*Christophe Euzet, Perpignanais, universitaire, ancien député LaREM de la 7e circonscription de l’Hérault (Juin 2017 – Juin 2022)

 

 

“La vie politique n’est pas un long fleuve tranquille. Sa nature, si particulière, en fait même, chez nos compatriotes, un domaine secoué par des exigences fondamentalement contradictoires. Nous avons à peu près tous tenu les propos qui suivent, sans jamais nous interroger sur la cohérence des mots que nous prononcions alors. Visite express de cinq paradoxes bien français…

On ne le connaît même pas ! Nous demandons tous, à un moment donné ou à une autre, qu’il y ait un renouvellement du personnel politique. Il y en assez de voir toujours les mêmes têtes, disons-nous alors, convaincus du bien-fondé de cette affirmation. Mais que vienne à passer un nouveau venu, inconnu au bataillon, et nous serons alors unanimes – ou presque-, pour dénoncer cet intrus, qui vient prétendre à la consécration par les urnes alors même que nous ne le connaissons pas. Quelle outrecuidance, quelle vanité ! C’était mieux avant… au temps des dinosaures politiques (dont nous ne voulons plus).

On ne le voit que pour les campagnes électorales, il n’est jamais sur le terrain ! Ils sont tous pareils ces politicards, on ne les voit qu’au moment où ils ont besoin des suffrages, avec de grands sourires, serrant des mains. Je serais tenté de dire : heureusement ! Snober les électeurs en leur faisant la tête serait de toute évidence assez peu porteur. Mais, surtout, imagine-t-on un élu qui aurait le temps de parcourir l’ensemble de sa circonscription à longueur d’année alors même qu’il se trouve aux responsabilités ? Plus on le voit trainer dans la rue, moins l’élu consacre de temps à sa tâche, cela relève de l’évidence. Jadis, ils cumulaient les mandats et pourtant on les voyait beaucoup plus sur le terrain ! Eh bien oui, justement, on les voyait beaucoup sur le terrain… c’était vraiment mieux pour l’avancée des projets ?

On veut quelqu’un comme nous ! Nous sommes unanimes ! Il nous faut quelqu’un qui partage notre vie, qui connaisse nos problèmes, qui se comporte comme nous. Malheur à lui, toutefois, s’il vient à prononcer un mot de travers, à avoir un geste d’humeur, à n’avoir pas la coiffe parfaitement ordonnée, s’il prétend à un week-end en famille ou à des vacances à l’étranger. Nous attendons de nos représentants une perfection qui ne nous caractérise nullement ! En plus, affirmons-nous assez facilement, leur niveau général baisse. Les élus sont de moins en moins compétents ! Mais si était-ce, tout simplement, parce qu’ils nous ressemblent de plus en plus ? ça devait être mieux avant, quand ils constituaient une caste à part, intouchable et refermée sur elle-même, à laquelle nul n’avait accès.

On veut quelqu’un qui nous représente vraiment ! Tous pourris, contrairement à nous, bon peuple de France. Nous, nous savons être exemplaires. Jamais tricheur sur les déclarations, sur le travail au black, sur les infractions à la loi, les arrangements avec les contraintes administratives. Jamais arrivistes, jamais préoccupés par nos vies personnelles. Toujours en éveil pour promouvoir le sort des autres, le cœur sur la main. Mais, au fait, qui est « nous » ? Comment croire sérieusement que le chef d’entreprise, l’indépendant, l’ouvrier, le retraité, le syndicaliste, l’étudiant, puissent se rejoindre sur les critères à réunir pour les représenter ? Si nous allons au bout du raisonnement, la seule personne qui puisse fidèlement incarner nos préoccupations, c’est nous-mêmes !

Tout fout le camp, tout part à vau-l’eau. Il faudrait revenir au bon vieux temps. Avant, ça marchait, et ça marchait droit ! Notre meilleur avenir serait ainsi un retour dans le passé. En entendant ces mots, encore tout récemment, il m’est revenu à l’esprit une phrase du philosophe Alain : « Cette soif de l’or, cette ardeur au plaisir, cet oubli des devoirs, cette insolence de la jeunesse, ces vols et ces crimes inouïs, cette impudence des passions, ces saisons devenues folles enfin, qui nous apportent presque des soirées d’été au cÅ“ur de l’hiver », voilà un refrain vieux comme le monde des hommes ; il signifie seulement ceci : « Je n’ai plus l’estomac ni la joie de mes vingt ans. » On trouve cet extrait dans ses Propos sur le bonheur, qui datent de 1911…”.

 

Christophe Euzet, Perpignanais, universitaire, ancien député LaREM de la 7e circonscription de l’Hérault (Juin 2017 – Juin 2022)