Ce qui se veut pratique fait en général fi des belles valeurs liées à l’esthétique, à l’harmonie, au beau. C’est le cas pour l’aménagement de l’ascenseur (photo ci-dessus) qui va permettre d’accéder à hauteur de la place Castellane, en partant d’un des carrefours les plus sensibles de notre petite cité : chevauchement anachronique et hasardeux de deux époques, fracture, cassure d’une perspective sur un ensemble monumental et architectural exceptionnel que sont les grands escaliers menant à la place Castellane.
Si tout le monde s’accordait sur l’idée d’un projet louable permettant un transport de personnes, il fallait faire un autre choix et les variantes ne manquaient pas. Une des plus simples et des moins coûteuses : un escalier roulant, comme on en voit dans certains quartiers de Barcelone, recouvrant toutes les marches des grands escaliers, de bas en haut.
L’ ascenseur (beaucoup plus cher), pourquoi pas ? à condition qu’il soit aussi élégant que discret accroché à la façade de pierre sur le côté droit. Ce n’est pas le cas.
Notre ville au fil des ans continue de s’enlaidir. Elle résistait tant bien que mal jusqu’ici, elle semble aujourd’hui vouloir jeter l’éponge !
Les fautes de goût s’accumulent. Peu à peu cette laideur grignote, gangrène un environnement qui ne pourra plus leur résister bien longtemps.
Attendons de voir les résultats des futurs aménagements des quais de la République, Joly et Pierre Forgas : ce que l’on a pu voir sur plan reste standard , sans éclat, sans originalité, du clinquant, des miroirs sans tain, du basique, du gris, du béton…
La liste des sites qui enlaidissent notre petit port est longue, je peux l’égrener dans ses grandes lignes :
1) Les gigantesques hangars de la compagnie mixte à la peinture défraîchie, consternante façade sur le port, désuets et pleurant misère. Aucun projet sérieux n’a été proposé depuis des décennies pour les remplacer ou les utiliser de façon originale.
2) Les appartements de la résidence « Baie d’Azur », surplombant d’une indécente verticalité l’arrière de la ville. Ce sont eux qui avaient donné le la sous le mandat du maire Jean-Jacques Vila, lequel n’avait pas hésité, avec Michel Moly (vice-président socialiste du Conseil Départemental chargé des questions portuaires), à raser le beau camping très arboré du « Plat du Port » pour y fixer la zone d’entrepôt de conteneurs. Un choix surréaliste, totalement idiot.
3) L’enfilade de hangars en tôle ondulée de l’anse Gerbal qui abritait l’ancienne criée, un des plus beaux sites et emplacements de Port-Vendres, gardien de notre histoire antique livré, sur plusieurs milliers de mètres carrés, à un abandon « bidonvillesque ».
4) Une jetée principale d’entrée de port au ciment criblé de nids de poules sur toute sa longueur. A son extrémité, dominant la mer, un magnifique phare rouge dont les escaliers en colimaçon détruits par une violente tempête, n’ont jamais été remplacés. Au début de cette jetée, la bâtisse de l’ancien restaurant « Le Gibraltar », laissée à l’abandon et au bon vouloir des squatters.
5) Des grillages hauts d’un bon mètre, fleurissant de tous côtés le long des quais de l’artillerie (au dessous de l’église), quai de la République et sur l’anse des Tamarins. Ils étaient moins nombreux pendant l’occupation des armées allemandes en 1942 m’a-t-on dit.
6) Des plages (les seules à Port-Vendres où l’on puisse se baigner) où des panneaux d’interdiction à la baignade (anse Béar, anses Christine et Mailly) mettent en garde le vacancier médusé qui n’en croit pas ses yeux et rebrousse chemin, penaud, serviette de bain en bandoulière.
On ne s’arrêtera pas là ! Le saccage aujourd’hui continue ! Et de plus belle !
La consciencieuse mise à sac de l’anse des Tamarins pour la construction totalement inutile d’un troisième quai est bien là pour nous le rappeler. Décision irresponsable et consternante que nous paierons très cher dans tous les sens du terme : ce sera l’aberration du mandat des membres du Conseil Départemental 66, présidente** en tête, et la capitulation sans conditions des élus de la ville de Port-Vendres qui n’ont, courageusement, opposé aucune résistance à ce projet délirant.
Mais ce n’est pas tout, il en reste encore !
Dans peu de temps le site prestigieux du cap Béar, rebaptisé « Disney-cap-Béar-Port-Vendres », sera livré à un tourisme de masse dévastateur quoi que vous en disiez.
Toute la magie du site, toute sa poésie, seront balayées d’un revers de main par des colonnes de touristes « encannés » comme pour gravir l’Everest, embarqués dans un petit train, assoiffés d’exotisme et de performances sportives.
Vous le voyez, le bilan reste bien sombre !
Pour terminer, la mairie vient d’acquérir le fort Fanal, monument historique de premier ordre. Prions le ciel pour que ce site reste un haut lieu culturel et patrimonial et qu’il puisse être magnifiquement restauré.
Que les êtres humains commettent des erreurs, chacun est à même de s’en convaincre. Mais, dit Guillaume de Baskerville : « il y a des êtres humains qui en commettent plus que d’autres, ceux qu’on appelle les sots… ».
« Vox Clamantis in Deserto » …Tant pis si ma voix crie dans le désert.
*Pierre Leberger, ex-conseiller municipal d’opposition pendant les mandats de Jean-Jacques Vila et Jean-Pierre Romero.
**NDLR. Hermeline Malherbe (PS), présidente du Département66, conseillère municipale à Thuir.