Monsieur de Tothom habitait au Vernet
Et ne connaissait des choses politiques
Que ce qu’on avait bien voulu lui en expliquer,
Et se convainquait donc d’être en République.

A l’instar de tant d’autres il était peu enclin
A s’intéresser à la chose publique,
Et s’en détournait pour des plaisirs basiques :
Aux succès de l’Usap il montrait plus d’entrain…

Ne se croyant point sot il avait en horreur
Qu’on le considérât comme un imbécile,
Et le vouloir rouler eût été une erreur,
Du moins tant que ce n’était point ostensible…

Le Baron de La Duy l’appris à ses dépens,
Qui Durant des années avait aux braves gens
Fait tant de promesses qu’il ne tenait jamais,
Qu’à force chacun s’y était habitué.

Il crut donc que personne ne s’offusquerait
Qu’il file à l’anglaise et place sur son trône
Le Bailly de Jujol au discours monotone,
Illustre inconnu pour qui nul n’avait voté.

Monsieur de Thotom goûta peu la manoeuvre
Et n’appréciait qu’on changeât ses habitudes.
De sa torpeur il quitta la plénitude
Et soupçonna qu’un complot était à l’oeuvre.

Aussi quand on lui présenta comme recrue
Du camp municipal un vieux cheval frontiste
Fraîchement peint de bleu, il n’eut pas la berlue
Et sut qu’on le trompait en voyant l’arriviste.

C’est alors qu’apparu dans le soleil couchant
La face immaculée d’un nouvel impétrant…

Le chevalier d’Heidi Heido plaisait beaucoup,
Surtout aux retraités tendance vieux fachos,
Qui se réjouissaient des discours du zazou
Quand il voulait mener les autres à l’échafaud.

D’un chevalier il n’avait pas les qualités,
Mais c’est un titre qu’il s’était attribué
En épousant la fille d’un brigand fameux
Qui avait l’oeil crevé et le discours fielleux.

Cette cadette avait un véritable don
Pour s’inviter dans toutes les conversations,
Et l’on vit grossir la vague ultramarine
Depuis que des beaufs elle était la Tsarine.
Comme elle passait souvent à la télévision,
Thotom la prit bientôt en considération
Et voyant que ce qu’elle disait était repris
Partout, il crut qu’elle avait viré sa cuti.

Écartant ses grognards des images publiques
Et s’affichant partout avec le bon Heido,
Elle poliçait du Vieux le discours hystérique
Tout en préconisant les retours en bateaux
Pour ceux qui n’avaient pas les bonnes qualités
Pour la société pure qu’elle imaginait.

Elle susurrait des choses à nos petits démons
Et les poussait à s’imposer à la raison.

Elle donnait à chacun un mortel ennemi :
Euro, immigration, pater du vendredi,
Et voyait notre France comme l’Adélie:
Terre coupée du monde, vivant d’autarcie.

Monsieur de Thotom dont le Père fut chassé
D’Espagne Franquiste par les mêmes idées
Avait semble-t-il la mémoire bien courte
Pour prêter à ces propos autant d’écoute,

Mais il était lassé de racler ses tiroirs
Pour se procurer le manger et le boire
Et de sentir en lui grandir le désespoir
D’avoir été spolié de sa part du pouvoir.

Quand vint le temps des élections cantonales
Monsieur de Thotom nota en ses annales
Qu’en ce dimanche la foule des électeurs
A préféré jouir des premières chaleurs,
Et n’a pas trouvé bon d’assister au duel
Que se livraient les sieurs d’Heido et de Nohel.

Les troupes émoussées du maire bâtisseur
Ne parvinrent jamais à prendre leur élan,
Et quand du premier tour vint enfin sonner l’heure,
Il leur fallu tirer un bien triste bilan:

La recrue annoncée était un lourd fardeau
Car le comte Nohel n’était pas un cadeau.
Et à porter des masques au jeu des élections,
On s’expose à subir de sévères leçons.

Mibuzu!
En vers et contre tous