(Vu sur la Toile)

 

Refus de marier un étranger : Robert Ménard ne plaide plus coupable
(Correspondance à Montpellier de Henri Frasque • Journal Le Point)

 

Le Point.- Finalement, il ne se considère plus coupable de rien. « La seule chose que je peux vous dire, c’est que j’ai refusé de reconnaître quelque culpabilité que ce soit », lance le maire de Béziers, Robert Ménard, ce mardi matin, à la forêt de caméras et de micros qui l’attendait à la sortie du tribunal correctionnel de Montpellier. C’est pourtant, précisément, parce qu’il avait reconnu sa culpabilité, que l’élu se trouvait cinq minutes plus tôt dans le bureau du procureur, pour négocier sa peine.

Le quantum, qu’il n’a pas révélé, ne lui ayant pas convenu, Robert Ménard comparaîtra donc à une date ultérieure devant le tribunal correctionnel. Où il encourt cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende pour avoir refusé, le 7 juillet 2023, de célébrer un mariage entre une Française, Eva, et un jeune Algérien, Mustapha, sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Au nom d’une « mauvaise loi » que le maire de Béziers se félicite d’avoir enfreinte.

Une centaine de partisans, dont une vingtaine d’élus, ceints de leur écharpe tricolore, venus pour la plupart de la région de Béziers, et quelques maires de droite de la métropole de Montpellier, sont venus lui apporter leur soutien. Encouragés par le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui veut faire changer la loi.

 

 

Une proposition de loi examinée jeudi

 

-« Il me semble surréaliste, invraisemblable, de plaider coupable au nom d’une loi que les sénateurs vont contredire dès jeudi en disant qu’un maire devrait être poursuivi pour avoir marié quelqu’un en situation illégale », s’est rengorgé Robert Ménard. Le Sénat examinera jeudi une proposition de loi, déposée par le sénateur UDI Stéphane Demilly, soutenue par le gouvernement, indiquant qu’un mariage « ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national ».

« On ne peut pas mettre un maire dans une situation pareille, s’insurge Robert Ménard. On ne peut pas lui demander de signer un acte d’état civil qui aurait rendu l’expulsion de ce garçon dix fois plus difficile. » L’histoire d’amour éventuelle entre les deux personnes qu’il a refusé de marier « n’est pas [son] affaire. Mon affaire, c’est de m’obliger à marier quelqu’un qui normalement n’aurait pas dû être en face à moi à la mairie ».

« Je suis un peu troublée par le fait que Robert Ménard ait refusé de plaider coupable au dernier moment », confie Eva, présente devant le tribunal avec des associations venues la soutenir, dont la Cimade et la Ligue des droits de l’homme. Mais s’il a refusé, c’est peut-être parce que le parquet a enfin pris en considération ce qu’on a subi. J’étais avec une robe blanche, et je me retrouve avec mon fiancé dans un avion, avec les médias qui parlent de nous comme si j’étais la femme de l’ennemi public numéro un. On n’a pas demandé tout ça. Il faut que ça s’arrête. » La jeune femme raconte « faire des allers-retours depuis vingt mois avec l’Algérie » pour y retrouver son fiancé. « Mon combat, c’est celui de l’amour, et je ne lâcherai rien », a-t-elle ajouté.

 

Nouvelle plainte contre Ménard

 

« On jette en pâture une famille avec beaucoup de souffrances, beaucoup de difficultés », déplore l’avocate du couple, Vanessa Edberg. Selon elle, la nouvelle loi, si elle était votée, ne protégerait pas plus le maire de Béziers. « Elle propose que, si d’aventure, le procureur de la République ne se prononce pas sur un soupçon de mariage blanc, le maire pourra ne pas célébrer le mariage. Mais dans le cas de mes clients, ils avaient été entendus pendant plus d’une heure et demie en audition isolée, et le procureur n’avait pas sursis au mariage en considérant qu’il n’y avait aucun soupçon de mariage blanc. M. Ménard a violé la loi et fait obstruction à l’autorité du procureur de la République », a appuyé Me Edberg. Ce vendredi, le tribunal administratif de Montpellier examinera un recours contre les conditions d’expulsion du jeune Algérien, jugées irrégulières par sa défense, car « sans laissez-passer consulaire ».

« C’est regrettable que ce fait divers puisse autant mobiliser à l’Assemblée et au Sénat », déplore la représentante de la Cimade à Montpellier, pour qui « la liberté de mariage est un droit constitutionnel ». À l’inverse, Laurent Jaoul, maire divers droite de Saint-Brès, commune périphérique de Montpellier, venu soutenir Robert Ménard, met en avant « la situation juridique compliquée » des maires, qui « doivent célébrer des mariages, mais sont aussi officiers de police judiciaire. Que fait-on quand on se retrouve dans une salle de mariage avec un individu qui a l’obligation de quitter le territoire français ? »

Lui-même dit « avoir été confronté à un problème de sincérité d’un mariage. J’en ai fait part au procureur de la République, qui a entendu mes arguments ». Robert Ménard, qui s’est quant à lui assis sur l’avis du parquet, n’échappera pas à un procès. L’avocate de Mustapha a annoncé son intention de déposer une nouvelle plainte contre le maire de Béziers, pour avoir affirmé, ce matin, que le jeune homme avait été condamné. Ce qui n’est, selon elle, pas le cas.

(Source : hebdomadaire Le Point)