(Vu sur la Toile)

 

L’Algérie rétablit un vieux couplet anti-France dans son hymne national
(Article de l’hebdomadaire Le Point Par Erwan Seznec)

 

Le Point.- L’information est passée inaperçue en France, mais elle a suscité de nombreux commentaires en Algérie. Un décret présidentiel paru au Journal officiel algérien du 21 mai 2023 a modifié les circonstances dans lesquelles l’hymne national algérien, Kassaman (« Nous jurons »), doit être joué en version abrégée à un couplet, ou dans sa version intégrale de cinq couplets.

Le troisième couplet est assez peu diplomatique : « Ô France ! Le temps des palabres est révolu. Nous l’avons clos comme on ferme un livre. Ô France ! Voici venu le jour où il te faut rendre des comptes. Prépare-toi ! Voici notre réponse. Le verdict, notre révolution le rendra. Car nous avons décidé que l’Algérie vivra. Soyez-en témoin ! », etc.

Datant de 1955 et adopté en 1963 comme hymne national, Kassaman a été écrit par le poète algérien Moufdi Zakaria (1908-1977), militant indépendantiste plusieurs fois incarcéré par les autorités françaises. Le texte n’est pas plus violent que la Marseillaise et ses promesses de sang impur coulant dans les sillons, mais il désigne l’ennemi. D’ordinaire, les hymnes nationaux restent dans le vague.

 

Un vieux débat

 

Après la mort de Houari Boumediene fin 1978, il y a eu des débats en Algérie autour de la suppression de ce couplet ou du choix d’un nouvel hymne. Les détracteurs du troisième couplet de Kassaman ne lui reprochaient pas tant de s’en prendre à l’ex-puissance coloniale que de faire référence à elle, comme si l’acte de naissance de l’Algérie restait finalement français. Du reste, même chanté en arabe, l’hymne algérien sonne comme une Marseillaise ou peut-être davantage encore comme l’hymne italien, Fratelli d’Italia.

Un compromis a été trouvé en 1986. Il a été décidé que l’hymne intégral serait réservé aux congrès du FLN et à l’investiture du président de la République. Autant dire que le troisième couplet disparaissait de la vie publique. Le décret de mai 2023 l’inscrit désormais au protocole pour toutes les commémorations et cérémonie officielles en présence du président de la République, actuellement Abdelmadjid Tebboune, mais aussi lors « des visites officielles des chefs d’État ». Après la Marseillaise de rigueur, un président français pourrait donc être contraint d’écouter un choeur algérien appeler la France à rendre des comptes, en cas de visite officielle. Délicat.

Selon TSA, média proche du gouvernement algérien, Mohand Ouamar Belhadj, ancien secrétaire général de l’Organisation nationale des moudjahidines, organisation d’anciens combattants, « a félicité le président Abdelmadjid Tebboune pour ce geste ». Un geste inscrit dans un contexte de durcissement très net des relations bilatérales entre les deux pays, qui ne va pas contribuer à les détendre.

(Source magazine Le Point)