Tribune Libre/ Claude Barate* : “Pour une France forte, dans une Europe forte”
par adminLuc le Juin 4, 2024 • 1 h 19 min Aucun commentaire*Par Claude Barate, universitaire, député honoraire
La situation de la France est difficile. En sept ans de présidence Macron, la dette de la France s’est agrandie de 1 000 milliards d’euros pour atteindre le chiffre désastreux de 3 000 milliards, le déficit du commerce extérieur est un des plus élevés d’Europe, l’insécurité s’est accrue jusqu’à atteindre des niveaux quotidiens insupportables, quand l’immigration atteint des taux records
Malgré un taux de prélèvements, le 2e plus élevé au monde, la France croule sous les déficits, au moment même où l’organisation administrative montre des faiblesses insupportables.
Santé, éducation, justice sont à la dérive, pendant qu’on est obligé de payer cher à l’étranger, une énergie qu’on a arrêté de produire par idéologie antinucléaire. Mais la France est la championne des normes ! Quatorze circulaires chacune pour des tailles de haies différentes, une qui fixe à 3 m la hauteur maximale d’un tas de fumier,… ou encore une qui oblige maintenant les pêcheurs à la ligne du bord de mer à déclarer leur activité sous peine de contrôle et d’amende, et tant d’autres.
La bureaucratie hypertrophiée veut tout contrôler. On est bien loin de la phrase de Pompidou « Arrêtez d’emmerder les Français ».
Emmanuel Macron, n’est pas le seul à être responsable de cette situation, François Hollande avait déjà engagé le pays dans cette direction, en cassant la politique de natalité au moment même où la France était le pays d’Europe avec le plus fort taux de naissances. Il est vrai que suivant les recommandations du think tank socialiste « Terra Nova », la gauche va préférer s’appuyer sur une immigration de masse pour reconstituer un électorat populaire qui lui a échappé (J’aurais l’occasion après les européennes de tracer les lignes nécessaires d’un redressement du pays. Aujourd’hui le thème, c’est l’Europe).
Mais Emmanuel Macron est le seul qui affirme aussi clairement sa volonté d’abandonner à l’Europe, toute souveraineté. Peut-être le fait-il parce qu’il espère trouver en Europe la rigueur qu’il a abandonné chez nous ? Ou tout simplement parce que cela correspond à son idéologie dominante, le mondialisme. Ce qui est sûr, c’est que la plupart des nations européennes ont une gestion financière et économique plus rigoureuse que la nôtre. Heureusement, car c’est ce qui renforce l’Europe, et la sauve.
Celle-ci aurait été beaucoup plus forte encore, si depuis le traité de Maastricht en 1992, elle n’avait cessé de dériver vers une zone de libre-échange ouverte à tous les vents.
En 1992, lors du traité de Maastricht, j’ai fait campagne pour le OUI, parce que j’espérais de l’Europe, la création d’un grand marché communautaire pour les douze pays qui composaient alors l’Union, une politique commerciale commune dans les accords avec le monde extérieur et la création d’une monnaie commune pour faciliter les échanges. Ce que nous voulions, c’est une Europe forte qui protège ses habitants.
D’autres refusaient l’Europe parce qu’ils ne croyaient qu’aux volontés nationales. Aujourd’hui, toutes les principales têtes de liste de l’élection européenne sont favorables à une Europe rassemblée. Encore faut-il savoir de quelle Europe !
Certainement pas de l’Europe de Mme Von der Leyen. Cette Europe a fauté.
Aux souze pays d’origine, sont venus s’agglutiner quinze autres pays. Au lieu d’approfondir l’Union de l’Europe autour de l’identité européenne, son élargissement a correspondu à la mise en place d’un grand marché ouvert sur le monde entier. Le développement du commerce était la réponse à tout. Il devait même, compte tenu de sa supériorité, emporter avec lui le passage à la démocratie des régimes dictatoriaux ou autoritaires. On voit ce qu’il en est advenu.
Au lieu de construire un marché européen, les Etats membres ont accepté l’inacceptable, que des produits importés ne soient pas obligés de respecter les normes européennes. L’Europe a imposé à ses propres entreprises des règles plus contraignantes que celles imposées aux entreprises étrangères concurrentes. On marche sur la tête. Il fallait bien à la fois répondre aux exigences des coalitions dans lesquelles, les écologistes levaient toujours plus le niveau demandé, et des exigences commerciales des pays extérieurs.
Bref, pour caricaturer, la vente d’une voiture allemande à l’international a conduit à l’achat de produits agricoles hors normes européennes.
S’est ajouté à cette crise commerciale, une crise d’identité. Au lieu de développer dans les pays, des politiques d’aide à la natalité, on a préféré ouvrir largement les portes à une immigration massive qui ne s’est pas intégrée, s’est repliée dans des communautés, créant en conséquence des phénomènes de rejet.
Enfin, une crise institutionnelle a vu les petits pays, nouveaux arrivants obtenir dans la Commission Européenne, la même représentation (1 représentant par Etat) qu’elle que soit la taille de l’Etat, pendant que le nombre trop important des états mettait à mal la règle d’unanimité.
Ce qu’il faut faire…
D’abord, sortir l’Europe de sa naïveté coupable vis-à -vis des USA, de la Chine. Il n’y a aucune raison pour que l’Europe n’applique pas les mêmes mesures de protection de son économie. A ce titre, une directive doit imposer que toute importation de produits étrangers doit respecter les normes européennes. Et il faut protéger par des augmentations massives de droits, toute importation qui bénéficie à l’étranger de dumping, en même temps que l’on doit faire jouer dans les marchés européens, la préférence communautaire.
Ensuite il faut accentuer l’effort de défense des européens. Contrairement à la fin de l’histoire qui était espérée, avec la chute du mur de Berlin, , celle-ci continue. Des forces puissantes sont en marche pour essayer de dominer le monde. Face à ces risques, il faut que l’Europe sorte de sa torpeur et devienne une puissance redoutable, qui reste dans l’OTAN, mais devienne autonome des américains : le pilier européen de défense.
Par ailleurs, il faut laisser à chaque peuple le soin exclusif de défendre son identité, par rapport à l’immigration. Vouloir imposer le contraire conduirait inéluctablement à l’éclatement de l’Europe.
Enfin, il faut s’engager dans une réforme institutionnelle On ne peut plus laisser les choses institutionnelles en l’état sous peine d’explosion de l’Europe.
La Commission européenne ne peut plus décider, seule, des orientations de la communauté. Ainsi, la présidente de la Commission, Madame Von der Leyen, a engagé l’adhésion de l’Ukraine à l’Europe, celui de la Moldavie voire demain celui de la Géorgie. On peut en comprendre les motivations politique s’agissant de pays en recherche de démocratie libérale, voulant se protéger des dictatures russes. Mais force est de constater que l’Europe n’a pas les moyens aujourd’hui de payer le coût de telles opérations. Il ne faut pas confier à l’Europe ce qui est du ressort de l’OTAN. Un rattachement de ces pays à l’Europe comme états associés est dans un premier temps largement suffisant.
Ou alors il faut changer radicalement l’organisation de l’Europe en privilégiant ce que préconise Edouard Balladur depuis longtemps, l’organisation de l’Europe en cercles de compétences. Il s’agirait de répartir les compétences entre l’Europe et les Nations, en fonction des capacités de chaque catégorie de Nation Ce système aurait l’avantage de ne pas attribuer les mêmes compétences à tous les Etats et donc les mêmes charges. Chaque cercle restreint, garderait un vote à l’unanimité, seul moyen de conserver à chaque Nation sa souveraineté.
En effet, il ne peut pas y avoir de souveraineté partagée ! L’agrandissement de l’Europe sans autre mesure de protection, ne pourrait conduire ultérieurement qu’à un vote à la majorité, faisant fi de la souveraineté de chaque Etat. Or le maintien de cette souveraineté est indispensable, on le voit bien aujourd’hui, par exemple, sur le thème sensible de L’immigration et de son corollaire celui de l’identité des peuples.
Ce sont des domaines où il faut laisser « du temps au temps », suivant la formule du président Mitterrand.
L’Europe se rassemblera, et même s’assimilera, je n’en ai aucun doute, l’histoire de l’évolution de l’humanité est là pour le démontrer. Mais il faudra du temps pour qu’on passe à une conscience européenne. Et seul l’avènement des peuples à cette conscience européenne sera en mesure d’apporter la légitimité populaire à un pouvoir politique enfin européen.
En attendant, n’en déplaise à Alain Minc, il serait illusoire voire contreproductif de vouloir supprimer les Nations et leurs âmes, pour un pouvoir technocratique européen.
C’est peut-être ce que voulaient dire Edouard Balladur dans sa formule « L’Europe est nécessaire, la France aussi » et Jacques Delors « L’Europe doit être une fédération de Nations ».
*Par Claude Barate, universitaire, député honoraire