Au mois d’août 2023, Guy Llobet, maire de Collioure, demande au plus Colliourenc des artistes toulousains, le talentueux et très sympathique Philippe Laborderie, dit “Fifi” pour tous les autochtones de la Perle de la côte vermeille, de lui dessiner le projet d’une sculpture destinée à la nouvelle esplanade Bernardi. Dès lors, entre les deux hommes, un accord verbal aurait été engagé
Philippe Laborderie, qui est presque natif de Collioure, tellement il y a planté un nombre incalculable de séjours, de repas et de fêtes, ce depuis plusieurs décennies, est un artiste insolite, atypique, qui révèle en lui un personnage haut en couleur(s), tout en poésie, lorsqu’il s’agit de décrire, de dépeindre, le cadre environnemental qui berce sa mémoire et son âme, où il pioche anecdotes, souvenirs, narration… “La baie de Collioure, dit-il, offre une vue panoramique unique, avec des mers, des plages, des façades, des toits, des montagnes, des ciels qui se superposent au pluriel en changeant de couleurs et de lumières au gré des vents”.
Dans le style “Quand on aime, on ne compte pas”, Fifi forcément en (ra)joute, mais justement en contant : “Sur la promenade du Faubourg entre la mer et la montagne, entre les remparts et la tour de la Douane, la sculpture se fera l’écho de cet environnement, de sa vie, elle s’imposera par sa taille de 2,70 mêtres et par ses couleurs. Une construction minérale, architecturale, verticale, solide, sera visible de loin tout en s’intégrant dans l’alignement remarquable des palmiers. Sur et dans des strates de bétons colorés se dessinent des voiles, des arbres, des cultures, des poissons, et des oiseaux. Les vents puissants ont vrillé la sculpture et le soleil est présent au-dessus”.
Son projet venait de prendre forme. Et consistance. Ne lui restait plus qu’Ã voir le jour, en lieu et place.
Quelques jours plus tard, plus loin, l’automne s’imposant (pas que sur le calendrier), en détrônant les couleurs et l’atmosphère estivale, l’artiste, particulièrement confiant, allait drapper à la port de Monsieur le Maire, Guy Llobet himself. Ce dernier, avant de donner sa réponse, tient à avoir l’avis de Claire Muchir, Conservatrice du Musée d’Art Moderne (MAM) Collioure, ainsi que de Caroline Marlot, l’Architecte en chef des prestigieux Bâtiments de France (vous savez, les fameux et incontournables ABF).
Bref, ce n’était pas – plutôt “ça n’était plus” – gagné.
La suite ? Vous la devinez. Pile-poil comme vous l’imaginez. Une succession de courriers, de courriels, de rencontres, de coups de fil dans l’inconnu… Ce, des semaines durant. Et même des mois pendant. Vous parlez d’un Chemin de croix ! Pour en arriver à aujourd’hui : deux ans. Et toujours pas de réponse. Ou presque. Chacun se renvoyant la balle, ici en l’occurrence la décision. Tout est dit. Ou plutôt rien est dit.
-La Conservatrice du MAM : “Je vois l’ABF le… Je lui remettrai le dossier en attente de son avis, puis je reviens vers vous rapidement” (19 mars 2024).
-L’Architecte des Bâtiments de France : “Le site-support, dédié à l’implantation de cette sculpture, est positionné dans le site patrimonial remarquable de Collioure. A ce titre, des dispositions architecturales et paysagères doivent être prises en compte afin de vazloriser cet espace protégé. Ce projet répond aux exigences architecturales, paysagères et picturales destinées à la ville de Collioure. C’est pour quoi il reçoit un avis favorable” (11 juin 2024).
-Monsieur le Maire : “A ma demande, vous avez rencontré Claire Muchir (NDLR, blablabla…) ; celle-ci m’a proposé de réunir une commission d’experts à même de porter un avis éclairé sur les propositions de commande artistique que nous recevrons régulièrement dont la vôtre. Au regard des impératifs et des priorités qui sont les nôtres, la constitution de cette commission a été différée en 2025 (…)” (29 novembre 2024).
C’est bien (re)connu, c’est franco-français, et catalano-catalan (en Catalogne du Nord/P-O), quand on veut enterrer un projet, on crée une Commission… pour faire la commission.
Et depuis ?… Et maintenant?… Le Surréalisme “à la colliourencque” aurait-il détrôné le Fauvisme, à Collioure ?…
Même si l’artiste Fifi a l’habitude de se balader en barque catalane dans la baie de Collioure, avec ou sans tambour ni trompette, de naviguer aussi les pieds solidement ancrés sur terre, là il a du mal à compendre, à suivre.
Il se fend d’une ultime lettre à Monsieur le maire de Collioure : “…Je conclus que tu ne veux plus de la sculture pour l’esplanade Bernardi du Faubourg. J’en suis fort déçu. Il est certain que le choix d’installer une oeuvre d’art dans un espace public ne fait jamais l’unanimité. Je souhaite aujourd’hui être rapidement payé du travail que j’ai réalisé pour ce projet il y a 1 an, tu as maintenant la facture. Je sais que tu me comprends”.
A suivre.
L.M.