(Communiqué)
-“Le Comité Local de l’Eau de la Plaine du Roussillon s’est tenu le 15 juin après celui du Comité ressource qui faisait suite à la réunion préfectorale réunissant les acteurs sur le thème de l’avenir de la ressource en eau dans le département des Pyrénées-Orientales. Un avenir qui s’annonce sombre à en juger le niveau des nappes phréatiques historiquement et dramatiquement bas et le déni dans lequel se trouvent encore un bon nombre d’élus concernés
Lors du Comité Local de l’Eau (CLE), il nous a été présenté un guide rédigé par le syndicat des nappes intitulé : « Concilier urbanisme et protection des nappes ». Ce document à destination des élus locaux a pour objectif de faire évoluer les pratiques. Il s’agit de passer – d’un fonctionnement où la prise en compte de la ressource est vécue comme une contrainte – à une donnée préalable avant tout projet d’urbanisation.
Ce guide précise que depuis l’entrée en vigueur du Schéma d’Aménagement de Gestion de l’Eau (SAGE) sur la plaine du Roussillon (avril 2020), les collectivités doivent pouvoir prouver, au moment de la validation de leurs documents d’urbanisme, que les besoins en eau de la population pourront être satisfaits à l’horizon d’accueil.
Bien que ce conseil relève du bon sens, le constat est assez accablant. Pour preuve, les conclusions d’un avis de la Mission Régionale de l’Autorité Environnementale (MRAE) de janvier 2022, concernant la régularisation d’un forage d’eau potable sur la commune de Claira :
« La MRAE recommande à la commune et à la communauté de communes Corbières Salanque Méditerranée de requestionner les objectifs de développement et d’accueil des populations en fonction des ressources véritablement disponibles afin d’en assurer la pérennité dans un contexte de changement climatique.(…) La MRAE a eu à se prononcer sur une quinzaine de projets de ZAC depuis 2017 sur le territoire de la plaine du Roussillon avec plusieurs projets de lotissements conséquents, sans que l’adéquation besoins-ressources ne soit démontrée ».
Cette analyse démontre l’irresponsabilité de certains élus dans le développement urbain face à une obligation juridique de mettre en compatibilité les documents d’urbanisme avec celui de la ressource en eau.
Le schéma de planification de l’urbanisme sur la plaine du Roussillon dit SCoT est en cours de révision. Les objectifs de croissance démographique envisagés sont toujours aussi démesurés, deux fois supérieurs à ceux de la moyenne nationale (0.7% par an pour le département contre 0.3% par an au niveau national).
Le scénario envisagé pour faire face à cette croissance démographique de 70 000 personnes à l’horizon 2030 est un prélèvement supplémentaire de vingt millions de mètres cubes (si possible 9 années sur 10) dans la retenue du barrage de Vinça et sans faire appel à des ressources externe (selon une étude BRL de 2009). On voit bien aujourd’hui avec les sécheresses successives que le scénario envisagé en 2009 ne peut fonctionner et conduit les maires et présidents de communautés à aller précipitamment visiter l’usine de dessalement à Barcelone. Interrogé lors de la CLE, M. Billes**, président du SCoT n’a pas répondu quant à un nouveau scénario.
Par ailleurs, dans l’éventualité où le barrage serait plein à la mi-octobre, à qui profiterait cette réserve d’eau ? L’agriculture, aujourd’hui sous perfusion, imagine en bénéficier prioritairement pour renforcer les exploitations existantes. De l’autre, les élus du SCoT la destinent à l’alimentation en eau potable dans une perspective de croissance démographique soutenue. Dès lors, les conflits d’usages sont inévitables. Dans ce scénario de terre brûlée, la disparition de l’agriculture semble déjà avoir été actée.
Découvrant les impacts du changement climatique dont les premiers rapports remontent pourtant à plus de 30 ans, les responsables tentent aussi de vendre, à grand renfort de technologie, les nouvelles ressources mobilisables comme la Réutilisation des Eaux Usées (REUS ou REUT). On semble ignorer que cette eau non conventionnelle aujourd’hui ne s’évapore pas à la sortie des stations d’épuration (STEP). Elle participe pour 30% au soutien du débit de la Têt en période d’étiage par exemple. En la destinant à l’arrosage des golfs, cette eau manquera forcément au fleuve avec des incidences sur les nappes et les milieux.
Ces solutions dites grises sont fondées sur une foi démesurée dans la technologie, elles profiteront avant tout à quelques sociétés majors de l’eau, avec une explosion du prix que devra supporter l’usager dans une privatisation qui a déjà été mise en œuvre dans l’agglomération Perpignan Méditerranée Métropole (PMM).
Pour les solutions d’avenir, les Assises nationales de l’eau en 2018 insistaient sur la sobriété et les solutions fondées sur la nature, plus efficaces et moins coûteuses. Ces dispositions semblent méconnues des collectivités territoriales comme le souligne un rapport interministériel récent sur le retour d’expérience de la sécheresse de 2022. (CGAAER, 23 avril 2023).
Encore une fois la conscience citoyenne est à mobiliser”.
*FRENE 66 : Fédération pour les Espaces Naturels et l’Environnement – Pyrénées-Orientales
Membre de France Nature Environnement. Siège social : FRENE 66 – 16, rue Petite-la-Réal 66000-Perpignan
Tél. 04 68 34 98 26 Mail : frene66@gmail.comÂ
**Jean-Paul Billes, maire de Pézilla-la-Rivière.