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« Les loueurs sont en train de contourner la Corse » : cette activité n’est plus la bienvenue dans l’île de Beauté
(Article de Antoine Giannini • Rédaction journal Le Figaro)
Le Figaro.- Des eaux turquoise, un cadre de rêve et des criques toutes plus belles que les autres pour sublimer une nature unique. Il n’en faut pas plus pour inciter les visiteurs les plus riches à s’aventurer en Corse avec leurs grands bateaux. « Le monde fortuné se retrouve en Méditerranée aux beaux jours et la Corse est une destination parmi d’autres », fait savoir Michel Mallaroni, directeur du port de plaisance de Bonifacio, niché dans l’extrême sud de l’île. Sauf que la grande plaisance, qui regroupe les navires de plus de 24 mètres, se désintéresse progressivement de la Corse depuis plusieurs années. Derrière cette baisse de fréquentation, qui peut chuter de 30 à 40 % en une année dans les ports réputés de Saint-Florent ou Calvi, une seule raison. Selon les professionnels de la grande plaisance, un arrêté pris en 2023, réglementant le mouillage des navires de plus de vingt-quatre mètres ainsi que leur durée le long des côtes insulaires, est la cause de tous les maux.
Dans les zones définies par ce texte, « on parle d’une impossibilité de mouillage pour les bateaux de plus de vingt-quatre mètres, explique Michel Mallaroni. Il y a un impact pour tout le monde dans l’île. À tel point que les capitaines et les loueurs sont en train de contourner la Corse, depuis 2023, pour se tourner vers la Sardaigne. À Bonifacio, nous enregistrons une baisse de fréquentation de 10% par an depuis 2022. »
« Moyens disproportionnés »
Un coup dur pour ce secteur dont les retombées économiques sont estimées à neuf millions d’euros en Corse. La décision administrative est fondée sur des objectifs de préservation de la faune et de la flore marines, au premier rang desquels se trouve celle des précieux champs de posidonies. Résultat, les yachts sont contraints de jeter l’ancre loin du littoral, à plus de quarante mètres, afin de protéger ces herbiers régulièrement malmenés par les ancres des navires. Indispensables pour réduire les impacts du changement climatique, les posidonies sont présentées comme des puits de carbone.
« Si ces objectifs ne sauraient être remis en cause compte tenu de l’intérêt environnemental majeur qu’ils représentent, il apparaît que les moyens alloués pour les atteindre sont disproportionnés et font en tous les cas l’impasse sur l’aménagement de dispositions permettant de satisfaire également les intérêts économiques de la Corse » avertit François-Xavier Ceccoli, député de Haute-Corse, lors d’une question posée directement à la ministre de la Transition écologique à l’Assemblée nationale, en janvier. L’élu demande même à la ministre de prendre des décisions « dans un avenir proche afin de ne pas faire de la Corse le seul territoire méditerranéen privé des opportunités économiques offertes par l’accueil de grandes unités, dans le respect impérieux de la préservation de l’environnement. »
Sur le terrain, les exemples sont nombreux de bateaux qui se détournent de la Corse, faute de pouvoir s’amarrer convenablement. Et les places dans les baies ou les ports occupés habituellement par ces navires de luxe sonnent désespérément vides. Selon les professionnels, ces règlements empêchent les occupants de yachts de poser pied à terre pour consommer dans les restaurants ou les boutiques. « Il s’agit d’une clientèle à fort pouvoir d’achat, ajoute Michel Mallaroni. La France est en avance au niveau de la protection de l’environnement avec de telles mesures, mais ces grands bateaux se retrouvent en difficulté pour pouvoir dormir ou aller dans les criques. L’inquiétude, c’est de perdre durablement notre activité. »
Une croissance de 50% en dix ans
Pour remédier à cette problématique, les directeurs de ports demandent un assouplissement des lois mais aussi la possibilité d’utiliser des coffres d’amarrage à bouées afin de pouvoir préserver les fonds marins. « Nous travaillons proprement mais il y a des enjeux économiques. Les coffres d’amarrage sont un projet pilote. Les Baléares ont choisi un pilotage des ancres aussi. À chaque fois qu’un bateau veut jeter son ancre, une personne leur dit où mouiller. Cela peut être une solution. »
L’enjeu est de taille pour la filière alors que le secteur de la grande plaisance ne connaît pas la crise. En dix ans, ce domaine a connu une augmentation de 50% des bateaux de plus de vingt-quatre mètres. En outre, la grande plaisance peut représenter jusqu’à 50 % des recettes d’un port en Corse, pour 2 000 emplois directs et indirects. De quoi situer un tourisme encore difficile à cerner mais ô combien précieux pour l’île.
(Source : journal Le Figaro)