À peine remis au Premier ministre, le rapport de l’ancien ministre de la Ville, Jean-Louis BORLOO, intitulé « Vivre ensemble Vivre en grand » destiné à nourrir la réflexion du chef de l’Etat en faveur des quartiers prioritaires, fait couler beaucoup d’encre.

Les partisans attendent que le Président de la République reprenne à son compte toutes les mesures proposées dans son discours sur les banlieues prévu le 22 mai, malgré l’estimation irréalisable de 48 milliards d’euros pour son application intégrale.

Les opposants considèrent justement qu’il s’agit d’une nouvelle gabegie pour alimenter le puits sans fond (et sans résultat depuis des années) de la politique de la Ville.

1/ Une utopie financière

Un investissement de 48 milliards dans les quartiers prioritaires est malheureusement inabordable pour un Etat aussi endetté que la France, et de toute manière en aucun cas souhaité par Emmanuel MACRON.

En effet, le Président de la République a déjà eu l’occasion de démontrer que les « quartiers prioritaires » n’étaient pas prioritaires pour lui…

On se souvient par exemple de la coupe l’été dernier des 11% du budget de la politique de la Ville, ou des difficultés pour imposer Action logement (l’ancienne participation des employeurs à l’effort de construction « 1% logement ») à financer le doublement du programme national de renouvellement urbain voulu par le Président de la République, soit 5 milliards… Alors, 46 milliards de plus, autant croire aux licornes.

2/ Le constat partagé d’une urgence urbaine et humaine

On ne peut qu’être d’accord avec le plan BORLOO sur la nécessité de répondre à l’urgence urbaine et humaine dans les quartiers prioritaires, mais peut-être pas sur les mesures proposées.

Bien entendu il faudra continuer la politique d’amélioration de l’habitat et la lutte contre les marchands de sommeil dans ces quartiers. Et les questions de la solidarité territoriale en matière d’emploi, d’éducation, de mobilité, de petite enfance, de culture ou de sport sont toutes partagées par l’ensemble des acteurs de la politique de la Ville.

On ne dira pas le contraire à Perpignan qui a connu d’importants changements positifs dans ces domaines grâce au premier programme de renouvellement urbain et qui prévoit de continuer avec le nouveau projet de renouvellement urbain (NPNRU) à partir de cette année.

Il y a quelques bonnes trouvailles dans le plan BORLOO, même si elles pâtissent d’un lyrisme un peu trop pompeux : « les nouveaux visages de Marianne » pour évoquer la nécessité de défendre la place des femmes dans ces quartiers, ou « la nouvelle armée de la République solidaire » pour reconnaître le rôle primordial des travailleurs sociaux.

Il y aussi des idées qui laissent très sceptiques comme « l’Académie des leaders » destinée à devenir une « ENA des banlieues ». Quel pire aveu d’échec (voire de mépris) que d’admettre que les jeunes des quartiers prioritaires ne peuvent pas intégrer les grandes écoles de la République ?

3/ Une grande faiblesse sur le rétablissement de l’autorité républicaine

Dans son ensemble, ce qui choque le plus avec ce plan Borloo c’est la reprise du discours récurent et aveuglé sur la banlieue, servi par les belles âmes depuis des années.

Il y a un passage symptomatique de cet aveuglement dans le rapport quand il est fait état du lien de causalité entre l’architecture des cités et les comportements déviants. Comme si le béton expliquait l’incivisme… C’est oublier les années durant lesquelles ces quartiers n’ont pas connu l’état de non-droit qui est celui de nos jours.

Pour coller à l’actualité, l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) a cru bon de diffuser à l’occasion de la remise du plan Borloo une vidéo des années soixante où la population se plaint déjà des jeunes « loubards » dans les cités. Comme si l’agissement des mauvais garçons dans les années de construction de barres HLM équivalait aux comportements dans les cités de nos jours où les règlements de compte se font à coup de Kalachnikov et non plus seulement à coup de poings.

La même erreur est faite par le Président de la République quand il parle du retour d’un « vieil antisémitisme » en France, refusant de reconnaître avec les signataires du manifeste des 300 qu’il existe un « nouvel antisémitisme » lié à la radicalisation islamiste.

Partant de ces faux constats en raison d’un aveuglement idéologique ou d’une méconnaissance de ce qui se passe réellement dans les quartiers prioritaires aujourd’hui, le plan BORLOO laisse une place bien trop faible à la question de la sécurité et de la tranquillité publique.

Pourtant, même si le rapport rappelle qu’il s’agit de la « première demande des citoyens », il se contente de quelques lignes très déclaratives avec bien peu de mesures concrètes.

Or, sans retour de l’autorité républicaine à l’école, dans la rue et les espaces publics, toutes les mesures d’accompagnement social sont vaines et inutiles. Elle est primordiale, car elle seule peut permettre un retour des habitants en favorisant une éducation dans des établissements scolaires pacifiés, avec l’implantation d’entreprises pourvoyeuses d’emplois, et surtout un changement d’image de ces quartiers où régnait auparavant une fierté populaire perdue.

 

Olivier AMIEL
Adjoint au maire de Perpignan, en charge de la Politique de la Ville, du Logement et du Renouvellement urbain.