“Pourquoi le procès des douze séparatistes catalans est légitime”
Par Alfonso VALERO, fondateur du Foro de Profesores Le Foro de Profesores (groupe de professeurs et de professionnels qui défendent l’unité de l’Espagne et de l’État de droit) — 22 février 2019 à 06:27

En réponse à la tribune de José BOVé parue sur le site de «Libération», Alfonso VALERO, partisan de l’unité espagnole, revient sur les informations erronées qui circulent selon lui sur la procédure.

 

“Pourquoi le procès des douze séparatistes catalans est légitime
Tribune. Tout lecteur ayant lu la tribune de José Bové parue sur le site de Libération le 12 février pourrait en venir à la conclusion que l’Espagne juge des Catalans d’une telle manière que seules les personnes informées, comme lui, pourraient être au courant des irrégularités qui s’y commettent. Heureusement, toute personne peut suivre le procès à la télévision (et ainsi devenir un «observateur international») ou dans les 600 médias accrédités pour suivre le procès au tribunal (dont 50 médias étrangers, principalement français et allemands).
Par conséquent, n’importe quel lecteur peut en apprendre davantage sur ce procès que sur tout autre procès se déroulant dans sa propre ville, auquel il n’aurait pas forcément accès.

 

Que s’est-il vraiment passé pour en arriver à ce procès ? Tous les accusés ne seront pas présents dans la salle d’audience. Sept fugitifs se sont livrés à la propagande politique partout où on voulait bien les écouter : Carles Puigdemont, Antoni Comín, Meritxell Serret et Lluís Puig s’expriment depuis leur base d’opérations en Belgique ; Anna Gabriel et Marta Rovira se trouvent en Suisse ; et Clara Ponsatí a choisi l’Ecosse. Dans la mesure où ceux-ci sont en fuite, il est évident qu’il existait de bonnes raisons de penser que le reste des accusés allait également s’enfuir.
Il faut bien souligner une chose importante : le droit espagnol, comme le droit français, prévoit que seul un juge d’instruction peut ordonner une détention provisoire dans ce genre de cas, décision qui peut être portée devant une cour d’appel. C’est ce qui est arrivé dans ce dossier. On est libre de penser que la détention provisoire, en général, est une mesure judiciaire arbitraire, mais les critiques devraient alors être adressées à tous les pays européens, y compris la France.

 

Cependant, il faut revenir en arrière pour comprendre de quoi sont accusés ceux qui se trouvent devant la Cour suprême. On a dit qu’ils étaient poursuivis pour avoir simplement organisé un référendum d’autodétermination le 1er octobre 2017, ce qu’ils avaient promis de faire pendant la campagne électorale en 2015. Il convient de rappeler que ce référendum est illégal, que ce soit en Espagne, en France (article 89 de la Constitution), en Allemagne (article 21 de la Constitution) ou dans la plupart des pays du monde. Ainsi, la Cour constitutionnelle allemande a rendu le 16 décembre 2016 un arrêt interdisant un référendum d’autodétermination dans toute l’Allemagne (affaire numéro 2BvR 349/16). Quelques mois plus tôt, la Cour constitutionnelle italienne s’était prononcée dans des termes identiques dans sa sentence 118/2015, du 29 avril 2015. Il nous semble bien que le député européen Bové n’ait rien écrit à ce sujet.
Le simple fait qu’un référendum sur l’autodétermination ait été promis lors d’une campagne électorale montre que, dans la démocratie espagnole, il est possible de défendre la modification de l’intégrité territoriale – ce qui n’est pas le cas dans beaucoup des pays voisins. Le fait est que les accusés ont été renvoyés devant la Cour suprême parce qu’ils sont accusés d’avoir enfreint la Constitution et l’ensemble de l’ordre juridique, en adoptant des lois régionales visant à mettre en place un Etat indépendant en Catalogne, en désobéissant aux ordres de la Cour constitutionnelle, en empêchant par la force la tenue d’une enquête judiciaire sur la préparation du référendum illégal, en utilisant la police régionale pour assurer le déroulement de la consultation populaire illégale, etc.

 

On a entendu également que les autorités judiciaires espagnoles leur ont empêché l’accès à la Cour européenne des droits de l’homme, ce qui est totalement faux. A tel point que cette Cour a eu l’occasion de se prononcer en faveur des autorités espagnoles dans l’affaire Aumatell i Arnau c. Espagne (cas numéro 70219/17, qui est disponible en français sur son site internet). Dans cet arrêt, la Cour européenne examine les faits qui ont conduit au procès actuel, et affirme que l’imposition d’amendes pour désobéissance à la Cour constitutionnelle est parfaitement recevable.
Enfin, le député européen Bové affirme qu’une plateforme de députés européens pour le dialogue UE-Catalogne a été constituée. Le Parlement européen compte 751 députés. La plateforme de dialogue en réunit 33, c’est-à-dire 4,3% de ses élus. Cette plateforme est composée, entre autres, de membres du groupe de l’Alliance libre européenne (qui défend la sécession de différents territoires en Europe) et du groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe (des eurosceptiques). Ce groupe, qui va donc à l’encontre de l’intégrité des pays européens et de l’existence même de l’Union européenne, cherche à s’ériger comme le médiateur approprié entre le gouvernement d’une région (la Catalogne) et le gouvernement d’un Etat membre (l’Espagne). L’ironie de la proposition n’échappe à personne.
On peut le constater, beaucoup d’informations erronées circulent sur cette procédure. La bonne nouvelle, c’est que vous pouvez vous informer vous-mêmes, en suivant le procès à la télévision ou dans les articles des journaux qui y sont consacrés. La majorité des Espagnols, y compris les Catalans, veulent vivre dans la paix et la convivialité. Ils défendent leur démocratie face à ceux qui l’attaquent et exigent que la loi soit appliquée avec fermeté. Comme les Français et le reste des Européens. Nous n’avons rien à cacher ; vous n’avez qu’à nous demander”.

 

 

Alfonso VALERO, fondateur du Foro de Profesores Le Foro de Profesores (groupe de professeurs et de professionnels qui défendent l’unité de l’Espagne et de l’État de droit).

 

NDLR. Notons, en ce qui concerne plus particulièrement le département des Pyrénées-Orientales – susnommé également “Catalogne-Nord” ou “Pays Catalan” par les Catalanistes – que seulement une quarantaine de maires (sur les 226) ont cosigné un Appel à soutien des sécessionnistes catalans actuellement jugés à Madrid (Espagne).