FIGAROVOX/ Tribune collective : « Avec le Congrès de Nancy, les Socialistes promettent d’achever la social-démocratie moderne »
par adminLuc le Mai 21, 2025 • 18 h 29 min Aucun commentaire(Vu sur la Toile)
« Avec le Congrès de Nancy, les Socialistes promettent d’achever la social-démocratie moderne »
(Article de Tribune Collective • Le Figaro)
FIGAROVOX/TRIBUNE – En juin prochain, les Socialistes se réuniront à Nancy pour un congrès qui devra trancher entre diverses candidatures. Leurs professions de foi ont été examinées par des juristes et membre du think tank libéral l’IREF et elles seraient toutes marquées par une certaine radicalité.
« Ce qui est frappant à la lecture de ces contributions, c’est leur grande unité. Les différences se trouvent surtout dans les détails et les non-dits. »
Jean-Philippe Delsol est docteur en droit et président de l’Institut de recherches économiques et fiscales (IREF) ; Jean-Philippe Feldman est agrégé des facultés de droit et chercheur à l’IREF ; Nicolas Lecaussin est directeur de l’IREF.
Six contributions générales ont été déposées le 5 avril dans la perspective du 81e congrès du Parti socialiste qui doit se tenir à Nancy du 13 au 15 juin, dont celles d’Olivier Faure, le Premier secrétaire, de Nicolas Mayer-Rossignol, le Maire de Rouen, et de Boris Vallaud, le Président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale. En perte de vitesse, le PS semble naviguer sans boussole.
Ce qui est frappant à la lecture de ces contributions, c’est leur grande unité. Les différences se trouvent surtout dans les détails et les non-dits. C’est sans doute ce qui explique la fusion assez rapide de trois des contributions opposées à Olivier Faure, dont celle de Nicolas Mayer-Rossignol. Car, au-delà de l’aspect programmatique, le congrès de Nancy est l’objet d’une lutte acharnée entre les partisans du Premier secrétaire actuel et de ses nombreux opposants. Rappelons qu’en 2023, au congrès de Marseille, Olivier Faure l’avait emporté de peu et non sans polémiques sur le maire de Rouen. Derrière cette lutte se jouent l’avenir du PS et la question des alliances lors des prochaines élections. C’est bien entendu l’élection présidentielle qui cristallise les passions entre les adeptes de la continuité, à savoir l’union de toute la gauche, et ceux de la rupture, plus ou moins définitive (plutôt moins que plus en fait…), avec les Insoumis. Compte tenu de la fusion des trois contributions que nous avons évoquée, Boris Vallaud se trouve dans la position du faiseur de roi ou du futur roi, certes critique, comme Nicolas Mayer-Rossignol, du parti tel qu’il se trouve dirigé par Olivier Faure, mais très proche du programme du premier secrétaire actuel.
En 2002, Dominique Strauss-Kahn rejetait le qualificatif de «social-libéral», mais il se définissait comme un «réformiste social-démocrate». Bertrand Delanoë, le maire de Paris, n’avait en revanche pas eu peur de se déclarer «socialiste et libéral» en 2008. Quant à François Hollande, tout en se disant «social-démocrate», il ne rejetait pas en 2016 le libéralisme, mais un «libéralisme sans la brutalité». Ces déclarations apparaissent aujourd’hui bien datées. En effet, les contributions générales de 2025 assument une «radicalité». Certes, quelques contributions se réfèrent à la notion de social-démocratie, mais il faut bien comprendre de quoi l’on parle. Deux contributions précisent que «la social-démocratie n’est pas un social-libéralisme», tandis que Nicolas Mayer-Rossignol évoque une «gauche fragilisée par le social-libéralisme».
En réalité, le PS revient à l’origine de la social-démocratie qui voulait un socialisme démocratique, autrement dit parvenir au socialisme par la voie démocratique. Le débat a opposé à la fin du XIXe siècle les tenants du socialisme révolutionnaire à ceux du socialisme réformiste. Un siècle plus tard, après les déconvenues de «l’expérience» de 1981 et avec le dépérissement du Parti communiste, les socialistes avaient très majoritairement abandonné la phraséologie révolutionnaire pour une voie réformiste, dont Michel Rocard a été l’un des symboles. On avait oublié les nationalisations à tout-va ; on acceptait «l’économie de marché», mais pas «la société de marché» ; on n’entendait pas s’opposer par principe à la création des richesses, mais on entendait les redistribuer largement. Bref, c’était «moins pire» que le socialisme des Mitterrand, Mermaz et autres Quilès.
Depuis lors, sous les coups de boutoir des Insoumis, des féministes et des écologistes, les socialistes ont cru devoir verser de nouveau dans le radicalisme pour sauver leurs sièges, voire essayer d’en conquérir de nouveaux. Raphaël Glucksmann avait encore explicitement défendu la social-démocratie en 2024. Pourtant, lors des dernières élections européennes, le programme économique et social des socialistes penchait très à gauche. Plus largement, le candidat Glucksmann ne se distinguait pour l’essentiel des Insoumis que du fait de propos policés et d’un refus viscéral de l’antisémitisme. À lire l’ensemble des contributions de 2025, toutes souhaitent désormais et a minima l’union de la gauche jusqu’aux communistes et aux écologistes les plus extrémistes. Même la contribution de Nicolas Mayer-Rossignol, le grand adversaire d’Olivier Faure, n’est pas dénuée d’ambiguïté. En effet, il est indiqué que les socialistes refuseront «toute alliance politique nationale (rien n’est dit des alliances locales…) et programmatique avec ce parti (LFI) tant qu’il n’aura pas rompu avec ces dérives pour renouer avec la gauche». Il ne faut pas être grand clerc pour prédire qu’en dépit de ces précautions littéraires, le PS finira par trouver, fût-ce en se bouchant le nez, un accord avec les Insoumis…
Sur le fond des contributions, et en bref, nous trouvons tout ce qui fait l’essence du socialisme, repeint aux couleurs de l’écologisme anticapitaliste et du féminisme woke : l’étatisme, les dépenses multiformes, la fiscalité accrue, la multiplication de nouveaux droits, la planification tous azimuts. C’est 1981 en pire. Nous passerons sur les diverses interdictions et autres réglementations, la mise en place d’une «égalité réelle», la «société inclusive», le protectionnisme inévitablement écologique, le lien entre écologie et féminisme sur fond de lutte contre le «patriarcat», la création de multiples services publics, à commencer par celui de la petite enfance, les «biens communs» qui pullulent comme autant d’attrape-nigauds, les hausses du smic, du point d’indice des fonctionnaires et des salaires des enseignants (électoralisme oblige).
Un lecteur informé ne peut manquer d’être interloqué par certaines phrases qui dépassent la mesure. Ainsi, quand une contribution prétend : «Nous sommes une société de métissage, en réalité nous l’avons toujours été» (sous Louis XIV ?…). Ou quand une autre ose : «Le sérieux budgétaire est une notion de gauche». Nous préciserons que sur les 100 pages des contributions, il n’y a pas une ligne qui soit consacrée à une quelconque économie budgétaire. Un manque de place sans doute.
Les mille et une nuances du socialisme ne prêchent pas la révolution, mais elles produisent une logorrhée où pourraient se retrouver les partisans d’une nouvelle alliance électorale avec le diable. Les socialistes serviront une nouvelle fois peut-être de sherpas aux Insoumis, sans rien y gagner hormis quelques prébendes. Pierre Mendes France doit se retourner dans sa tombe, lui qui avait refusé de comptabiliser les voix des communistes pour son investiture.
(Source : FIGAROVOX/ Tribune collective)