Éclairage public, sécurité, coût de l’énergie et rigueur intellectuelle. Réponse d’un citoyen de Collioure, Miguel Montargès (astrophysicien), à la lettre de la citoyenne Claude Vitou (habitante de Collioure) suite au cambriolage… de la pharmacie Vitou, parue dans ouillade.eu – Chère madame Vitou, chère Claude. Face à la hausse du coût de l’énergie, le conseil municipal de Collioure a décidé l’expérimentation de l’extinction de l’éclairage public de 23H à 5H 30 du matin (hors D114). De nombreuses autres communes dans les Pyrénées-Orientales et en France en ont décidé de même, à une échelle sans précédent…
J’étais présent à la session du Conseil Municipal d’octobre. Nous avons pu assister à
l’argumentation détaillé de M. le maire, Guy Llobet, qui a cité les études réalisées par l’association
des maires de France (30 août 2022) préconisant des extinctions totales plutôt que partielles
(l’alternance clair/obscur est préjudiciable à la sécurité routière), et indiquant que les
expérimentations menées partout en France n’avaient pas relevé des actes de cambriolage ou
d’agression. Par ailleurs, M. Llobet a cité les retours de Jacques Garsau, directeur de la
communication de la ville de Collioure sous la mandature du Dr Jacques Manya (2014-2020), et maintenant maire de la commune de Millas. La commune de Millas (4264 habitants en 2019, contre 2407 à Collioure), située à dix-huit kilomètres de Perpignan, a décidé dès 2020 d’éteindre son éclairage public de 23H à 5H du matin l’hiver et de 1H à 5H du matin l’été. Le résultat est sans appel : pas d’augmentation de la criminalité et une diminution significative de la facture d’électricité acquittée par les habitants de Millas (15 000€/an). On peut également citer les exemples de Mouy (5 200 habitants), et Verberie (3 800 habitants) toutes deux dans l’Oise pour lesquelles Aujourd’hui en France donne le 4 octobre 2018 des statistiques de la gendarmerie : légère baisse des vols de véhicules et des dégradations, aucune agression physique et aucun accident de la route. C’est d’ailleurs en 2018 que le ministre de l’Intérieur, répondant à une question d’une parlementaire à l’Assemblée Nationale (question 12888 de la XVe législature), indiquait que 12 000 communes de France pratiquaient des extinctions. Bref, les faits s’accumulent, et il semble que ça soit maintenant aux critiques de démontrer que les extinctions augmentent l’insécurité réelle (et pas seulement le sentiment).
La peur du noir est ancestrale, gravée dans nos gênes, puisqu’à la préhistoire l’obscurité était le
moment où nos prédateurs pouvaient attaquer nos campements. Il est tout à fait normal de
l’éprouver. De la même façon, il est naturel d’avoir peur de se faire injecter des substances
industrielles dans le corps, tel les vaccins. Dans un cas comme dans l’autre les bénéfices sont
démontrés, et je m’étonne de lire un appel au pathos en doutant de l’existence et la légitimité
d’études sur l’éclairage public, et d’inciter les Colliourencs(ques) à ne pas être des “moutons”,
reprenant ainsi la rhétorique des anti-vaccins et autres complotistes qui foisonnent depuis des
années.
Concernant la question des caméras, peut-être les gendarmes ont-ils omis de le mentionner, mais
les caméras à vision nocturne (infrarouge) ont été inventées il y a plusieurs décennies et sont
maintenant commercialisées pour des prix raisonnables (50€ pour une caméra à capteur de
mouvement).
Ces réponses ayant été données, je tiens à apporter toute ma compassion et tout mon soutien à
toute la famille Vitou ainsi qu’à leurs employés, suite à ce cambriolage qui a touché celle qui est
maintenant notre unique pharmacie. Il serait catastrophique qu’elle en vienne à fermer. Bien
qu’observateur du ciel nocturne, je suis sensible à la sécurité de mes concitoyen(ne)s. Ma mère a
été cambriolée plusieurs fois à Collioure (toujours en plein jour !). C’est un sujet sérieux qui ne doit pas être traité avec des suppositions hasardeuses. N’y avait-il donc aucun cambriolage avant les extinctions de l’éclairage public ? Peut-on démontrer que l’éclairage aurait empêché la pharmacie d’être cambriolée à une heure où les rues de Collioure sont désertes ?
Pour conclure, je tiens à m’adresser aux gens bien intentionnés (comme le chantait Brassens) et
qui pourraient argumenter que je ne suis pas souvent à Collioure et donc pas concerné. Depuis le
15 octobre (à l’occasion du Jour de la Nuit), la ville de Meudon (45 800 habitants, à cinq kilomètres du périphérique parisien) où je réside, éteint son éclairage public de 1Hà 5H du matin. A ma connaissance, rien de significatif n’est arrivé mais il est bien trop tôt pour tirer des conclusions.
Toujours est-il que la municipalité de droite considère la décision définitive. Je suis moi-même
rentré plusieurs fois de l’Observatoire à vélo dans le noir, ce fut un bonheur.
Avec l’Association de la Plage aux Étoiles, nous donnons donc rendez-vous très prochainement aux Colliourenc(que)s sur la plage du Boramar pour des observations du ciel nocturne à l’Å“il nu et au télescope pendant les extinctions !

 

Miguel Montargès