*par Claude Barate universitaire, député honoraire

 

-Qu’il était bon d’être Marseillais lors de la venue du pape François. Pendant quarante-huit heures, la ville a brillé de mille feux, même les voyous ont arrêté pendant ce temps leurs fusillades quotidiennes. Présence du pape ou présence policière nombreuse ?

En tout cas la visite du pape a été une incontestable réussite, parce que François a su parler au cœur des hommes. Qu’il était beau de rappeler ces valeurs chrétiennes de charité vis-à-vis des plus faibles, des plus démunis, de considérer que les immigrés ne sont pas que des statistiques mais des hommes qui viennent en Europe pour sortir de pays où leur avenir n’est pas assuré. Qu’il était beau cet appel à la Vierge, à Notre-Dame de la Garde, la patronne de Marseille et notre mère à tous. Elle a d’ailleurs fait un miracle immédiat, venu parler à la seule ville cosmopolite de Marseille, François s’est au final adressé à l’ensemble des français, et il a bien fait.

Au-delà du cœur et des rappels de valeurs chrétiennes, le débat a porté également sur des problèmes de caractère opérationnel, avec une première conclusion que tout le monde peut soutenir : arracher les hommes à leur famille, à la terre et à la culture à laquelle ils sont attachés est une souffrance. Et cette souffrance entraine une obligation, celle de les aider à vivre chez eux. Cette idée de mettre en place à l’échelle de l’Europe un plan Marshall pour les pays d’Afrique démocratique devrait être soutenue par tout le monde, en tout cas le monde de culture chrétienne.

Devrait être également soutenu par tout le monde, l’idée de faire la chasse aux réseaux de passeurs qui n’hésitent pas à mettre en jeu la vie des hommes pour gagner de l’argent. Ce sont des criminels et il faut les traiter comme tels.

Enfin est posé le problème de l’accueil en Europe des migrants et notamment des migrants venus d’Afrique. Il a été dit que chaque pays, au nom de l’hospitalité, devait accueillir en fonction de ses moyens. Le raisonnement est logique et de bon sens. En effet, on ne peut pas parler d’hospitalité et d’accueil digne, à rassembler des milliers d’hommes, femmes et enfants sous des tentes de fortune, sous les ponts ou trottoirs. Les personnes qui prônent l’ouverture des frontières sans se préoccuper de la qualité de l’accueil, devraient avoir honte de leur cynisme et de leur manque d’hospitalité.

Reste un autre problème à résoudre, celui de la culture d’accueil. C’est ainsi qu’est posé le problème du choix de civilisation.

Pour certains, il faudrait que les migrants puissent venir en Europe, tout en gardant leur modèle de civilisation. Ils proposent une politique multiculturaliste avec comme objectif de donner à chacun, le droit de vivre, dans sa communauté, en conformité avec ses origines, sa race, sa culture, sa religion, quitte à provoquer des chocs de civilisations. Ils s’appuient sur le principe de la liberté de chacun, à conserver sa culture d’origine, pour mieux les enfermer dans une logique de communauté et les amener à un vote communautaire, privatif en réalité de liberté individuelle.

Pour d’autres, dont je suis, l’intégration des migrants doit passer obligatoirement par une politique d’assimilation. Cette dernière n’a pas pour vocation d’écraser les races, puisqu’on ne peut assimiler que ce qui est égal. Elle n’a pas davantage vocation pour éliminer toutes les particularités et les identités différentes. Ainsi, la culture n’est pas la même chez les Alsaciens, les Bretons, les Corses, les Basques ou les Catalans. Elle a pour simple objectif de développer les traits communs qui rendent la vie commune acceptable et permettent à chacun de s’intégrer pleinement dans l’objectif d’un destin national commun.

C’est la politique de ce territoire appelé par Jules César, la Gaule et qui a vu les celtes s’y assimiler avec les anatoliens, puis devenus gaulois avec les romains, puis d’assimiler les francs. C’est la politique suivie par les rois, par les empires et par la république. C’est la politique qui a forgé l’âme de la France. Pourquoi vouloir changer ce qui a fonctionné si bien depuis plus de 2000 ans !

Enfin, les partisans du multiculturalisme croient-ils sérieusement que l’Europe est riche de son seul territoire ? Qu’il suffit d’y transplanter des personnes qui en ignorent tout, pour qu’immédiatement, une richesse nouvelle jaillisse ? Ce serait plus qu’une erreur, une faute !

L’Europe est riche de ses racines et de ses valeurs, des racines gréco-romaines, mais aussi judéo-chrétiennes et notamment des racines chrétiennes qui ont apporté à l’Europe et à l’Occident l’esprit de liberté et d’amour. Le pape Benoît XVI en a résumé l’ensemble : « L’Europe c’est la triple rencontre entre Jérusalem, Athènes et Rome, entre la foi au dieu d’Israël, la raison philosophique des grecs et la pensée juridique de Rome. C’est là que réside l’identité profonde de l’Europe ».

Cette force de la civilisation occidentale a été relevée par d’autres auteurs. C’est ainsi qu’Hassan Aourid écrit en2012, dans « De la supériorité des civilisations. »

« Aucune civilisation depuis le 16e siècle, n’a autant marqué le monde, que la civilisation occidentale, aussi bien sur le plan du savoir (technologique et scientifique), qu’économique (marché), politique (démocratie) ou intellectuelle (modernité). Cela tient, à mon humble avis, à deux valeurs fondamentales que d’autres civilisations n’ont pu ériger en référents : l’individu et son corollaire, la liberté et la raison. »

Qui pourrait penser que le choc de civilisation n’aurait pas lieu dans le multiculturalisme, surtout avec une croissance rapide de l’immigration africaine. L’extrême gauche européenne ne s’y trompe pas. Si elle veut ouvrir largement les frontières, ce n’est pas pour répondre à un élan du cœur, c’est parce qu’elle espère, de manière cynique, le choc entre ces civilisations, prélude à la révolution espérée pour lui permettre de prendre un pouvoir qu’elle n’aura pas dans les urnes.

Le pape François a bien fait de répondre que les pays européens devaient ouvrir leur hospitalité en fonction de leurs capacités. L’assimilation répond exactement à cette demande : elle est à la foi un objectif d’insertion et en même temps le critère de l’hospitalité. Ne peuvent être accueillis que les immigrés assimilables, et qui veulent être assimilés !

 

Claude Barate, député honoraire.