(Vu sur la Toile)

 

Budget : pourquoi LR (Les Républicains) fait l’Assemblée buissonnière
(Par Charles Sapin РR̩daction hebdomadaire Le Point)

 

Le Point.- Mais où sont-ils passés ? Depuis le début des joutes parlementaires sur le budget, majorité et forces d’opposition s’interrogent, chaque fois que leurs yeux balayent les tribunes désespérément vides, dans l’hémicycle, de leurs collègues Les Républicains. « C’est scandaleux. Ils n’en ont plus rien à faire de rien, tempête un haut gradé du Rassemblement national. Certaines séances, il n’y a qu’un seul député LR qui siège. Vendredi soir, ils n’étaient que deux pour discuter des derniers amendements. »
Un absentéisme récurrent qui trouve directement sa source dans le contexte de l’élection du mois de juin. Après la déroute de sa candidate à la présidentielle, Valérie Pécresse, la droite a pensé un temps sauver les meubles en conservant soicxante-deux députés LR ou apparentés à l’Assemblée nationale. C’était sans compter l’état d’esprit de ces derniers, qui, depuis le début de la législature, se vivent comme autant des « rescapés » ne devant leur réélection qu’à eux-mêmes.

 

« Nous avons tous été élus sur nos noms grâce à notre implantation et notre présence sur le terrain, lâche un parlementaire LR. Du coup, on continue à labourer le terrain. Entre une rencontre avec une association en circonscription et faire du présentéisme à l’Assemblée, le choix est vite fait. » D’autant plus quand l’emploi par le gouvernement du 49.3 ? qui pourrait annihiler pour une large part le produit des débats parlementaires ? nourrit un sentiment d’inutilité dans les rangs : « À quoi bon sinon pour faire de l’esbroufe ? ».

 

« Le terrain, c’est notre seule assurance-vie »

 

En tout début de mandat, le groupe LR dirigé par le député d’Eure-et-Loir, Olivier Marleix, a bien tenté d’instituer une obligation de siéger. « Mais de facto, on s’en fiche. On fait totalement ce que l’on veut. Le terrain, c’est notre seule assurance-vie », balaye un élu de droite au Palais-Bourbon. Cette assemblée buissonnière a poussé des élus d’autres bancs, goguenards, à renommer le groupe LR « VW » : les initiales de Véronique Louwagie, oratrice Les Républicains sur le projet de loi de finances et qui a siégé, bien seule, durant la totalité des débats. « Nous avons été quand même souvent une petite dizaine », euphémise la députée de l’Orne. Avant de concéder des marges de progression en termes de lisibilité et de visibilité de son groupe : « Nous allons laisser la séquence se terminer, puis nous tirerons les enseignements pour l’examen des prochains textes. Il faut faire un état des lieux. »
Le député LR des Hauts-de-Seine, Philippe Juvin, balaye, lui, le procès en attentisme fait à ses collègues : « La moitié des amendements qui ont été déposés par les députés ont été déposés par des LR. Sur le projet de loi de finances de la Sécurité sociale en séance, j’en ai déposé environ 150 ! » Une défense qui fait sourire un poids lourd de la majorité : « Les LR sont peut-être ceux qui ont déposé le plus d’amendements, mais ils ne viennent même pas les défendre dans l’hémicycle. Ceux qui viennent en séance sont ceux de la commission des finances. Et encore? » L’absence des LR est une épine supplémentaire dans le pied de la toute relative majorité. Pour faire passer certains textes comme pour bloquer certains amendements de l’opposition, la coalition présidentielle comptait sur l’appui ponctuel dans l’hémicycle des députés de droite. « Mais leur position de groupe n’existe pas. On dirait davantage une somme de députés indépendants, s’amuse la députée non-inscrite Emmanuelle Ménard. Je comprends qu’au sein de la majorité ils s’inquiètent. »

Là réside une autre cause d’absentéisme de nombre de députés LR en séance. Lors des derniers votes, les élus de droite ont fait montre de nombreuses divergences. Selon les statistiques de l’Assemblée nationale épluchées par le site indépendant Datan, le groupe LR a de loin le plus bas « taux de cohésion » de l’hémicycle. « Sans chef de parti à l’Assemblée, nous sommes devenus davantage un groupe technique que politique. Mais cela n’est pas définitif », constate le député du Pas-de-Calais, Pierre-Henri Dumont. Il n’est désormais pas rare d’observer un député LR déposer un amendement dans un sens, avant un autre dans celui opposé. « Sur ce qui était jusqu’à présent des marqueurs de notre famille politique ? la retraite à 65 ans, la suppression de l’ISF? ? cohabitent désormais des avis aux antipodes, ça promet », redoute un député LR. « Il y a toujours eu une tradition de liberté dans notre groupe, tempère le député LR des Côtes-d’Armor Marc Le Fur. Nous ne sommes pas caporalisés comme à LFI ou au RN. Mais sur les gros sujets, nous savons manifester notre unité. »

Reste à savoir si la faible mobilisation des élus LR à l’Assemblée est propre à cette séquence budgétaire, a vocation à prendre fin après le scrutin interne pour la présidence du parti Les Républicains ou, au contraire, a vocation à perdurer. « Le problème est que nous n’avons pas de chef pour qui prendre des balles, lâche pessimiste un élu LR. Les Insoumis se battent pour Mélenchon, les RN pour Marine Le Pen, Horizon pour Édouard Philippe et Renaissance pour Emmanuel Macron. Comment voulez-vous qu’on monte, nous, en première ligne sans général ? » Un problème qui n’est lui pas près d’être réglé. (Source magazine Le Point)