« N’ayez pas peur » Jean Paul II
*(Par Claude Barate, Universitaire, Député Honoraire)

 

 

Le conflit en Ukraine est inquiétant. Sous nos yeux, aux portes de l’Europe, des peuples souffrent.

Et d’abord le peuple ukrainien qui souffre sur son territoire, dans sa chair. Combien de morts, de blessés, combien de familles détruites, combien de familles déportées, combien de villes à reconstruire, combien d’activité économique détruite et à réactiver. Mais aussi combien de mères russes pleurent aujourd’hui pour leurs enfants, pour leurs maris disparus. Et tout cela, pourquoi, pour satisfaire la volonté d’un homme qui rêve d’être Pierre le Grand, alors qu’il n’est que Vladimir le petit.

Et Vladimir le petit veut faire peur pour diriger le monde. Il laisse entendre qu’il pourrait utiliser l’arme nucléaire que lui ont laissée les soviétiques pour arriver à ses fins. Mais tout le monde peut voir que ce dirigeant du XXIe siècle a une vision coloniale du XIXe siècle avec des moyens militaires qui datent du XXe siècle. Bloqué dans sa tentative de soumettre toute l’Ukraine, il tente avec ses faibles moyens militaires de conquérir des bouts de territoire ukrainiens la Crimée et le Donbass.

Dans cette guerre d’un autre temps, les nations occidentales ont pris la défense de la victime, du peuple attaqué qui a eu aux yeux de Poutine, un seul défaut, celui de vouloir rejoindre l’Europe démocratique, celle de la liberté des peuples. Et parce que le monde occidental a décidé de soutenir le peuple ukrainien en lui fournissant un armement nécessaire pour se défendre, Poutine se déchaîne contre l’Occident : civilisation décadente alors que la civilisation défendue par Poutine serait celle des peuples forts… (on a entendu cela en Allemagne, avant la II é guerre mondiale …). Et Poutine d’essayer de justifier ses erreurs auprès de son peuple, en prétextant d’un conflit de civilisation avec un Occident qui voudrait en finir avec cette civilisation russe étincelante.

Rien n’est plus faux

J’ai rêvé d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural, ouverte à l’humanité et la liberté.

J’ai rêvé de l’émotion dégagée par les peintres russes de Vassili Kandinsky à Marc Chagall, celle des écrivains Tolstoï, Dostoïevski, Pouchkine et tant d’autres ou encore celle des musiciens comme Prokofiev, Tchaïkovski, Rachmaninov et autres Rimski Korsakov.

J’ai rêvé que cette émotion et cette humanité permettrait la réalisation de ces rêves.

Mais c’est le peuple russe et lui seul qui doit décider de son destin.

Ce que j’en vois, c’est un cauchemar. Une population soumise à l’autoritarisme des Tsars, puis à celle du totalitarisme communiste et maintenant de la dictature de Poutine.

Une presse totalement contrôlée, une télévision aux ordres et ridicule.

Une population interdite de s’exprimer sous peine de sanctions, une opposition emprisonnée par un appareil judiciaire aux ordres.

Et mise en place récente d’un contrôle informatique des réseaux sociaux pour sanctionner tout échange dans la population qui serait hostile au pouvoir.

Même l’Eglise orthodoxe a été placée sous le contrôle d’un affidé de Poutine.

Je vois un pays immense doté de riches ressources énergétiques et minières, qui dégage, à peine, le produit intérieur brut de l’Espagne trois fois moins peuplée.

Je vois un pays où la classe dirigeante est très riche, voire milliardaire concernant les oligarques, et où le revenu moyen par tête d’habitant est à peine de 150 euros par mois. Je vois un pays qui a hérité de la corruption du temps des Soviets, et qui n’essaye même pas de sortir du système.
Alors oui, je suis triste pour cette population. Mais c’est le peuple russe et lui seul qui doit décider de son destin.

La situation concernant l’Ukraine est différente. Voilà un peuple qui a décidé par référendum, en 1991, d’être séparé de la Russie, par un vote unanime de toutes ses régions y compris de la Crimée ; qui a souhaité se rapprocher du modèle démocratique européen et qui a pris les dispositions législatives et réglementaires pour le faire.

C’est un peuple qui aspire à la liberté et qui demande le respect de sa souveraineté nationale et territoriale. Il est logique de le soutenir dans son effort de défense comme le demande l’ONU. Le conflit n’est pas pour la civilisation mais pour la liberté, et le respect du droit international. Une chose le prouve, l’apparition des soutiens de la Russie avec entre autres l’Iran et la Corée du Nord, bien connus pour être des régimes libéraux !

En défendant l’Ukraine nous défendons la liberté, notre liberté. Cette défense a un coût et soumet nos pays à un risque supplémentaire, c’est vrai.

Mais quel serait le prix à payer, si on laissait Poutine gagner. Pouvez-vous croire un seul instant qu’il s’arrêterait à cela, alors que sa seule culture est celle d’un agent du KGB. Croyez-vous qu’il arrêterait son action de déstabilisation et de prise de contrôle en Afrique ?

En réalité nous avons été trop sages avec lui et il a interprété ça comme une faiblesse. Nous l’avons accueilli dans le G8, nous avons facilité les relations commerciales et culturelles avec la Russie, jusqu’à l’Allemagne qui a commis une grave erreur stratégique en abandonnant son autonomie en matière d’énergie pour se mettre dans les mains du Tsar.

Il a vu dans notre non intervention en Syrie, en Géorgie, en Crimée des signes de faiblesse, de même qu’il a analysé le départ précipité des américains d’Afghanistan comme un désengagement des USA.

Il voulait une Europe faible et éclatée, un OTAN sans force, et il subit au contraire une Europe forte, un OTAN engagé et renforcé par des pays comme la Finlande et la Suède, qui ont demandé leur adhésion à la suite de l’agression contre l’Ukraine.

Il a refusé la main tendue des Européens pour se réfugier dans les bras de la Chine qui peut désormais attendre tranquillement le moment de faire sienne la Sibérie. Et cela pourquoi ? Parce qu’il a peur de la tentation démocratique et européenne de son peuple et son seul souci est de défendre son pouvoir absolu.

De Gaulle disait que face à un adversaire agressif, il ne fallait jamais reculer, sauf à la rendre encore plus agressif.

C’est ce que nous faisons. N’ayez pas peur !

 

Claude Barate, Universitaire, Député honoraire.