Naturellement, tout le monde peut se retrouver aujourd’hui dans un discours, au pire, de critique justifiée de dirigeants en place depuis (trop) longtemps, au mieux, de mea culpa collectif tout aussi justifié, lorsque, sur ce dossier de l’eau, encore, nous sommes tous coresponsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons, pour regretter ensemble le manque de discernement et d’anticipation de nos élus territoriaux sur le sujet.
Ce n’est pas comme si cela faisait vingt ans qu’on nous parle de réchauffement climatique, ce n’est pas comme si, encore l’été dernier, nous étions à deux doigts de manquer d’eau pour la seule station balnéaire d’Argelès-sur-Mer. Ce n’est pas non plus comme si ce département n’avait jamais connu de sécheresses. Ce n’est pas, en effet, comme si, des Romains aux Templiers, en passant par les Arabes, nous ne savions pas depuis des millénaires gérer l’eau, c’est-à -dire la canaliser, la stocker, la réguler, la porter d’un point à un autre, assécher des marécages, irriguer des cultures, endiguer les crues, gérer l’eau donc, et en distribuer l’usage. Etc.-etc.
Alors très bien. Le MoDem66 peut sans difficultés se joindre au concert des lamentations locales qui vient fustiger les élus, les collectivités et leurs conseils, les chambres consulaires, les syndicats, tous ceux qui auraient oublié de consentir les investissements intellectuels et financiers de tout un faisceau d’équipements qui nous manquent et auraient bien sûr évité une catastrophe annoncée.
L’entretien de réseaux de canaux d’irrigation dans nos campagnes, des réseaux humides dans nos villes, la création de nouveaux barrages, de nouveaux lacs artificiels et autres types de réservoirs, quels que soient les noms qu’on leur donne, de systèmes de récupération et traitement d’eaux usées ou d’eau de mer, du retraitement des eaux d’une station d’épuration comme expérimentée à Claira, aux expériences de dessalement de l’eau de mer comme testées à Port-Vendres.
Les solutions sont multiples. Et c’est une infrastructure globale à concevoir, tant pour l’équité entre les zones géographiques, qu’entre secteurs d’activité, et qu’entre les citoyens entre eux, qu’il faut envisager ensemble, avec tous les décisionnaires et experts autour de la table, comme le préconise le MoDem66 depuis toujours, pour à peu près tous les dossiers importants de notre département.
Ce qui est vrai pour l’attractivité économique, pour les mobilités, pour la santé, pour la culture, bien sûr, l’est aussi, sans surprise, pour la gestion de l’eau. Quittes à être prévisibles, répétons-le.
Ce que nous souhaitons exprimer, outre la critique et le mea culpa, outre notre méthode de rassemblement des collectivités et des acteurs concernés en présence pour travailler à l’intérêt général de ce territoire, est l’idée que les infrastructures ne suffiront pas. Il est temps pour nous de repenser dans notre aménagement du territoire, à la fois économique, social, et écologique, notre stratégie sur deux secteurs d’activités essentiels pour nous que sont l’agriculture et le tourisme.
Après des décennies d’agriculture, dépendante de divers niveaux de subventions, avec parfois des orientations prises en dépit du bon sens, des décennies de tourisme de masse sur la côte, lorsque depuis la Mission Racine des années 60, pour retenir sur le Languedoc-Roussillon les classes moyennes françaises qui partaient toutes en Espagne, sur la Costa Brava, nous avons tout misé sur ce tourisme saisonnier qui a structuré notre société locale et qui n’a peut-être plus complètement raison d’être aujourd’hui… il est temps de nous interroger sur nos orientations pour ces deux principales ressources des Pyrénées-Orientales. Les débats au sein du Conseil Départemental sont en l’état décevants, et nous n’avons pas l’impression que le message du groupe d’élus « Les Indépendants », alignés systématiquement sur les positions de la Présidente (Ndlr, Hermeline Malherbe PS), permette d’aller dans ce sens.
C’est parce que l’Agriculture et le Tourisme sont les deux mamelles de notre territoire, qu’il est insupportable de nous retrouver dans une situation où nous allons être tentés de jouer l’une contre l’autre, les mettre en rivalité, alors que nous avons besoin des deux.
Nous, d’abord, parce que ce sont nos deux gisements de pétrole et nos principales sources de revenus. Mais les Français, les Européens et, au-delà , consommateurs ou touristes d’où qu’ils viennent aussi, en ont tout autant besoin, parce que notre agriculture comme notre patrimoine sont des plus-values dans la vie d’un être humain, trésors qu’il est normal de partager et transmettre.
On ne peut pas concevoir un monde sans nos abricots rouges du Roussillon et nos cerises primeurs de Céret. Sans notre vin et nos maraichages…
Impossible également de concevoir un monde sans notre art roman et notre clocher de Collioure.
Alors, c’est à nous de (re)penser le recalibrage de nos productions, agricole et touristique, dans le monde contemporain, en anticipant les pratiques et les évolutions de la société, et, mieux encore, en innovant et en participant à les influencer.
Ces deux secteurs voraces en eau, doivent être repensés dans le cadre de modèles économiques tenables. Pour ne pas les opposer entre eux, ni les opposer aux classes moyennes de ce département qui n’ont pas à être pénalisés non plus de s’être endettées pour payer leur petit paradis piscinable !
*Guy Torreilles, président du MoDem66