Témoignage en terre cartalane : ne pas les oublier, leur rendre hommage…
Le dimanche 10 juin 1945, à 11H, un enfant d’Argelès-sur-Mer retrouvait enfin sa terre natale après cinq longues années de captivité en Allemagne. Tonnelier de métier, il avait été arraché à son atelier, à ses outils, à ses tonneaux et à ses comportes pour être incorporé comme cycliste au 13e régiment de zouaves dès septembre 1939. Il fut capturé avec son régiment par les troupes de Rommel à Avesnes (Nord) le 16 mai 1940.
Après de nombreux jours d’une marche harassante, malmené par les militaires allemands, il fut transporté par train, entassés avec soixante hommes par wagon depuis le Luxembourg à destination de la Poméranie occidentale en bordure de la mer Baltique.
Une fois son lieu de destination atteint, ils fut exhibé avec d’autres prisonniers français, comme du bétail, sur une estrade dressée au centre de la place du village, livrés au regard scrutateur des villageois qui souhaitaient pallier l’absence des hommes partis en guerre .Ces soldats français, déjà vaincus subirent cette ultime humiliation en serrant les dents.
Il dut attendre sa libération par l’armée rouge le 7 mars 1945 pour qu’il puisse enfin, après un retour mouvementé retrouver son village et les siens. Ce fut au son des cloches du campanar d’Argelès-sur-Mer, que la population émue, accueillait chaque retour, tant attendu, des prisonniers. Lui, arriva en gare ce dimanche 10 juin 1945, à 11H, accompagné de trois compagnons argelésiens d’adversité .C’était le retour des survivants d’une terrible épreuve, mais aussi porteurs d’un espoir intact.
Ce parcours est celui d’un homme parmi tant d’autres, et il m’est cher. Comme lui, de nombreux argelésiens, souvent fils de la terre, vignerons, cultivateurs, artisans… durent tout abandonner pour la guerre, ils connurent l’épreuve du stalag, le froid, la faim, l’éloignement des leurs, la nostalgie des vignes, de leurs outils restés en suspens. Puis un jour, ils revinrent, marqués à jamais, dignes, mais taiseux prêts à retrouver la rudesse et la beauté de leur métier, à replonger leurs mains dans la terre catalane.
Le 10 juin 2025 marquera le 80e anniversaire de leur retour. Pourtant, l’histoire les a peu à peu effacés, relégués dans l’ombre du souvenir. Aucun monument, aucune cérémonie ne leur rendent hommage. Leur souffrance, leur dignité méritent pourtant notre mémoire. Pourquoi ce silence autour de ces hommes, pourquoi ce vide ? “ l’oubli offense, et la mémoire lorsqu’elle est juste, honore “ écrivait Elie Wiesel.
En ces temps incertains où l’Europe tremble à nouveau sous le tumulte des conflits, leur destin nous rappelle une leçon essentielle : la guerre brise les vies mais le souvenir doit rassembler.
Ne les oublions pas, il est encore temps de leur redonner la place qui leur est due dans notre récit collectif car la mémoire est un combat contre l’effacement.
Faisons en sorte que leur sacrifice trouve enfin sa reconnaissance légitime.
G.T.