup monté par la DGSE et que l’Algérie n’a rien à voir avec ça. Ce n’est pas innocent du tout qu’Algérie patriotique traite cette information avec ce biais-là et cela veut dire qu’une partie de l’opinion en Algérie est sur cette ligne. Le mouvement antisémite-antisioniste est fort et véhiculé par un certain nombre de médias dont celui-ci, les autres ayant été fermés par le pouvoir, la presse étant bien muselée en Algérie”.
(Source : journal Marianne)