Isa et Raïko, à droite sur la banquette en entrant dans “Les Templiers”, après avoir descendu deux marches, l’autre lieu mythique de Collioure-La-Perle-de-la-Côte-Vermeille ! (février 2023)
C’est presque LA légende contemporaine de Collioure qui s’en est allée hier, en fin d’après-midi, sur la pointe des pieds : Raïko Nicolic était agé de 86 ans. Pendant plusieurs longues décennies, derrière son comptoir du “Petit Café”, incrusté dans les remparts du front-de-mer, à coups de cocktails et un humour ravageur il a fait la pluie et le beau temps dans les soirées colliourencques, allant jusqu’à sélectionner l’entrée de la tramontane dans son établissement, son fief, sa demeure historique, là où tout Colliourenc a fait ses premiers pas nocturnes de leveur-de-coude…
Raïko, c’était une élégante silhouette tout en noir – et ça claquait dans les ruelles de Collioure, au pays du fauvisme !, où les couleurs utilisées par les Matisse, Derain, Dufy and C° enragent culturellement et historiquement l’atmosphère de petit-port-catalan-village-préféré-des-Français -, Raïko éternellement impeccablement bien vêtu et soigneusement coiffé, de la tête aux pieds, était une gravure de mode comme en croise des kilomètres durant, à Deauville, à Saint-Tropez et/ou à Monte-Carlo, mais plus rarement à Collioure.
Et puis, il y avait son accent, serbo-croate, plus précisément du Monténégro, autrefois province de l’ex-Yougoslavie coincée entre la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie et l’Albanie. Il en parlait peu. Cela faisait tellement belle lurette qu’il en était partie. Pudiquement, il avait tourné la page.
Derrière son comptoir, dans son antre du “Petit Café”, entre une anecdote et une préparation de cocktails, il était capable de faire l’autopsie de la société colliourencque rien qu’en brandissant son shaker.
Rien ne l’intimidait, rien ne le décourageait, rien ne le dérangeait : il s’adaptait à toutes les situations, gentiment populaire et familier, au-delà des clivages des uns contre les autres, mais cela ne l’empêchait pas d’avoir du caractère, son caractère, un tempérament de feu lorsque on réussissait à le sortir de ses gonds. Il pouvait être alors poliment, gentiment, décapant et corrosif. Pour ça, il avait été à l’école, aux Universités colliourencques, des feus Jouanen et autres Chazot, qui manquent si cruellement à l’âme du village pour en ripoliner et exciter la gaillardise traditionnelle locale.
Si Collioure était une Nation, un Pays, sûr et certain que le village décrêterait une journée de deuil national.
A plus tard l’ami !
A Isa son épouse, à Nicolas, à Elsa et Laetitia, à sa famille, à ses proches, à ses très nombreux amis, La Rédaction de Ouillade.eu présente ses plus sincères condoléances.
L.M.