(Vu sur la Toile)

 

Aurélien Pradié : « Sur l’immigration, la droite risque de finir cocue ! »
(Article de Propos recueillis par Nathalie Schuck • Rédaction hebdomadaire Le Point)

 

Le Point.- S’il n’est pas assuré de faire voter son projet de loi sur l’immigration dans de bonnes conditions à l’Assemblée nationale à compter du début décembre, Gérald Darmanin aura au moins réussi à enfoncer un coin entre les sénateurs Les Républicains et leurs homologues de l’Assemblée.

Alors que la droite sénatoriale, emmenée par l’élu de Vendée Bruno Retailleau, a durci la copie du gouvernement, le député du Lot Aurélien Pradié la juge encore bien trop laxiste et menace toujours de la censurer, exigeant du chef de l’État le dépôt rapide d’un texte de loi constitutionnel pour rendre à la France sa souveraineté en matière migratoire.

Comme il l’avait fait lors du débat sur les retraites, conspué alors par une large partie de son camp. Question de cohérence pour celui qui sort cette semaine un ouvrage très personnel, Tenir bon (Bouquins), retraçant son parcours et ses valeurs. « C’est autant un livre de confidences personnelles que politiques. Je parle autant du Lot, de Kessel, de Duras que de mon père », dit-il, plaidant pour un « retour du tempérament en politique ».

Si les députés LR soutenaient le texte Darmanin, prévient-il, ils s’en mordraient les doigts si une nouvelle attaque terroriste survenait et mettait à jour de nouvelles failles dans la législation française. Face au conflit qui se durcit au Proche-Orient après les massacres du Hamas, Aurélien Pradié reproche par ailleurs à Emmanuel Macron d’avoir décrédibilisé l’image du pays sur la scène internationale à force de revirements. « La parole de la France est devenue inconséquente », cingle-t-il.

-“Mon devoir est de dire la vérité. Nous vivons un moment de basculement total, au coeur duquel se trouve la question de l’immigration. Tromper les Français sur ce sujet, se contenter de peu est une faute impardonnable. Ma position est d’être intransigeant. Cela peut sembler surprenant mais, au regard des défis que nous avons à relever, ne pas être intransigeant, c’est être irresponsable et lâche. Je garde comme feuille de route les déclarations il y a quelques mois à la une d’un hebdomadaire d’Éric Ciotti, Bruno Retailleau et Olivier Marleix expliquant que, sur l’immigration, c’était tout ou rien. C’est ce que nous clamons depuis des mois devant les Français. Si on recule d’un millimètre, toute notre crédibilité politique tombe. LR avait fixé deux lignes rouges. La première, point de salut sans réforme constitutionnelle pour rétablir notre souveraineté, car en votant une énième loi nous mettrions des coups d’épée dans l’eau. Gérald Darmanin ne fait que nous amener sur des terrains de diversion” (…).

“Emmanuel Macron nous balade. Il ne veut pas réformer la Constitution sur ce sujet. Je suis prêt à m’engager dans le débat pour faire avancer les choses, mais à une condition : qu’avant le vote du texte à l’Assemblée nationale, le président dépose un texte de loi constitutionnelle au Parlement. La seconde ligne rouge des Républicains était qu’il ne devait pas y avoir de droit opposable à la régularisation de clandestins. L’article 3 du gouvernement a été supprimé, c’est une très bonne chose, mais il a été remplacé par un article 4 bis qui pose des problèmes de fond importants : certes, il n’y a plus de droit automatique à la régularisation, mais il y a un droit opposable plus grand encore que la circulaire Valls. Cet article 4 bis est le fruit de négociations internes au Sénat, de luttes d’influence au sein de la majorité sénatoriale de centre droit. Au risque de déplaire, je défendrai toujours plus l’intérêt du pays que celui de groupes politiques dans une Chambre. L’organisation bicamériste de notre démocratie suppose que les députés ne soient pas toujours alignés avec les sénateurs. Avant d’appartenir à un parti, je suis un député de la Nation. Et je considère que la politique du « pas de vague » nous a coûté extrêmement cher depuis des décennies. La clarté est une force (…)”.

“Un des problèmes de cet article, c’est que les clandestins vont pouvoir demander eux-mêmes leur régularisation. Le Conseil d’État a rendu un avis expliquant que cette mesure expérimentale proposée par le Sénat ne pourrait pas être intégrée au Code de la nationalité, car elle est temporaire. Il y a donc un vrai risque constitutionnel que l’article saute. Dans ce cas, nous aurons été totalement cocus ! (…)”.

(Source Le Point – extraits de l’interview d’Aurélien Pradié par Nathalie Shuck)