Passés le temps de la stupéfaction et le long effort d’accommodation du regard à une crise sanitaire inédite, le temps de la réflexion et de l’intelligence collective doit reprendre ses droits. Non pour dominer les événements de toute la hauteur d’analyses définitives – qui le pourrait ? – mais pour s’efforcer de mettre en partage les réflexions, observations, témoignages et questionnements que suscitent, chez chacun d’entre nous, les développements de l’épidémie et les multiples conséquences qu’elle aura aussi bien à court qu’à moyen et long terme. C’est ce que propose Terra Nova aujourd’hui et dans les semaines qui viennent en ouvrant ses pages et son site à de multiples contributions libres d’experts, d’acteurs, de témoins…

 

 

 

 

Dans son discours du 12 mars dernier, le président de la République déclarait : « Mes chers compatriotes, il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties […] Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture. ». Nous proposons dans cette note de prendre le Président au mot et suggérons quelques « décisions de rupture » pour la sortie de crise.
Dans son discours du 12 mars dernier, le président de la République déclarait : « Mes chers compatriotes, il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties […] Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture. ». Nous proposons dans cette note de prendre le Président au mot et suggérons quelques « décisions de rupture » pour la sortie de crise.
 Adoptant un discours délibérément martial, le président de la République se voulait, le 16 mars dernier, à la hauteur de l’enjeu : la lutte contre une pandémie mondiale, présentée comme imprévisible dans son évolution et ses conséquences. Déclarer la guerre, c’est faire à la fois corps et bloc face à l’épreuve, vœu et acte d’unité nationale. C’est faire appel à la mobilisation générale, contre un ennemi désigné quoique imperceptible à l’œil nu, redoutable parce qu’encore relativement méconnu. Mais, cette guerre, y sommes-nous prêts ? La crise actuelle tient à cet égard le rôle de révélateur, en mettant en lumière nos fragilités. Et notamment deux d’entre elles : fragilité de notre autonomie stratégique, quand notre indépendance sanitaire se voit bousculée par la propagation d’un virus identifié depuis de longues semaines ; fragilité de notre situation géopolitique, quand notre peur de l’avenir nous amène à transposer des mesures présentées comme idéales, en faisant abstraction du réalisme qui irrigue les relations internationales.
En 2019, la Caisse Nationale d’Assurance-Maladie (CNAM) dénombrait 20 millions de patients atteints d’une maladie chronique en France. Depuis les annonces de confinement prises par le gouvernement le 12 mars dernier, et les mesures de réorganisation du système de soins inhérentes à la gestion de l’épidémie de COVID-19, ce sont donc près d’un Français sur trois qui sont directement ou indirectement impactés dans leur prise en charge quotidienne. Nombre d’entre eux ont fait d’ores et déjà part de leurs inquiétudes, légitimes, quant à leur vulnérabilité et la nécessité d’une continuité de leur suivi médical. Ils décrivent notamment l’angoisse que suscite la propagation du virus, en particulier pour ceux atteints d’une des pathologies dites « à risque », c’est-à-dire qui constituent un facteur potentiellement aggravant en cas de contamination. Au-delà de la vulnérabilité de nombre d’entre eux vis-à-vis de l’infection elle-même, ils sont tous des usagers réguliers du système de soins qu’ils constatent soudainement inaccessible alors que leur maladie est toujours bien présente. Les conséquences de la crise sanitaire sur les malades chroniques sont multiples, parfois inattendues, et très délétères.