(Vu sur la Toile)
Élections régionales en Catalogne : “La majorité des électeurs sont fatigués des promesses sans lendemain”
(Article de Diane Cambon • Rédaction du journal hebdomadaire Marianne)
Journal Marianne.- 5,7 millions. C’est le nombre de Catalans appelés à l’isoloir, ce dimanche 12 mai 2024, pour élire leur président régional. Un scrutin anticipé marqué par un déclin des thèses indépendantistes au profit d’un débat autour de questions davantage sociétales.
Pour la première fois depuis dix ans, les socialistes catalans du PSC sont en bonne position pour arriver en tête de l’élection, sans pour autant obtenir une majorité absolue. Sergio de Maya, politologue et ex-professeur à l’université de Barcelone, répond aux questions de Marianne.
-Marianne : près de sept ans après la tourmente politique provoquée par la tenue du référendum de sécession, la question de l’indépendantisme semble à bout de souffle. Qu’en pensez-vous ?
Sergio de Maya : “C’est assez paradoxal, en effet. L’indépendantisme n’est plus un thème porteur alors que 40 % de la classe politique catalane est représentée par des indépendantistes de sensibilité de droite (Junts per Catalunya) ou par ceux de sensibilité de gauche (Esquerra Republicana, au gouvernement régional).
Mais la majorité des Catalans sont fatigués des promesses sans lendemain, celles d’une république catalane indépendante et prospère. Il y a une démotivation au sein de l’opinion publique. Les Catalans exigent désormais des responsables politiques qu’ils prennent des mesures pragmatiques pour résoudre des problèmes de société concrets, comme l’accès au logement, l’amélioration des transports en commun très défectueux autour de Barcelone ou la santé publique”.
-Marianne : ancien ministre de la Santé du gouvernement de Pedro Sanchez, Salvador Illa est décrit par les indépendantistes comme un émissaire du palais présidentiel de Madrid, la Moncloa. Comment expliquez-vous qu’il soit donné gagnant dans les sondages ?
Sergio de Maya : “Salvador Illa est considéré comme un artisan de la réconciliation. Il évite de critiquer l’indépendantisme de façon frontale et préfère parler de modèle territorial à redéfinir. Il défend les intérêts de la Catalogne, et notamment une gestion des impôts depuis Barcelone. Il y a trois ans, il avait déjà remporté les élections, mais n’avait pas réussi à dégager une majorité. Ce n’est pas sûr qu’il réussisse ce dimanche, même si cette fois, la situation politique a changé.
Le gouvernement central de Pedro Sanchez s’est plié aux requêtes des indépendantistes en adoptant la loi sur l’amnistie en échange de son investiture. En blanchissant les indépendantistes accusés de sécession, dont Puigdemont, les socialistes ne peuvent plus être considérés comme des ennemis. Cela ouvre la porte à de possibles alliances, notamment avec les indépendantistes de gauche d’Esquerra Republicana, actuellement au pouvoir. Et pour Pedro Sanchez, cela renforce sa législature qui en a tant besoin”.
Marianne : la présence de l’ancien président Carles Puigdemont, qui mène sa campagne électorale à distance depuis Argelès-sur-Mer dans les Pyrénées-Orientales françaises, peut-elle faire pencher la balance en faveur des indépendantistes ?
Sergio de Maya : “Après sept ans d’exil en Belgique, Carles Puigdemont est assez déconnecté de la réalité quotidienne des Catalans. Les problèmes de sécheresse, les difficultés pour se faire soigner dans le système de santé publique… Ce qui joue en sa faveur, c’est son charisme, son image épique et son romantisme indépendantiste.
Il est revenu sur le devant de la scène car il se sent investi d’une mission et veut sauver son parti, Junts Per Catalunya. D’après les sondages, sa formation est en deuxième position, devant le parti au pouvoir (ERC), ce qui est déjà une performance alors que Junts était en plein déclin. Cela doit beaucoup à sa personnalité. Mais de là à mobiliser tout le vote indépendantiste, il y a beaucoup de doutes. L’heure n’est plus aux grandes envolées lyriques, mais à la gestion”.
Marianne : l’immigration s’est imposée dans cette campagne. Est-ce un thème qui va être porteur de vote ?
Sergio de Maya : “Avec 20 % d’immigrés, la Catalogne doit aujourd’hui affronter les difficultés liées à l’intégration. Ce n’est pas un sujet à prendre à la légère, car il existe désormais un nouveau parti xénophobe indépendantiste, Alianza Catalana, qui attire un électorat déçu provenant de Junts per Catalunya.
Pour freiner leur ascension, les quatre principaux partis en lice, ERC, Junts, Parti socialiste catalan (PSC) et Comuns (gauche Sumar), viennent de mettre en place un cordon sanitaire anti-extrême droite. Je ne serais pas étonné que le parti d’extrême droite national Vox et Alianza Catalana créent la surprise, ce dimanche, en augmentant leur nombre de députés”.
(Source journal Marianne)