Législatives : voici les mesures qui sont au cœur des négociations à gauche

(Anne-Charlotte Dusseaulx – Le Journal Du Dimanche/ JDD)

Le JDD.- Ils ont listé les sujets non négociables. Dans leurs discussions avec les autres forces de gauche, en vue des élections législatives, La France insoumise a d’ores et déjà avancé les réformes au cÅ“ur d’un éventuel accord national visant à obtenir une majorité à l’Assemblée nationale en juin – le fameux « troisième tour » des élections législatives. Celles sur lesquelles planche en ce moment le groupe de travail consacré au programme ; un autre tente d’avancer sur la stratégie, un troisième sur les circonscriptions. Elles figurent en effet dans la déclaration de l’intergroupe parlementaire du 19 avril. « C’est le socle minimal de tout, pas un désaccord n’est possible » sur ces points-là, issus du programme L’Avenir en commun, assure un négociateur LFI.

La déclaration de l’intergroupe à propos du programme :

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© Anne-Charlotte Dusseaulxintergoupe

Si, selon nos informations, les communistes sont plutôt d’accord sur les questions programmatiques – moins sur les circonscriptions –, certains des points suivants bloquent encore côté écologiste. Avec les socialistes, les discussions formelles n’ont en fait pas encore débuté. « Le PS fait des pas [vers nous, NDLR] mais est-il d’accord pour abroger la loi El Khomri et la retraite à 60 ans, nous n’en savons rien », explique un cadre insoumis. Un socialiste, interrogé sur l’avancée des négociations, confirme les difficultés : « Je suis assez pessimiste. » 

La retraite à 60 ans

Premier sujet de la liste et pas des moindres, car il fait partie de ceux qui crispent les discussions. Cette réforme ne figurait pas dans les programmes de l’écologiste Yannick Jadot et de la socialiste Anne Hidalgo, qui étaient pour le maintien à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite. « Nous permettrons à toutes celles et ceux qui ont exercé des métiers pénibles de partir plus tôt à la retraite », défendait le premier ; quand la seconde annonçait le rétablissement des critères de pénibilités supprimés par Emmanuel Macron. Le communiste Fabien Roussel garantissait, lui, « le départ à 60 ans avec une pension à taux plein sera garanti pour une carrière complète ».

L’abrogation de la loi El Khomri

C’était en 2016 pendant le quinquennat de François Hollande, avec Manuel Valls comme Premier ministre. La loi El Khomri, aussi appelée « loi travail » et issue d’un gouvernement socialiste, était alors adoptée à l’Assemblée nationale grâce à l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution. Jean-Luc Mélenchon entend abroger cette loi, comme celle sur le code du travail et l’assurance chômage. Ce que défendait aussi dans son programme le communiste Fabien Roussel.

Le blocage des prix des produits de première nécessité

Jean-Luc Mélenchon l’a assuré pendant la campagne : cela aurait été sa première mesure une fois élu à l’Élysée. « Ce n’est pas possible que, l’énergie, le gaz, l’électricité, les carburants ou des denrées alimentaires indispensables soient inabordables », expliquait-il déjà dans le JDD en septembre. Depuis qu’il vise Matignon, le leader insoumis le répète. Mais là encore, cette mesure de blocage des prix ne faisait pas l’unanimité.

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La fin de la « monarchie présidentielle » avec la 6e République

Cette proposition fait partie de l’ADN de Jean-Luc Mélenchon depuis de nombreuses années, mais il est le seul candidat à la porter. « Les institutions de la Ve République sont devenues dangereuses. Elles organisent un pouvoir solitaire », écrit dans son programme le candidat insoumis, qui convoquerait « une Constituante pour passer à la 6e République ».  La question de mettre un terme à la « monarchie présidentielle » figure toutefois dans l’esprit de plusieurs programmes de gauche.

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La désobéissance avec les règles européennes

Ce sera sûrement l’un des sujets au cœur des discussions entre les Insoumis et les autres forces de gauche. Car si Jean-Luc Mélenchon a clivé à gauche ces dernières années, c’est notamment sur sa relation à l’Union européenne. Aux prémices de la guerre en Ukraine , l’écologiste Yannick Jadot et la socialiste Anne Hidalgo n’ont pas manqué de le critiquer vivement sur le sujet.

« D’abord je ferai la liste de tous ceux qui déjà n’obéissent pas aux traités. Par exemple, les traités européens ne permettent pas les excédents commerciaux accumulés par l’Allemagne. Mais les Allemands s’en fichent, ils continuent. Nous, on aura d’autres demandes. Est-ce que ça va mettre du bazar ? Non, je ne crois pas », expliquait Jean-Luc Mélenchon dans une interview au Télégramme fin mars. Une telle désobéissance n’est pas partagée par tous à gauche. En 2018, Julien Bayou, aujourd’hui numéro 1 d’Europe Écologie-Les Verts, publiait un livre intitulé Désobéissons pour sauver l’Europe, mais le sujet fait débat dans les négociations.

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Dans sa déclaration, l’Union populaire de Jean-Luc Mélenchon listait d’autres sujets, davantage consensuels à gauche, tels que par exemple l’augmentation du Smic à 1 400 euros net, le référendum d’initiative citoyenne (RIC), le développement des services publics, l’engagement à consacrer 1 milliard d’euros contre les violences faites aux femmes, le rétablissement de l’ISF ou encore la planification écologique et la règle verte.

Ce dernier point ne devrait pas inclure le nucléaire, thématique sur laquelle les communistes ont une position singulière à gauche. « Il y a des points qui sont des incontournables, des points clés majeurs, la retraite à 60 ans, le blocage des prix, la VIe République, la planification écologique pour donner ces exemples-là et il y a d’autres points sur lesquels on peut discuter » comme la sortie du nucléaire, a déclaré Manuel Bompard lundi sur France Info.