(Vu sur la Toile)
Touristes énervés, bruit, ivresse, escort-girls… Une copropriété sort de l’enfer des locations Airbnb en deux mois
(Journal Le Figaro • Rédaction)
Le Figaro.- Après être devenue propriétaire d’un quatre pièces à usage de magasin et d’un deux pièces à usage de bureaux et de salle d’exposition, une société a procédé à des travaux pour transformer les lieux en un grand appartement avec la création de sanitaires et d’une cuisine et s’est livrée à la location meublée de courte durée de type Airbnb, Booking ou Abritel.
Son activité a généré de nombreuses nuisances et les copropriétaires excédés ont demandé à leur syndic d’agir en justice afin d’obtenir rapidement la fin de la valse des locataires. Pour parvenir au résultat, il a fallu assigner la société indélicate en référé.
Dans cet immeuble parisien, le règlement de copropriété interdit les locations à caractère de « pension de famille de nature (…) à gêner leurs voisins par le bruit, l’odeur ou autrement ».
Même si le terme « pension de famille » est tombé en désuétude, pour le juge, la location meublée de courte durée « constitue une activité dont les nuisances sont équivalentes à celles-ci générées par une pension de famille » et qu’en conséquence l’activité est prohibée par le règlement de copropriété.
Le référé, une procédure rapide
Le président du tribunal judiciaire peut, même en présence d’une contestation sérieuse sur le fond, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Les troubles anormaux du voisinage peuvent rentrer dans cette catégorie et une copropriété peut donc obtenir une décision de justice rapidement pour faire cesser les nuisances, sans préjudice d’une procédure sur le fond qui prendra quelques années.
Pour prouver les nuisances subies, la copropriété a fourni au tribunal des photos de l’encombrement du hall de l’immeuble avec des voyageurs de passage et de volumineux bagages.
Quatre copropriétaires et la gardienne de l’immeuble ont aussi apporté leurs témoignages, avec force de détails sur les désagréments subis.
L’enfer quotidien de la gardienne
La gardienne de l’immeuble indique tout bonnement être « devenue la concierge de leur hôtel ». Elle évoque des arrivées de voyageurs deux fois par semaine, « Huit à dix personnes avec leurs valises [qui sont] perdues et sonnent chez moi, parfois à 3H du matin, ou à tous les interphones pour qu’on les aide ».
Le loueur « n’est jamais là non plus pour la société de location de linge d’hôtel (…) et nous avons très souvent les sacs Ellis de linge sale ou de linge propre en retour posés dans l’entrée de l’immeuble ».
Et puis, l’incident de trop s’est produit. « Récemment un locataire qui n’était pas dans un état normal, s’est couché devant la porte de ma loge. Il était probablement ivre ou drogué et je n’ai rien compris à ce qu’il disait parce qu’il parlait anglais. Il a tenté de rentrer dans ma loge. Il s’est mis à sonner sans interruption chez moi et les choses ont failli mal tourner », expose-t-elle.
Tapage et gênes considérables pour les voisins
Une copropriétaire qui réside dans l’immeuble rapporte les nuisances sonores qu’elle subit dans sa chambre située juste au-dessus de l’appartement loué et les « personnes de passage qui sonnent à son interphone pour des renseignements divers » ainsi que des « poubelles débordantes et la présence de « bonbonnes de gaz hilarant ».
Une autre évoque «des gênes constantes et considérables» en matière de bruit, de poubelles, de dérangement et de sécurité ainsi que «de nombreux allers et retours dans l’immeuble de personnes ivres, agressives et de fêtes organisées».
L’activité d’un cabinet d’avocats entravée
Un avocat dont le cabinet est situé dans l’immeuble relate que ses clients « éprouvent de grandes difficultés pour accéder à l’escalier principal et à l’ascenseur et sont surpris » par des voyageurs immobilisés dans le hall de l’escalier qui « attendent parfois de longues périodes que l’agence concernée vienne leur donner les clefs ».
Il évoque également avoir constaté « à deux reprises, des dames, semble-t-il des escort-girls qui sortaient par la porte donnant sur la cour en tenue assez légère et déposant dans la boîte à ordures plusieurs bouteilles de champagne ».
Une perturbation dans les services de l’immeuble
« Nous avons régulièrement entre 5 et 10 personnes avec leurs valises dans l’entrée » qui « encombrent et dérangent », relate un autre avocat qui réside dans l’immeuble.
« Ces personnes se comportent souvent très mal (…), et étant de passage, n’ont aucuns soucis des autres occupants », complète-t-il avant de conclure que « la vie est devenue difficile dans cet immeuble » auparavant paisible.
Une condamnation sévère, en deux mois
Pour le juge, « il ressort de ces attestations précises, concordantes et circonstanciées (…) que le voisinage est perturbé par des allées et venues répétées de touristes bruyants se comportant sans égards ». Il retient également le bruit, notamment de valises, ainsi qu’un « sentiment d’insécurité et d’une occupation des espaces communs qui perturbent la tranquillité des habitants ».
Au regard de ces éléments, le juge enjoint à la société qui procède à la location meublée de courte durée de supprimer – dans les quinze jours – les sanitaires et la cuisine créés, afin que les lieux redeviennent un magasin, des bureaux et une salle d’exposition, en faisant cesser « l’occupation à usage d’habitation et de location meublée de tourisme ».
« La gravité des faits constatés qui portent atteinte à la tranquillité de la copropriété et à celle de ses occupants » impose l’exécution provisoire assortie d’une astreinte de 500 € par jour de retard, a-t-il estimé. La société est naturellement condamnée aux dépens, mais également à verser 10 000 € à la copropriété pour ses frais de justice.
La procédure a été rapide : entre l’assignation et la décision judiciaire, deux mois se sont écoulés.
À l’heure où nous publions, nous ignorons les suites que les parties entendent donner à ce dossier.
(Source : journal Le Figaro)