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« C’est la honte » : une jeune pharmacienne arrêtée après la découverte de 50 faux pass sanitaires
(par Marie Briand-Locu journal Le Parisien)
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Le Parisien.- Les policiers de la BAC (brigade anticriminalité) de Montreuil (Seine-Saint-Denis) ont fait une sacrée découverte lors d’un banal contrôle d’identité vendredi 16 juillet à Bagnolet. Un jeune homme, visiblement nerveux, a tenté de se débarrasser d’une pochette cartonnée. Celle-ci contenait quarante-six faux pass sanitaires. Le suspect transportait aussi 2 600 euros sur lui.

Durant le week-end, les enquêteurs de la sûreté territoriale de Seine-Saint-Denis ont réussi à remonter jusqu’au fournisseur de ces faux documents. Il s’agit d’une jeune diplômée en pharmacie qui travaille dans un centre de vaccination à L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne).

Ce lundi, une information judiciaire a été ouverte pour atteinte à un système de traitement automatisé de données, participation à une association de malfaiteurs, blanchiment en bande organisée pour la jeune femme et détention de faux documents administratifs pour le jeune homme. Les deux mis en cause ont été mis en examen et placés en détention provisoire.

« Elle avait l’air sérieux. Elle va tout perdre : son travail ici et celui à la pharmacie »

Les 46 faux certifications de vaccination découverts vendredi soir, de même que les quatre autres sur lesquels les policiers ont mis la main lors d’une perquisition au domicile de l’habitant de Bagnolet, mentionnaient le nom d’une même vaccinatrice. Les enquêteurs sont vite remontés jusqu’à cette femme diplômée en pharmacie née à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Depuis mai, elle travaillait dans différents lieux de vaccination dont celui de L’Haÿ-les-Roses. La jeune femme partageait son accès aux données du centre à des vacataires. Une façon de multiplier le nombre de fausses attestations émises.

Ce lundi en fin d’après-midi, les employés de la structure oscillaient entre surprise et consternation. « C’est grave, réagit l’une des collègues de la vaccinatrice mise en cause. Elle avait l’air sérieux. Elle va tout perdre : son travail ici et celui à la pharmacie. » « Je suis furieuse, lâche une autre membre de l’équipe, qui compte une quinzaine de personnes entre le personnel administratif, les médecins et les infirmières. Lors de la première vague, on nous applaudissait, et ça, c’est la honte. »

« Je me suis fait vacciner car je n’ai pas le choix. J’aurais pu être intéressée (NDLR : par un faux pass sanitaire). »

Selon la mairie de L’Haÿ-les-Roses, qui a collaboré avec les services de police durant le week-end afin d’identifier l’employée à l’origine de ces contrefaçons, cette dernière « œuvrait au sein de plusieurs centres de vaccination dont celui de L’Haÿ-les-Roses, où elle réalisait des renforts d’effectifs en tant que vacataire au travers d’une présence hebdomadaire ponctuelle ».

En moyenne, 400 personnes sont vaccinées quotidiennement à L’Haÿ-les-Roses. Pascal était de ceux-là ce lundi. « Je le fais car je ne veux pas perdre mon travail, raconte cet homme en tenue d’ambulancier. Mais je ne vois pas l’intérêt de truander. »

Ludwig et Delphine, un couple de trentenaires, ont tous les deux déjà été infectés par le virus. Ils sont venus recevoir leur unique injection. « J’aurais préféré que la vaccination soit obligatoire, confie Delphine. Mais je n’aurais jamais pensé à tricher. » À la sortie du centre, une autre jeune femme livre un point de vue opposé : « Je me suis fait vacciner car je n’ai pas le choix. J’aurais pu être intéressée (NDLR : par un faux pass sanitaire) si j’avais su comment faire. »

Des attestations contrefaites auraient été payées 250 euros

En réaction à cette arnaque aux certificats de vaccination, la municipalité « a renforcé ses mesures de traçabilité en mettant en œuvre une signature des attestations ainsi que des registres de fonctionnement supplémentaires. En outre, la Ville a demandé à la CPAM (Caisse primaire d’assurance maladie) que chaque vaccinateur en centre puisse bénéficier d’une carte d’identification personnelle propre, même lorsqu’il s’agit d’internes ou de retraités. »

Selon nos informations, la jeune femme mise en cause se présente comme « ouvertement antivaccin ». C’est par son profil qu’ont été enregistrées les 50 attestations contrefaites. Parmi les personnes « faussement vaccinées » mentionnées sur ces documents, quatre ont été entendues par les enquêteurs. Deux d’entre elles ont affirmé avoir payé leur faux certificat 250 euros par le biais de l’application Snapchat. Selon une source proche du dossier, la jeune vaccinatrice recevait « sûrement une grosse partie de la somme » en plus de celle reçue par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) à chaque attestation établie.

Les enquêteurs épluchent l’application Snapchat

Les enquêteurs tentent désormais de retrouver d’autres personnes impliquées. Car le jeune homme interpellé à Bagnolet a déclaré aux policiers qu’il devait donner la pochette contenant les fausses attestations « à un homme ». Peu loquace, il a indiqué « avoir très peur de représailles ». Des sommes importantes ont circulé sur son compte alors qu’il gagne très peu d’argent. Son lien avec la diplômée en pharmacie n’a pas pu être clairement établi. Il est même probable que les deux mis en cause, dont le casier judiciaire est vierge, ne se connaissent pas.

« Le travail conjoint des unités de la BAC de Montreuil, des policiers du commissariat des Lilas et de ceux de la sûreté territoriale chargée de l’enquête ont permis de stopper très vite la diffusion de ces faux pass sanitaires», se félicite une autre source proche du dossier. Les enquêteurs essayent désormais de retrouver tous les acteurs du réseau par le biais de l’application Snapchat. Une piste complexe : ce réseau est connu pour la possibilité d’envoyer des messages qui disparaissent.

Rédaction Le Parisien