Depuis ce samedi 17 juillet 2021, 6h du matin très exactement, le département des Pyrénées-Orientales peut s’enorgueillir d’un nouveau record : il est le seul – et tellement unique -, département de France (et de Navarre), les territoires ultra-marins compris, où le port du masque est obligatoire, dans les lieux publics.

L’arrêté préfectoral a été signé avant-hier, publié hier… mais sur le terrain le bal est loin d’être masqué !

A 19h, je décidais d’aller à la pharmacie, récupérer le traitement d’une ordonnance médicale mensuelle, et je me lançais de m’y rendre à pied, porté par une douteuse curiosité malsaine : voir de visu si les piétons avançaient masqués.

Deux kilomètres environ, séparent mon domicile de l’officine. Pour un individu, moi en l’occurrence, j’avoue, habitué à mettre le contact pour faire cent mètres de distance, oser un tel marathon c’est plutôt ambitieux, périlleux. Surtout que sur le parcours, même en empruntant un chemin des écoliers, il n’y a pas un bistro pour faire étape !

Me voilà parti. Trottin trottant. Ou plutôt cahin-caha.

Je n’avais pas imaginé, qu’à cette heure-ci, je croiserais sur ma route pédestre un nombre incalculable de petits-baigneurs – plus haut que Louis de Funès, quand même -, rentrant de la plage, bouées sous les bras et masques de plongée sous le coude, serviettes de bain posées en choucroute sur les têtes, etc.-etc.

Mais aucun masque sur les visages. Pas plus d’ailleurs dans les cabas ou sous les mentons. J’étais en train de gagner mon défi personnel. Vous savez, ma douteuse curiosité malsaine issue de la déformation professionnelle du journaliste-Tintin-reporter…

J’étais le seul – et je me sentais sincèrement seul au monde, ou plutôt étranger dans mon propre quartier -, à porter le déguisement préfectoral (pourtant) obligatoire. J’en arrivais à envier tous ces visages, que je croisais à découvert et qui me défiguraient !

Je sentais dans le regard des uns un sourire narquois sur ma personne – “Il est ridicule sous son masque, il doit crever de chaleur !”-, d’autres baissaient les yeux sur mon passage, n’osant même pas me regarder, comme si porter le masque signifiait “Attention COVID-lépreux !”… Je n’avais qu’une envie : tomber le masque ! Mais je devais continuer, aller jusqu’au bout de ma démarche, en fait jusqu’à la pharmacie. Je me rapprochais de la croix et, surtout, de la bannière. Et cette phrase de Sénèque qui n’arrête pas de courir entre mes oreilles : “Personne ne peut porter longtemps le masque”. C’est tellement vrai. J’étouffais. Mais je résistais. Convaincu des bienfaits de ma cosmétique.

Dix, vingt, trente, cinquante… cent personnes rencontrées, de 7 à 77 ans, principalement, et je vous le jure, je vous le donne Emile : pas une de masquée !

Sur le chemin du retour : même constat. Sauf une personne qui, au détour d’un nid de poule, se décide à m’accoster. Que va-t-elle encore me demander ? L’adresse d’un restaurant, d’un bureau de tabac, de la pharmacie, où commander une calzone à emporter… Je deviens fébrile ; vais-je devoir ôter mon masque pour lui parler, lui répondre… Tout va très vite. Jusqu’au mot de la fin.

Elle me dit : “Vous, vous n’êtes pas d’ici, ça se voit ?”.

-Ah bon ?!… Et comment ça cela se voit ?.

“Ben vous portez le masque alors que ce n’est plus obligatoire !”.

Je n’ai pas su quoi lui répondre, alors que j’avais raison de porter le masque, décrété par arrêté préfectoral depuis ce matin 6h. Ecoeuré d’avoir pris un tel vent, j’avais (vraiment) l’air d’un con !

En fait, c’est Tom Cruise qui a raison : “Le bonheur ? C’est vivre dans la réalité, ne pas porter de masque”. Ce sera ma devise de l’été, quitte à jouer à cache-cache avec la maréchaussée, après tout maintenant que je suis vacciner contre la CO…

 

L.M.