Leila Ortiz.

 

Leila Ortiz, 31 ans, est la Cheffe du restaurant-club-de-plage Nouvelle Vague, situé Plage nord à Argelès-sur-Mer (direction centre commercial Costa-Blanca), établissement fondé par Julien Gallos (Juju pour les fins connaisseurs de ce haut-lieu de la cuisine roussillonnaise).

 

La Cheffe de cuisine Leila Ortiz avec une partie de sa brigade du restaurant-club de plage Nouvelle Vague d’Argelès-sur-mer, Lucas Heral & Adrien Champenois.

 

Que ce soit à l’heure du déjeuner, les pieds en éventail sur un transat, ou les soirs d’été sous les parasols-palmiers attablé-endimanché, l’endroit est tout simplement paradisiaque.

La cuisine de la Cheffe Leila Ortiz a trouvé sa place au soleil sur cet îlot où le moindre de ses plats fait rayonner couleurs et saveurs. Toujours en quête de surprendre sa table, cet été, elle a choisi de travailler le boeuf japonais, le Wagyu*, tout en se référant aux choses premières, aux fondamentaux de sa formation acquise notamment au lycée professionnel Christian-Bourquin d’Argelès-sur-mer.

Un Wagyu qu’elle décline en plusieurs suggestions : “tartare”, “tapenade”, “épicée”, “à l’italienne”

Par ailleurs, le Thon rouge continue, au fil des saisons, d’illuminer et d’enrichir sa cuisine : “Je l’adore car il y a tellement d’alternatives, de possibilités culinaires avec lui… A chaque fois, je me régale de travailler ce poisson d’exception !”.

L’univers culinaire minitieux dans lequel elle a évolué, et dans lequel elle continue d’évaluer, ne l’empêche pas de se lancer dans l’inifinie complexité des renommés Très Grands Chefs français. C’est là son jardin, à la fois secret et extraordinaire, qu’elle cultive, passionnément, amoureusement.

Elle fait incontestablement – et c’est incontesté – de ces personnalités locales, “made in Roussillon”, qui écrivent l’avenir du territoire, ce en étant les auteurs-compositeurs-interprêtes d’une activité, une profession, un métier, qu’ils exercent merveilleusement bien. A coups de jolies performances.

Mettez-vous à sa table, et vous comprendrez l’art de vivre des moments précieux de gourmandise et de convivialité, face à la Grande Bleue…

 

L.M.

 

 

-Ouillade.eu : en 2024 encore, très peu de femmes exercent le métier de cheffe-cuisinière. Comment expliquez-vous cela ?

Leila Ortiz : “C’est un métier difficile, contraignant, dans lequel on peut vite se décourager. Il y a encore beaucoup d’a priori sur les femmes dans ce métier, même si ça s’arrange avec la nouvelle génération. Puis, il faut le reconnaître, c’est un métier incompatible avec la vie de famille. Je n’ai pas d’enfant, moi, mais j’ai des copines, et ce n’est pas toujours évident de concilier ce métier avec les loisirs”.

-Ouillade.eu : c’est facile de diriger une brigade en cuisine, composée uniquement d’hommes ?

Leila Ortiz : “Il y a eu une période où effectivement j’avais quelques soucis “d’autorité” avec des hommes ; ils n’acceptaient pas qu’une femme puisse les diriger, ou simplement leur donner des conseils professionnels. Très sincèrement, ce n’est plus le cas aujourd’hui, où s’il y en avait cela s’apparenterait plutôt à un conflit de génération, du genre un personnel plus âgé qui n’admettrait pas être sous la coupe d’une personne plus jeune. J’ai de moins en moins de problème avec cela, avec dirons-nous les égos. Je n’ai pas à déployer des trésors de diplomatie pour être respectée dans “ma” cuisine”.

-Ouillade.eu : quel regard portez-vous sur l’état de la gastronomie dans le département, sur la “cuisine catalane” ?

Leila Ortiz : “Mon impression est que la cuisine d’ici se porte plutôt bien, qu’elle a bien résisté à toutes les modes, les recettes authentiques et simples qui irriguent le patrimoine culinaire de notre territoire ont toujours toute leur place. On trouve encore de bons établissements pour les promouvoir, il y a d’excellentes adresses gourmandes, que ce soit sur le littoral ou dans l’arrière-pays.

Le changement perceptible serait plutôt du côté des productions locales, où cela devient compliqué. Nous avons d’excellents produits, le Roussillon est un jardin et un potager fabuleux, mais il y a un contexte nouveau issu de plusieurs facteurs : le coût de la matière première a beaucoup augmenté, ce qui inévitablement à une incidence sur les produits ; dans certains domaines nous sommes submergés par des productions transatlantiques, ibériques… Pris en tenaille entre ces phénomènes, il faut s’adapter tout en tenant compte de l’addition finale pour le client. Du coup, c’est un autre travail de tous les jours qu’il faut réinventer, il faut s’adapter, se positionner dans des calculs, et la gestion de tout ça c’est encore une autre cuisine !…”.

-Ouillade.eu : quand vous dîtes “c’est un autre travail de tous les jours”

Leila Ortiz : “Oui, depuis la crise du COVID et la période de forte inflation qui a suivi, c’est devenu un travail particulier de tous les jours ; à savoir être un bon négociateur pour surfer sur le dérapage des prix, tout en étant consciente du travail des producteurs locaux, qu’il faut soutenir, et dont la qualité des productions est sans cesse la ligne de mire de leur travail. Il faut sans cesse négocier, vérifier, avoir un suivi en privilégiant les circuits courts, d’aller directement à la Criée, etc. Il a fallu s’adapter, se réadapter, parfois dans des conditions inouïes, pour continuer d’aller de l’avant et satisfaire LE client roi. Alors, forcément, tout cela a un prix, un coût. Cela peut me prendre deux à trois heures par jour”.

-Ouillade.eu : les “années Bourquin” dans tout ça ?

Leila Ortiz : “Formidables… C’était il y a dix ans, déjà… J’arrivais du lycée Léon-Blum à Perpignan, quand je suis entrée au lycée professionnel Christian-Bourquin d’Argelès-sur-mer. A cette époque-là, entre deux années scolaires, c’était plutôt restreint au niveau des stages. Je crois bien que j’ai été la seule lycéenne cette année-là, pour l’obtention de mon diplôme, à être embauchée à la Nouvelle Vague. Cela s’est tellement bien passé que Juju m’a fait confiance par la suite, plus tard, ce au point de me confier les commandes des fourneaux de ce restaurant de plage emblématique sur la côte catalane ! 

C’est vrai qu’à l’époque de mon premier stage, des débuts du lycée professionnel Christian-Bourquin d’Argelès, il y avait ce lien manquant entre au niveau des stages avec les professionnels dans l’ensemble. Mais les enseignants et la formation étaient au top ! Je les suis encore aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, cela me permet de rester en contact avec le lycée, de maintenir les liens”.

-Ouillade.eu : l’avenir ?

Leila Ortiz : “Ralentir la cadence (elle éclate de rire) !… Les saisons ça épuise, c’est un autre rythme… Nous verrons bien. Pour l’instant, je suis très bien à la Nouvelle Vague, entourée d’une très belle et bonne équipe. N’est-ce pas là l’Essentiel ?”.

 

Propos recueillis par L.M.

*Wagyu. Son nom provient de la juxtaposition des termes gyu signifiant boeuf, et wa signigiant du Japon. Le boeuf Wagyu englobe plusieurs races de boeuf japonais dont le fameux boeuf de Kobé.

 

Un aperçu des bons petits plats mijotés dans les cuisines du restaurant Nouvelle Vague (tél. 06 20 57 27 64).

Juju, Lucas, Adrien et Leila.