Conclusions du groupe de suivi transpartisan des politiques de réduction de l’artificialisation des sols et du “Zéro Artificialisation Nette” (ZAN)

Face aux inquiétudes et difficultés persistantes dans la mise en Å“uvre de la trajectoire de réduction du rythme de l’artificialisation des sols fixée par la Loi Climat-résilience d’août 2021, le Sénat a constitué, en février 2024, comme je vous l’avais informé, un groupe de suivi transpartisan pour évaluer l’application des objectifs fixés par la Loi Climat-Résilience de 2021 et particulièrement celui du “Zéro Artificialisation Nette” (ZAN). Ce groupe avait pour mission d’analyser les difficultés rencontrées sur le terrain et de proposer des ajustements.

Ainsi, après plusieurs mois d’auditions, de consultations et d’échanges avec les acteurs concernés, mes Collègues ont pu dresser un constat : si l’objectif de sobriété foncière fait consensus, sa mise en œuvre reste complexe et inadaptée aux réalités territoriales.

Un consensus sur l’objectif, mais une mise en Å“uvre à adapter

Dans le cadre de la Consultation du Sénat en mai dernier, vous, Elus locaux, avez exprimé votre soutien à l’objectif de préservation des sols. Cependant, vous avez souligné les rigidités imposées par le cadre législatif actuel. La Loi Climat-Résilience impose notamment des objectifs chiffrés qui ne tiennent pas compte des spécificités locales, ce qui génère des blocages dans certains Territoires, particulièrement les zones rurales, littorales et de montagne.

Les premières avancées législatives

Grâce à la mobilisation du Sénat, plusieurs mesures correctrices avaient été adoptées, notamment dans la Loi du 20 juillet 2023. Celle-ci inclut la garantie d’un hectare de développement communal pour chaque Commune, ainsi que des dispositifs spécifiques pour les Communes littorales et une prise en compte de critères de territorialisation. Toutefois, il semble que ces nouvelles dispositions aient été peu effectives et que des réformes supplémentaires soient nécessaires pour garantir une application plus juste et plus territorialisée des objectifs de réduction de l’artificialisation.

Le Rapport d’Information
Le résumé du Rapport

Une feuille de route en deux temps : 2021-2031 et après 2031

En ce sens, le groupe de suivi a défini une feuille de route en deux grandes étapes pour répondre aux défis identifiés lors de ses travaux :

1. Pour la période 2021-2031 : Donner des outils aux Collectivités pour lutter contre l’artificialisation, tout en répondant à l’urgence de la crise du logement et du besoin de réindustrialisation.

Engager l’Etat et ses opérateurs à passer des incantations aux actes :  celui-ci doit faire preuve de souplesse et de pédagogie. Cela passe par l’application systématique de la tolérance de 20 % de dépassement de l’enveloppe d’artificialisation, l’accompagnement concret et sur-mesure de la part des services déconcentrés sur le terrain, ce qui pourrait notamment prendre la forme d’un guichet unique auquel pourraient s’adresser les Elus.

Réduire le coût de la sobriété foncière : l’un des obstacles identifiés est le coût élevé lié à la densification et à la réhabilitation des friches, qui est souvent supérieur aux coûts de construction qui implique une artificialisation nouvelle. Il faudrait ainsi impérativement inverser cette situation et rendre plus intéressant la construction sur des surfaces artificialisées. A ce sujet, le rapport de la Commission des Finances sur le financement du « Zéro Artificialisation Nette » sera publié prochainement et pourrait proposer de nouveaux dispositifs financiers pour aider les Collectivités à atteindre leurs objectifs.

Lever temporairement et de manière ciblée la contrainte ZAN pour répondre à la crise du logement et de la réindustrialisation : mes Collègues proposent que les implantations industrielles et les nouvelles constructions de logements sociaux soient temporairement exemptées du décompte de l’artificialisation jusqu’en 2031, afin de ne pas bloquer des projets vitaux pour le développement économique et social des territoires.

 

2. Pour l’après-2031 : Rendre la stratégie de lutte contre l’artificialisation compatible avec les enjeux climatiques, sociétaux et de souveraineté.

Le mode de comptabilisation de l’artificialisation (ENAF/artificialisation réelle) : ils proposent de réviser la méthode de comptabilisation de l’artificialisation et de garder au-delà de 2031, celle en consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) au lieu de calculer en artificialisation réelle, ce qui induirait de nombreuses conséquences dommageables.

Introduire des critères de territorialisation adaptés : après 2031, la stratégie de réduction de l’artificialisation devra mieux refléter les spécificités locales, comme la densité de population, les besoins en logements, ou encore les dynamiques économiques. Ainsi le Groupe de suivi préconise une approche ascendante, à l’inverse de celle actuelle, où les Collectivités locales planifieraient elles-mêmes leur développement territorial “sous contrainte ZAN”, en justifiant de leurs besoins réels en foncier, sans enveloppe limitative préétablie.

Réformer le calendrier de modification des documents d’urbanisme : les délais actuels pour intégrer les objectifs ZAN dans les schémas régionaux et locaux d’aménagement posent des difficultés. Il serait ainsi envisagé de prolonger ces délais afin de permettre aux Collectivités de s’adapter aux nouvelles exigences, tout en évitant une « ruée » vers l’artificialisation avant l’entrée en vigueur des nouvelles normes.

Repenser le traitement des grands projets d’envergure nationale ou européenne (PENE) : ils soulignent la nécessité de revoir la gestion des grands projets industriels ou d’infrastructures. Il pourrait être pertinent que ces projets, essentiels pour l’économie nationale, soient exclus du décompte de l’artificialisation nationale, a minima pour les plus urgents. En sus, l’éligibilité et le processus de sélection des PENE posent question car il conduit à beaucoup d’incertitudes pour les porteurs de projets et de compétition entre les Territoires.

Conclusion et prochaines étapes

Ainsi, le groupe de suivi du Sénat poursuivra ses travaux à l’automne 2024 et des propositions législatives concrètes seront formulées d’ici le premier semestre 2025, afin de rendre la stratégie de réduction de l’artificialisation des sols plus réaliste et plus adaptée aux réalités du terrain.

Les déclarations du Premier Ministre, Michel Barnier, lors de sa Déclaration de Politique Générale au Sénat, s’accordent avec la volonté du Sénat. Celui-ci souhaite mettre en place une politique de contractualisation avec les Territoires où, par l’intermédiaire des Préfets, l’objectif du ZAN et son calendrier de mise en Å“uvre feront l’objet d’une différenciation selon les besoins de chacun. En ce sens, les propositions du Sénat devraient recevoir le soutien du Gouvernement et être étudiées pour répondre à cette demande forte des Elus dont le Sénat s’est toujours fait l’écho.

Au Sénat, notre restons à votre écoute et nous continuerons à défendre nos Territoires.