Le conflit israélo-palestinien risque d’ouvrir la boîte de Pandore

 

Les massacres commis par le Hamas en Israël le 7 octobre et le déluge de feu qui s’abat depuis sur la bande de Gaza s’imposent fortement à notre attention. Plus que jamais, le conflit israélo-palestinien devient dramatique.

Le 4 novembre 1995, le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin fut tué à bout portant par un extrémiste de son pays, alors qu’il s’apprêtait à quitter une manifestation de soutien au processus de paix avec les Palestiniens suivant les accords d’Oslo, signés deux ans plus tôt.
Il convient de souligner que le climat politique en Israël était alors exécrable et que Yitzhak Rabin fut discrédité injustement par ses adversaires du Likoud, dirigés par Benyamin Nétanyahou. Des documents filmés montrent ce dernier au cours d’une réunion publique s’adressant à ses sympathisants parmi de nombreuses caricatures de Yitzhak Rabin habillé en uniforme SS…

Et dire que Yitzhak Rabin fut l’un des plus jeunes commandants de brigade de l’armée israélienne, créée en 1948. Nommé général de brigade en 1954, il fit front contre les Égyptiens lors de la guerre de 1956. Devenu général de division en 1957, il fut désigné ensuite Chef d’État-Major de Tsahal en 1964. Et lors de la guerre des Six Jours, il mena Israël à la victoire contre les forces égyptiennes, syriennes et jordaniennes.

L’Histoire retiendra que Yitzhak Rabin fut un soldat émérite depuis la création de l’État d’Israël en 1948, ainsi qu’un homme politique intègre, respectueux des lois de son pays et soucieux de réaliser la paix dès 1993.

Selon l’Ecclésiaste (3, 1-12) : « Il y a un temps pour la guerre et un temps pour la paix ».
Cela dénote à quel point Yitzhak Rabin et Charles de Gaulle furent des hommes politiques visionnaires. En effet, lors de sa conférence de presse du 27 novembre 1967, Charles de Gaulle avait affirmé la légitimité de l’État d’Israël et condamné l’occupation des territoires palestiniens.

Souvent on ne cite qu’un bref passage de son discours en 1967, toujours le même, parfois sur un ton méprisant à son encontre. Mais il faut le lire en entier. Ce jour là, à Paris, il avait exprimé le fond de sa pensée avec sa profonde connaissance de l’Histoire et sa part de subjectivité.

Pour s’en convaincre, il est essentiel de rappeler les extraits les plus marquants de sa déclaration sur le conflit israélo-palestinien :

« L’établissement d’un foyer sioniste en Palestine entre les deux guerres mondiales, et puis après la deuxième guerre mondiale, l’établissement d’un État d’Israël soulevait à l’époque un certain nombre d’appréhensions…

Et certains redoutaient même que les juifs, jusqu’alors dispersés, et qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tout temps, c’est-à-dire un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur, n’en viennent une fois qu’ils seraient rassemblés dans les sites de son ancienne grandeur, n’en viennent à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu’ils formaient depuis dix-neuf siècles : “l’an prochain à Jérusalem”…

Un capital considérable d’intérêt et même de sympathie s’était formé en leur faveur et surtout il faut bien le dire dans la chrétienté. Un capital qui était issu de l’immense souvenir du testament, nourri à toutes les sources d’une magnifique liturgie, entretenu par la commisération qu’inspirait leur antique valeur et que poétisait chez nous la légende du juif errant, accru par les abominables persécutions qu’ils avaient subi pendant la deuxième guerre mondiale…

Bien sûr, nous conservions avec le gouvernement israélien des rapports cordiaux et même lui fournissions pour sa défense éventuelle les armements qu’il demandait d’acheter mais en même temps nous lui prodiguions des avis de modération. Notamment à propos des litiges qui concernaient les eaux du Jourdain, des escarmouches qui opposaient périodiquement les forces des deux côtés. Enfin nous ne donnions pas notre aval, à son installation dans un quartier de Jérusalem dont il s’était emparé, et nous maintenions notre ambassade à Tel-Aviv…

On sait que la voix de la France n’a pas été entendue, Israël ayant attaqué, s’est emparé en six jours de combat des objectifs qu’il voulait atteindre. Maintenant il organise, sur les territoires qu’il a pris, l’occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsion et s’il manifeste contre lui la résistance qu’à son tour il qualifie de terrorisme. Il est vrai que les deux belligérants observent pour le moment d’une manière plus ou moins précaire et irrégulière le cessez-le-feu prescrit par les Nations Unies, mais il est bien évident que le conflit n’est que suspendu et qu’il ne peut pas avoir de solution sauf par la voie internationale… ».

En somme, d’après Edgard Faure*, homme d’État français qui fit l’admiration en passant l’agrégation de droit romain et d’histoire du droit à près de 60 ans : “On a toujours tort d’avoir raison trop tôt …”.

 

 

Henri Ramoneda

*En 1941, Edgard Faure témoigna avec force et courage en faveur de Pierre Mendès France, incarcéré par le régime de Vichy.