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Guerre en Ukraine : quatre questions sur le régiment Azov, ce bataillon ukrainien accusé de compter des néonazis dans ses rangs
(Franceinfo)
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Moscou et le camp prorusse mettent en avant ce groupe de combattants lié à l’extrême droite néonazie pour justifier l’invasion du territoire ukrainien
France Info.- Depuis plusieurs semaines, Vladimir Poutine présente l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe comme une “opération spéciale” visant notamment à “dénazifier” l’Etat ukrainien. Dans cette tentative de justification de l’offensive lancée par le maître du Kremlin contre son voisin, une unité militaire ukrainienne à la réputation sulfureuse, le régiment Azov, est utilisée comme un ennemi symbolique par le camp russe. Sur les réseaux sociaux, les images de ses combattants arborant des symboles évoquant le nazisme sont partagées en nombre, notamment par des internautes prorusses.

Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, s’est lui servi de ce bataillon controversé pour justifier le bombardement d’une maternité, mercredi 9 mars, dans la ville assiégée de Marioupol, en affirmant que le bâtiment servait de base à ses combattants. “Cette maternité a été reprise depuis longtemps par le bataillon Azov et d’autres radicaux, et toutes les femmes en couches, toutes les infirmières et tout le personnel de soutien ont été mis à la porte”, a affirmé le ministre des Affaires étrangères russe. Franceinfo répond à plusieurs questions sur cette unité intégrée depuis 2014 à la garde nationale ukrainienne.

 

1- Comment est-il né ?
Le régiment Azov est un groupe paramilitaire qui tire son nom de la mer d’Azov, bordant à la fois l’Ukraine, la Russie et la Crimée, région ukrainienne annexée par Moscou depuis 2014. Il s’agissait initialement d’un bataillon composé de volontaires, ukrainiens et étrangers. Celui-ci a joué un rôle-clé dans la libération de Marioupol au printemps 2014, alors que cette grande ville du Donbass était alors aux mains des séparatistes prorusses. Le bataillon a acquis le statut de régiment en novembre de la même année, en étant intégré à la garde nationale ukrainienne, sur décision du ministère de l’Intérieur.

Le groupe paramilitaire fait, depuis, partie des forces ukrainiennes institutionnalisées. “Il s’agit d’une volonté de les réintégrer dans une structure pour contenir le danger que pourrait représenter l’existence de groupes militaires extérieurs à l’Etat”, analyse pour franceinfo Masha Cerovic, maîtresse de conférences à l’EHESS et membre du Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen (Cercec).

 

2- Quels sont ses liens avec l’idéologie néonazie ?
Le noyau historique du régiment Azov est associé à une extrême droite radicale d’affiliation néonazie qui défend des thèses sur “la race blanche”, analyse Masha Cerovic. Le fondateur de ce groupe armé, Andriy Biletsky, a été député du Parlement ukrainien entre 2014 et 2019. En 2007, alors membre de l’organisation paramilitaire ultranationaliste Patriotes d’Ukraine, il publiait un texte intitulé “Nationalisme social racial ukrainien”, rapporte Libération. “Andriy Biletsky n’a cependant jamais ouvertement revendiqué une identité néonazie”, précise la chercheuse.

Il a participé en 2016 à la fondation d’un parti : Corps national. “Des vétérans du régiment Azov ont voulu capitaliser sur leur image pour transformer une action militaire en action politique”, explique à franceinfo Adrien Nonjon, chercheur à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et spécialiste de l’Ukraine et de l’extrême droite. Au sein de Corps national, la guerre est présentée comme le meilleur moyen pour défendre la nation, explique Adrien Nonjon, qui qualifie le parti d’inspiration “nationaliste soldatique”. “Son impact reste très marginal dans le jeu politique ukrainien”, nuance cependant Masha Cerovic.

Ces accointances avec le nazisme ont toutefois été constatées sur le front. Des photos de combattants du régiment Azov arborant des symboles évocateurs du IIIe Reich circulent sur les réseaux sociaux depuis le début du conflit en Ukraine. Le symbole ésotérique du “Soleil noir”, ou encore le “Wolfsangel” inversé, qui fut celui de la 2e division SS Panzer “Das Reich”, s’affichent sur certains treillis ukrainiens. Il s’agit d’anciens emblèmes du groupe paramilitaire, encore utilisés par certains soldats, relate Adrien Nonjon. L’idéologie néonazie ne serait cependant pas majoritaire au sein des troupes du régiment qui combattent actuellement, ajoute le chercheur. “Avec l’ouverture du régiment à un plus large recrutement en 2014, cette base [néonazie] a été noyée dans la masse”, précise-t-il.

 

3- Pourquoi ses méthodes sont-elles controversées ?
Le régiment Azov a été accusé par l’ONU et certaines ONG d’exactions commises lors du conflit pour la Crimée, en 2014. Deux ans plus tard, un rapport (en anglais) du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a ainsi accusé le bataillon de viols et d’actes de torture. “Un homme handicapé mental a fait l’objet de traitements cruels, de viols et d’autres formes de violences sexuelles par huit à dix membres des bataillons Azov et Donbass [une autre formation paramilitaire ukrainienne] en août-septembre 2014”, peut-on notamment y lire.

En 2016 toujours, Human Rights Watch et Amnesty International ont également rendu leur rapport conjoint (en anglais) sur la situation en Ukraine. Les deux ONG font état de la pratique de détention arbitraire et de mauvais traitements incriminant plusieurs groupes militaires, dont le régiment Azov. Même son de cloche du côté de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), qui a publié en 2018 ses conclusions sur le conflit de 2014. L’établissement public rattaché au ministère de l’Intérieur a dénoncé des actes de torture (privation de nourriture, usage de chocs électriques…) dont des membres du régiment se seraient rendus coupables.

 

4- Quelle est son implication dans cette guerre ?
Pour la chercheuse Masha Cerovic, le régiment Azov évolue essentiellement dans la région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, même s’il reste difficile de localiser précisément les positions de troupes combattantes en temps de guerre. Il compterait entre 3 500 et 4 000 hommes, selon Adrien Nonjon. Le régiment représenterait donc moins de 2% de l’effectif total de l’armée ukrainienne, qui compte près de 200 000 soldats, selon les chiffres de la Military Balance de l’International Institute for Strategic Studies (Iiss), cité par l’AFP fin février.