Le Préfet des Pyrénées-Orientales vient de rendre public, le 26 janvier dernier, l’état de la délinquance constatée en 2010 dans le département par les services de police et de gendarmerie. Ces résultats paraissent de prime abord particulièrement satisfaisants et élogieux pour nos forces de sécurité : Par rapport à 2009, la baisse de la délinquance générale s’établirait à -5,7%, et la baisse de la délinquance dite “de proximité” serait de 8% environ…
Selon le Ministère de l’Intérieur, cette diminution serait constante depuis 2003, soit prés de -17%.
Robert Folcher, aujourd’hui conseiller municipal (MRC de Jean-Pierre Chevènement) d’opposition de la Ville de Perpignan, ancien Directeur départemental de la Police nationale dans les Pyrénées-Orientales, livre une analyse tout à fait différente de la délinquance dans notre département.
Pour lui, “Un examen plus attentif de ce bilan résolument optimiste fait apparaître une réalité tout autre et une situation beaucoup plus contrastée sinon inquiétante, notamment à Perpignan : hausse considérable au cours de ces dernières années des violences sur les personnes et fortes augmentations des vols avec violences ; deux catégories d’infractions particulièrement graves, aux conséquences souvent irrémédiables, et qui suscitent, à juste titre, un fort sentiment d’insécurité au sein de la population, notamment auprès des personnes les plus vulnérables, les personnes âgées”.
Et, effectivement, à y regarder de plus près, les statistiques officielles semblent lui donner raison : Cambriolages, braquages de magasins (à Perpignan mais aussi dans d’autres villes du département), agressions violentes en réunion, parfois à l’intérieur même des domiciles, connaissent une poussée sans précédent.
Robert Folcher poursuit : “Ainsi, nos autorités affichent un certain talent pour faire un tri judicieux des statistiques et ne retenir que les bons chiffres tout en occultant ceux qui stigmatisent leurs échecs”.
Les manipulations seraient partie intégrante de cette règle du jeu. Quelques exemples savoureux (certains déplorés d’ailleurs par l’Observatoire national de la délinquance, organisme soit-disant indépendant mais rattaché au Ministère de l’Intérieur) : Bilans arrêtés vers le 20 du mois, chiffres tronqués, consignes données aux policiers afin d’éviter d’enregistrer des plaintes pour des délits mineurs (transformées en simples mentions de main courante), délits dépénalisés, etc.
– “Malgré ces artifices”, ajoute Robert Folcher, “force est de constater que la situation se dégrade et nos concitoyens ne sont pas dupes. Beaucoup d’entre eux, lorsqu’ils sont victimes, ne déposent pas plaintes soit par peur de représailles soit tout simplement parce que, désabusés et exaspérés, ils savent bien que leur démarche serait vaine et sans suite. D’ailleurs, où déposer plainte à proximité de son domicile, quand les bureaux de police sont fermés trop tôt ou pas assez implantés ?”.
Ainsi, la délinquance baisse… mais la criminalité augmente !
Les effectifs , les moyens de la police nationale et de la gendarmerie sont en régression constante depuis 2002.
A Perpignan, la nouvelle Brigade Spéciale Territorialisée (BST), créée à grand renfort de publicité lors de la venue du Ministre de l’Intérieur, en août 2010, “pour rassurer les Perpignanais après les très violents incidents survenus en plein centre ville”, peine à regrouper une douzaine de policiers pour former l’unité. Le commissariat central s’est vu contraint de prélever des agents sur les effectifs existant pour la créer. Au détriment de certains services où ils ont été remplacés par des Adjoints de sécurité…Le Ministre avait pourtant promis un renfort de 20 policiers supplémentaires pour la mettre en place.
A Perpignan, faute de moyens, il n’y a plus la journée d’ilotiers de la Police nationale, la nuit, la place est désertée par la Police nationale et la Police municipale:
La fameuse “BST” finit son service à 23 heures, quant à la Police municipale, elle termine à 21 heures. Ne restent donc qu’une ou deux équipes de la Brigade anti-criminalité, la fameuse et légendaire “BAC” de la Police nationale. Et ce ne sont pas les 155 caméras de surveillance implantées en centre ville, et veillées par la Police municipale qui règleront la question. Le commissaire Robert Folcher est formel sur ce point en particulier : “Les caméras ne remplaceront jamais une présence policière physique, visible, rassurante pour les habitants et dissuasive pour les délinquants. Ce système, utile certes, n’est pas pour autant la panacée ; il présente par ailleurs l’inconvénient majeur de rejeter la délinquance en périphérie, sur des quartiers moins favorisés, et donc de créer une sécurité, si l’on peut dire, « à deux vitesses » (…). Il est urgent de revenir à une politique de sécurité plus ambitieuse, fondée non pas uniquement sur des opérations ponctuelles et exclusivement répressives (politique du bâton=aveu d’échec), mais sur l’action préventive, sur le lien de confiance entre la population et sa police, sur le rétablissement du dialogue policiers-jeunes des quartiers défavorisés et laissés à l’abandon. Cette politique, on la connaît, c’est la police de proximité, mis en place avec succès en 1999 par Jean-pierre Chevènement et qui a été par la suite maladroitement caricaturée, puis imprudemment cassée par l’actuel Président de la république. Nous constatons à présent les dégâts”.
Pour la fédération départementale MRC’66, qui appuie ses propos, il y a urgence à mettre en place “Une sécurité égale pour tous, une police républicaine à l’écoute des besoins des citoyens, partout présente, responsable, efficace, et confiante dans sa mission de service public. Voilà l’un des enjeux essentiel de notre société”.