Taillet* : les élections entachées de “fraude”… Dix jours à peine après les élections municipales partielles du 26 mars, les deux premiers adjoints d’Alain Raymond ont rendu leur tablier. Démissions qui s‘accompagnent de l’alerte du préfet au sujet de la légalité du scrutin
-“Bon, on boit un coup quand même”. Groggy, Alain Raymond a eu ces mots pour masquer le fracas qui venait d’éclater dans la salle du conseil municipal, jeudi 6 avril.
À l’instant d’avant, les conseillers incrédules venaient d’apprendre que les deux premiers adjoints avaient démissionné de leurs postes et aussi de leurs mandats. C’est la voix chargée d’émotion que Jean-Luc Bofill a indiqué en termes pudiques mettre un terme à son engagement pour la commune. “C’est ta décision” a ponctué Alain Raymond, comme il a précisé qu’il appartenait au préfet de l’accepter ou non. Ce dernier peut la refuser en effet, mais ne peut s’opposer à une deuxième demande de l’intéressé un mois plus tard.
Quoi qu’il en soit, le représentant de l’État devrait regarder la situation d’un œil attentif d’autant que la démission d’Aurélie Ramseyer a suivi celle de Jean-Luc Bofill de quelques jours. Et que cette dernière accompagne son souhait de mettre un terme à ses fonctions d’une motivation qui ne manque pas de sel. “Par intégrité”, a-t-elle indiqué à l’assemblée communale, “et parce qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans les dernières élections”.
La triche peut coûter 15 000 € et la prison
Ce petit quelque chose réside dans la régularité du vote d’au moins un électeur inscrit sur les listes électorales.
Un “détail” qui a poussé Jean-Luc Bofill à prévenir Alain Raymond un mois et demi avant le scrutin : “Je ne cautionnerai pas ça”. Au sortir du conseil municipal du 6 avril, Mme Ramseyer a été plus précise sur la raison de son alerte au préfet. “Il y a un certificat d’hébergement de complaisance” qui a permis de gonfler artificiellement les listes des votants de Taillet. Ce seul suffrage suffirait en effet à remettre en question l’élection de Gulsen Dasdemir, élue avec 40 voix quant il en fallait pile 39 + 1 pour être élue au premier tour.
Le préfet Rodrigue Furcy aura donc à trancher pour donner suite à l’alerte de Mme Ramseyer et possiblement
transmettre ces informations au procureur de la République. Le code électoral, qui prévoit que pour être inscrit sur les listes il faut que son lieu de résidence déclaré soit “réel”, devrait l’y aider. Les peines encourues en cas de tripatouillage des listes vont d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende au double de ces peines en fonction de la qualité de celui qui commet ce délit. Reste à savoir si cette fraude présumée est unique, l’affaire d’une seule personne ou si elle a été organisée.
*Taillet : commune rurale d’à peine une centaine d’habitants (Telletencs, Telletenques), située dans la communauté de communes du Vallespir (canton du Canigou), arrondissement de Céret, dont le maire est Alain Raymond.