Le maire de Perpignan, Louis Aliot, a été le seul élu du département des Pyrénées-Orientales* à réagir à la décision d’Air France de réduire sa desserte de Perpignan, annoncée la semaine dernière. On attend avec impatience une mobilisation plus importante des élus locaux, car cette décision fait courir un risque majeur à l’économie des Pyrénées-Orientales. Pire encore, elle pourrait lui faire manquer une opportunité unique de redynamiser son économie.

En effet, pour des villes dont l’économie repose en grande partie sur le tourisme, la réduction de la desserte aérienne va entrainer nécessairement une diminution du flux de visiteurs. Or, le tourisme ne se limite pas aux séjours estivaux : il existe un véritable potentiel de développement d’une activité touristique non saisonnière. Tout d’abord, grâce à son climat ensoleillé et à sa douceur de vivre, notre département attire de nombreux parisiens et étrangers souhaitant oublier, le temps d’un week-end prolongé, le stress de la vie urbaine. En outre, grâce aux progrès des télécommunications, il est possible pour les professions dites tertiaires (se pratiquant dans des bureaux) de travailler à l’extérieur de l’entreprise. L’explosion du télétravail depuis le début de l’épidémie du COVID-19 a amené un grand nombre de ces professionnels à s’installer hors des grandes villes, et cette tendance ne va pas s’inverser.

Cependant, même s’ils pratiquent le télétravail, ces professionnels doivent se rendre ponctuellement dans leur entreprise ou en clientèle, parfois pour une seule journée dans la semaine. L’existence d’une liaison aérienne ou ferroviaire proche du domicile leur est donc indispensable. Certaines villes moyennes ont pris conscience de cette mutation profonde : la ville d’Alès (département du Gard), par exemple, déploie des panneaux publicitaires dans Paris pour inciter les télétravailleurs à venir s’installer dans les Cévennes, mettant en avant la liaison TGV entre Nîmes et Paris, réalisée en trois heures, ce qui rend possible un aller-retour dans la journée.

Notre département a beaucoup mieux à offrir, en qualité de vie, que les Cévennes ! Mais encore faut-il avoir des transports permettant un aller-retour sur Paris dans la journée, ce qui n’est pas possible avec le TGV (plus de cinq heures pour un Perpignan-Paris). La décision d’Air France risque donc de nous faire manquer une opportunité unique d’attirer dans le département une population active, jeune, et dont le pouvoir d’achat élevé bénéficierait au tissu économique local, du BTP à la restauration en passant par l’aide à domicile. L’arrivée de cette population aurait aussi pour effet de stimuler les activités culturelles et sportives de nos villes.

La décision d’Air France est d’autant plus scandaleuse que cette compagnie aérienne bénéfice d’une situation de monopole sur Perpignan, bafouant ainsi les sacro-saintes règles de l’économie de marché. Depuis la disparition de la concurrence (AOM et EAS), les prix d’Air France n’ont cessé d’augmenter, à tel point qu’un vol Paris-Perpignan le week-end peut couter plus cher qu’un vol Paris-New York. En fait, Air France, grâce à son monopole, réalise des marges énormes sur la ligne Paris-Perpignan. Les prix s’étaient quelque peu stabilisés cet été, en raison de la crise sanitaire, qui a réduit la demande de voyage – dans une économie de marché, lorsque la demande se réduit, les prix diminuent. Cependant, en réduisant l’offre de vol, Air France va pouvoir ré-augmenter les prix.

Pourtant, suite à la crise sanitaire, la compagnie aérienne est devenue de fait une entreprise publique puisqu’elle a reçu un montant record d’aides de l’Etat (sept milliards d’Euros !), et ne peut pas survivre sans ces aides. Les règles de l’économie de marché n’ont donc plus à s’appliquer. Une entreprise publique de transport aérien doit assurer des missions de service public. Et le maintien d’une desserte régulière Perpignan–Paris à des prix abordables correspond parfaitement à cette mission.

Espérons que les élus locaux sauront rappeler à l’Etat qu’il doit exercer ses droits sur Air France. On a du mal à imaginer que le premier ministre reste insensible à leur appel … Question d’autorité.

Eric Paget-Blanc, professeur des Universités

 

*Robert Vila (LR), président de la communauté Urbaine Perpignan-Méditerranée Métropole (PMM), maire de Saint-Estève, conseiller départemental, a également adressé un courrier au Président de la République, Emmanuel Macron, au Premier ministre, Jean Castex, ainsi qu’au P-DG de la compagnie aérienne Air France.